Le langage et les articulations de la pensée - article ; n°1 ; vol.29, pg 187-220
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Description

L'année psychologique - Année 1928 - Volume 29 - Numéro 1 - Pages 187-220
34 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1928
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

D. Bertrand-Barraud
VIII. Le langage et les articulations de la pensée
In: L'année psychologique. 1928 vol. 29. pp. 187-220.
Citer ce document / Cite this document :
Bertrand-Barraud D. VIII. Le langage et les articulations de la pensée. In: L'année psychologique. 1928 vol. 29. pp. 187-220.
doi : 10.3406/psy.1928.4810
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1928_num_29_1_4810VIII
LE LANGAGE ET LES ARTICULATIONS
DE LA PENSÉE
Par Daniel Bertrand-Barraud
La thèse que nous voulons soutenir est celle-ci. Le fait de
conscience institue un ordre parmi les événements psychiques ;
autrement dit, on comprend dans une certaine mesure tout ce
dont on est conscient, car, par cela même, les qualités des choses
sont rattachées à l'orbe d'expérience de l'être siège de cette
conscience. Me promené-je ? Un grand nombre d'impressions
fugitives se glissent dans ma mentalité actuelle : la fraîcheur
ou la sécheresse de l'atmosphère, la brise caressante ou l'âpre
bise, le parfum d'une toilette ou la puanteur d'un tombereau
^d'immondices, les bruits de la rue, la vision des passants et des
véhicules". Ce sont des impressions que je comprends dans la
mesure où j'y adapte ma conduite, ce qui ne se peut faire sans
qu'elles pénètrent (sauf dans le cas des habitudes très solidement
constituées) au moins jusqu'aux abords du champ de conscience.
Les sensations musculaires et cénesthésiques par ailleurs,
sont des impressions d'origine interne qui vont et viennent
sur le pourtour de celui-ci, et peuvent faire concurrence aux
idées qui se succèdent, par exemple dans mon esprit en raison
du travail intellectuel. Ma pensée est donc riche constamment
d'éléments psychologiquement présents, mais qui ne sont plein
ement compris que lorsque je me les représente, c'est-à-dire
lorsque ces survenances de l'expérience sont annexées au do
maine où joue ma réflexion, cette prise effective en conscience
étant ce qu'on appelle l'aperception. Auparavant ma pensée
passait inorganisée. Certes la température, la sérénité du ciel, 188 M ÉMOI H KS ORIGINAUX
le sillage odorant d'une robe de femme, étaient dans mon équi
libre subjectif des valeurs constitutives de mon état d'âme, et
mes associations d'idées décelaient sans doute leur influence ;
mais elles restaient confondues en un continuum amorphe,
malgré la richesse de la trame d'intuitions en quoi consistait
irréductiblement leur réalité, car ce sont là des faits ultimes,
soit d'expérience immédiate. Bref, ces éléments étaient effect
ivement présents mais non pas sensoriellement. Par contre,
dès que l'aperception intervient, cette série d'événements
liés et confondus, se brise en moments définissables. L'expé
rience désormais est articulée, et une organisation de plus en
plus complexe de l'activité psychologique devient possible.
Or, le moyen concret de cette transformation est l'image.
Supposer une mentalité réduite aux sensations passagères, est
un non-sens, car tout processus subjectif implique le rapport
des nouveautés provenant du monde extérieur, à des points de
repère fournis par la mémoire. On peut, à la rigueur, concevoir
des séries de phénomènes objectifs au sens absolu (ou mieux, les
figurer mathématiquement, car, de cette manière on évite
la considération des existences concrètes, et la difficulté de
définir l'énergie, moyen réel de la liaison causale), mais le
progrès psychologique où naissent, se propagent, s'associent
et se combinent les affections et les idées, est fondé sur une imag
erie, si j'ose dire, abondante où l'esprit remarque des analogies.
La mémoire et le sentiment de ressemblance sont, comme les
qualités des choses, des faits ultimes inséparables de toute vie
psychologique. Les en dissocier n'est possible que verbalement:
Ceci posé, nous disons que toutes les images sont, à des degrés
divers, aptes à provoquer l'aperception. En ce qui concerne la
simple conscience cela va de soi, car une image ne serait point
une image si elle ne pénétrait pas dans la conscience. Mais il est
constant aussi que toute image peut être objet d'attention (le
caractère sélectif reconnu à cet acte dé l'esprit l'atteste suffisam
ment), et le degré supérieur de l'aperception, le jugement qui
groupe au foyer mental un certain nombre de notions, peut avoir
également pour occasion une image quelconque. Il n'est aucun
sujet de pensée sur lequel l'homme se sente inapte à exercer
son jugement. Il n'y a ici aucune difficulté.
Toutefois, en ce qui concerne les modalités de l'articulation
de la pensée et leurs suites pour le développement de l'esprit,
nous pensons qu'une distinction primordiale s'impose. De la
concurrence des images de tout ordre flottant pêle-mêle dans BEKTHAIND-BAHItAlH». — J.K LA>GAGK ET LES AUTiCl'I.ATIONS, KTC. 189
le continuum psychique, provient l'activité instinctive, qui ca
ractérise et constitue presque exclusivement la vie psycholo
gique des animaux. Au contraire, le développement de l'intell
igence est commandé par la prédominance de deux espèces
d'images, l'image visuelle et l'image verbale. La première est
prépondérante dans la vie des animaux supérieurs, qui, par
suite, a un caractère intellectuel très net. Mais la marque spéci
fique de l'esprit humain est l'organisation des images verbales :
elles apportent la possibilité de la rationalisation de l'expérience.
Selon nous, les sons inarticulés et les images visuelles suffisent
à la formation d'un entendement fruste, où les choses ont un
sens, mais ne peuvent être définies. Elles ne sont qu'implicite
ment comprises. C'est dans un univers ainsi constitué qu'a
gissent le cheval, le chien, le chat, l'âne et quelques autres ani
maux. Mais il ne peut y avoir raison, que lorsque l'image verbale
est devenue le signe des notions nées du commerce des gens.
L'aperception répartit d'abord le concret en moments discrets,
en êtres distincts ; puis les images les perpétuent en abstraits
intemporels, et informent ainsi les premières images d'idées ;
enfin, lorsque des symboles sont attachés non seulement à
des images de notions quelconques, mais à des rapports, des
abstraits d'une classe supérieure apparaissent ; et ceux-ci
peuvent être fixés grâce à un système perfectionné de signes
qui permettent de leur conférer une objectivité figurée, alors
que le geste n'y suffirait pas.^L'usage étendu des images verbales
et le développement de la raison humaine sont donc insépar
ables, la pensée rationnelle étant, selon nous, le prolongement
des procès intuitifs qui suffisent à la vie exclusivement instinc
tive. Par conséquent, il n'y a pas lieu de supposer une activité
discursive qui, par soi, élaborerait un donné empirique, mais de
considérer la pensée, à chaque étape de son évolution, comme
un progrès tout qualitatif d'événements réels qui se survivent
en images. Si cette pensée purement psychologique s'articule
et prend un sens logique, c'est que l'image verbale s'accole aux
analogies aperçues, et en fait des notions. Nous ne disons donc
point avec les réalistes que l'idée est douée d'une réalité trans
cendante, car notre critique demeure par principe au niveau
de l'expérience immédiate ; et nous n'accordons même point
aux conceptualistes qu'elle existe indépendamment du mot
dans l'esprit ; mais, d'autre part, nous n'admettons pas avec
les nominalistes que l'idée ne soit que le mot, car ce signe extrin
sèque ne saurait lui conférer valeur psychologique. C'est un 190 MÉMOIRES ORJGINAI'X
truchement, soit le signe d'affections groupées analogiquement,
et le lien entre ce symbole et ce qu'il désigne est constitutif de
l'idée. L'idée intellectuelle et l'idée rationnelle sont intrinsèqu
ement des complexes de sentiments liés indissolublement à une
image verbale, en sorte que l'emploi de celle-ci les ramène dans
la conscience plus ou moins distinctement. Grâce à ces implica
tions en quelque sorte virtuel

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