Le pont Loyang. Des mots, des humains et des dieux - article ; n°1 ; vol.57, pg 9-42
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Description

Langage et société - Année 1991 - Volume 57 - Numéro 1 - Pages 9-42
Baptandier-Berthier, Brigitte - Loyang bridge. On words, men and Gods.
Two puns which appear in a mythologie episode in Fujian will be analysed. The first one relies on the name of a character: playing on homophony, on a rupture between writing and speaking, ambiguity of the symbolic value of the name, playing on various speech registers. As a whole, it is part of a kind of ritual setting up a messenger/substitute, whose identity is put in question. The other one is a divination rebus, an example of glyphomancy, playing on an analysis of written characters which relies upon some Chinese cosmological representations. They both show an aspect of the relationship between the State bureaucratic organisation and the cult communities of folk religion.
A travers un épisode mythologique du Fujian, en Chine, on analysera deux jeux de mots. L'un est un jeu avec le nom d'un personnage : jeu d'homophonie, jeu sur la rupture oral/écrit, ambiguïté de la valeur symbolique du nom, jeu sur les différents registres de langues. Le tout correspond à une sorte de rituel d'institution d'un messager/substitut, dont l'identité est ainsi mise en question. L'autre est un rébus divinatoire, exemple de glyphomancie, jeu d'analyse de l'écriture, qui fait intervenir certaines représentations cosmologiques chinoises. Le tout donne à voir un aspect de l'articulation entre l'organisation bureaucratique d'Etat et les communautés de culte de la religion populaire.
34 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Brigitte Baptandier-Berthier
Le pont Loyang. Des mots, des humains et des dieux
In: Langage et société, n°57, 1991. Métaphore et diglossie en contexte ethnologique. pp. 9-42.
Abstract
Baptandier-Berthier, Brigitte - "Loyang bridge. On words, men and Gods".
Two puns which appear in a mythologie episode in Fujian will be analysed. The first one relies on the name of a character:
playing on homophony, on a rupture between writing and speaking, ambiguity of the symbolic value of the name, playing on
various speech registers. As a whole, it is part of a kind of ritual setting up a messenger/substitute, whose identity is put in
question. The other one is a divination rebus, an example of glyphomancy, playing on an analysis of written characters which
relies upon some Chinese cosmological representations. They both show an aspect of the relationship between the State
bureaucratic organisation and the cult communities of folk religion.
Résumé
A travers un épisode mythologique du Fujian, en Chine, on analysera deux jeux de mots. L'un est un jeu avec le nom d'un
personnage : jeu d'homophonie, jeu sur la rupture oral/écrit, ambiguïté de la valeur symbolique du nom, jeu sur les différents
registres de langues. Le tout correspond à une sorte de rituel d'institution d'un messager/substitut, dont l'identité est ainsi mise en
question. L'autre est un rébus divinatoire, exemple de glyphomancie, jeu d'analyse de l'écriture, qui fait intervenir certaines
représentations cosmologiques chinoises. Le tout donne à voir un aspect de l'articulation entre l'organisation bureaucratique
d'Etat et les communautés de culte de la religion populaire.
Citer ce document / Cite this document :
Baptandier-Berthier Brigitte. Le pont Loyang. Des mots, des humains et des dieux. In: Langage et société, n°57, 1991.
Métaphore et diglossie en contexte ethnologique. pp. 9-42.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1991_num_57_1_2540LE PONT LOYANG
DES MOTS, DES HUMAINS ET DES DIEUX
Brigitte BAPTANDIER BERTHIER.
Université de Paris X
Mon propos sera ici d'examiner deux jeux avec les mots mis en
relation dans un récit légendaire chinois. L'un est basé sur une homo-
phonie et le double sens, à l'écrit et à l'oral, d'un nom propre au sens
emblématique, qui suggère en même temps une fonction. Le tout se
corse de l'utilisation de deux registres de langage, la langue officielle,
guanhua, le "mandarin", et la langue vernaculaire locale, fangyan,
langue maternelle de certains des personnages.
L'autre est un jeu avec le mot écrit. Il s'agit d'un exemple de glypho-
mancie, où l'on prend un idéogramme pour une sorte de rébus que l'on
dissèque, pour en extraire un sens divinatoire. Or ce mot rébus constitue
en efifet un message remis, pendant son sommeil, à un homme. Celui-ci
porte précisément le nom sur lequel on a joué, pour le transformer en son
sens prétendu, en utilisant une autre langue que la sienne propre...
Ce "casse-tête chinois" constitue la trame d'un épisode mythologique
bien connu au Fujian : la construction du pont Wanan , dit pont Loyang,
Le pont Wanan enjambe le bras de mer dit Loyang, près de la ville de Quanzhou,
au Fujian. D'où son nom de pont Loyang. Il fut construit par le préfet Cai Xiang
entre la cinquième année Huangyou, et la quatrième année Jiayou du règne de
l'empereur Renzong des Song, c'est à dire entre 1054 et 1060. Le préfet Cai Xiang
(1011-1066) naquit à Xianyou, au Fujian. D devint Président du Ministère des Rites
sous le nom de Cai Zhonghui. Voir Giles (1898:750). Voir aussi la monographie de
la préfecture de Quanzhou, Quanzhoufu zhi, vol. 26, p. 8 et vol X, pp. 8 sq.
langage et société n* 57 - septembre 1991 1 0 B RIGITTE B APTANDEER-BERTHIER
à Quanzhou. D fut construit pour la première fois à l'époque des Tang,
puis reconstruit sous les Song, sous l'empereur Renzong (1022-1063),
par le préfet Cai Xiang, célèbre pour ses dons de poète et de calli graphe,
et aussi, précisément, pour l'édification de ce pont. Rehaussé depuis
lors, ce pont existe toujours, il est magnifique.
C'est cette deuxième étape de sa construction qui nous concerne ici.
11 existe de multiples épisodes à la légende qui en naquit. Celui-ci, l'un
des plus connus, est consigné par écrit dans différents ouvrages : annales
locales de Quanzhou, recueils de légendes locales, recueils de chants, etc .
Dans tous ces ouvrages la trame de l'histoire est globalement identique.
Cette séquence figure aussi dans d'autres cycles légendaires, tels
que celui de la Dame du Bord de l'Eau, divinité du Fujian dont la naissance
est liée à un autre épisode, celui de la première construction du pont .
Identique au départ aux autres versions, celle-ci en diffère cependant
par sa fin. Le préfet Cai y est en effet objet de sacrifice lors de l'inaugu
ration du pont. Cette mort légendaire du magistrat (historiquement mort
en 1066), m 'apparaît comme une sorte de développement, de glose sur
différents registres, du reste de l'épisode et des jeux avec le langage.
En outre l'histoire y est présentée sous la forme d'un récit de conteur.
Cette version présente donc le double avantage de rapporter, de manière
extensive, la séquence commune à toutes les versions, et d'y ajouter
une fin intéressante symboliquement. Je joins donc ce texte à l'analyse
présente pour que le lecteur puisse s'y reporter {cf. p.4l).
2. Voir notamment, Quanzhoufu zhi, monographie de la préfecture de Quanzhou,
vol X, pp. 8-14. Wanlifu zhi, de la préfecture de Wanli. Voir aussi
Quanzhou minjian chuanshuo, Contes et légendes de Quanzhou, recueillis par
Wu Caoting, éd. Zhongshan daxue chubanbu, 1920. Le Min zaji, Mélanges du
pays de Min, par Shi Hongbao, éd. Fujian renmin chubanshe, Fuzhou, 1985,
réédition d'une édition des Qing. Mindou bieji, Recueil légendaire du pays de
Min, éd. Fujian renmin chubanshe, 1987. Réédition d'une édition des Qing, Tome
I, p. 131. H existe aussi un chant sur ce pont, le Loyangqiao ge.
3 . Trois épisodes de l'histoire du pont Loyang figurent en effet dans le Linshui pingyao,
récits du cycle légendaire de la Dame du Bord de l'Eau, Linshui furen, maîtresse de la
lignée chamanique taoiste dite du Lushan. Cette lignée est encore très active de nos jours
au Fujian et à Taïwan (Berthier, 1988). L'épisode dont il sera question ici se trouve au
chapitre I, p. 3 de l'édition Ruicheng shuju, Taizhong, Taiwan (non daté, anonyme). Ce
livre comporte dix sept chapitres. Il est écrit en langue mandarine, guoyii. Les autres
épisodes mentionnés dans ce texte sont l'intervention de Guanyin, épisode précédant
celui que je cite, prenant place sous les Tang, et très allusivement, l 'histoire du condamné
à mort Li Wu, qui rehaussa le pont, après les travaux du préfet Cai. LE PONT LOYANG : DES MOTS, DES HUMAINS ET DES DIEUX 1 1
D'autre part, la mémoire de cette histoire est encore très vive actuel
lement. J'ai pu recueillir de multiples récits concernant ce pont. Notre
épisode y figure en bonne place, et je me prévauds tout autant des
versions orales qu'écrites. Les gloses faites de nos jours sur les jeux
de langage qui le composent montrent que l'ambiguïté, les jeux de
mots sont bien perçus comme le fondement de cet épisode.
Par ailleurs, ces jeux de mots peuvent être envisagés comme la mise
en scène d'une séquence rituelle propre à ce contexte, c'est-à-dire la
religion populaire chinoise, les cultes des divinités locales. Ces cultes,
qui sont une facette du taoisme, correspondent, de par les communautés
rituelles et économiques qui les fondent, à l'organisation traditionnelle
du pays. Celle-ci fonctionne parallèlement - parfois indépendamment,
parfois en opposition, parfois en complémentarité - avec l'organisation
bureaucratique d'Etat . C'est bien ce que montrera cet épisode - et cela
est vrai dans toutes les versions - où un magistrat local demande l'aide
d'une divinité, le dieu de la mer, le Roi Dragon, pour accomplir sa tâche.
On pourra, donc, aussi considérer ce récit comme celui d'un rite d'insti
tution, de consécration d'un messager-substitut, pour l'envoi d'une requête
à une divinité. Or cette séquence repose totalement sur les jeux de mots que
je viens d'évoquer, lesquels, en retour, d

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