Le positivisme sous le feu de la critique socialiste - article ; n°21 ; vol.8, pg 205-217
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Description

Romantisme - Année 1978 - Volume 8 - Numéro 21 - Pages 205-217
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 44
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Roger Fayolle
Le positivisme sous le feu de la critique socialiste
In: Romantisme, 1978, n°21-22. Les positivismes. pp. 205-217.
Citer ce document / Cite this document :
Fayolle Roger. Le positivisme sous le feu de la critique socialiste. In: Romantisme, 1978, n°21-22. Les positivismes. pp. 205-
217.
doi : 10.3406/roman.1978.5219
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1978_num_8_21_5219Roger FAYOLLE
Le positivisme sous le feu de la critique socialiste
Ce qu'il est convenu de nommer « l'histoire des idées » occupe
une bonne place dans « l'histoire de la littérature » et, par une étrange
réciprocité, celle-ci est volontiers considérée comme faisant partie de
cette même « histoire des idées ». Mais, s'il est permis de se demander
pour quelles raisons telles ou telles œuvres sont traditionnellement
étudiées comme des textes littéraires, ne pourrait-on pas aussi s'inter
roger sur la définition des « courants d'idées » qui ont droit de cité
dans les ouvrages d'histoire littéraire ? Il suffit de feuilleter n'importe
quel manuel, plus ou moins savant, pour constater la place importante
qui est faite, par exemple, à la querelle janséniste, et les « littéraires »
de ma génération (comme ceux sans doute de plusieurs autres) se
rappellent comment il leur a fallu tenter d'assimiler la subtile dis
tinction de « la grâce nécessaire » et de « la grâce suffisante » avant
d'aborder l'étude de Polyeucte ou celle des Provinciales. Dans le même
ordre ď « idées », la connaissance du quiétisme est considérée comme
normale et comme indispensable à quiconque se flatte de concourir
en France pour le titre de professeur certifié ou agrégé de lettres.
De telles exigences ne sont pas scandaleuses, elles sont même parfai
tement justifiées pour permettre une bonne compréhension de grandes
œuvres des xvir3 et xvnr siècles. Mais s'il semble naturel qu'un « litté
raire » soit bien informé de l'évolution de la pensée chrétienne pendant
les siècles classiques, base essentielle des bonnes humanités, la connais
sance des grands conflits scientifiques et idéologiques du xix* siècle
paraît pouvoir passer pour beaucoup moins nécessaire. Non que les
progrès des sciences, et notamment des sciences de la nature, soit
ignoré des historiens de la littérature : ils évoquent même le positivisme
comme la manifestation philosophique de ce développement scientifique
et ils soulignent volontiers l'influence du positivisme et du scientisme
sur l'évolution de la littérature même. On peut lire par exemple dans
l'introduction du volume XIXe siècle de la collection Lagarde et
Michard :
« Le xixe siècle a connu un magnifique essor de toutes les sciences. De
grandes hypothèses comme l'évolutionnisme et le transformisme ont boule
versé les idées traditionnelles sur les espèces animales et sur l'homme lui-
même. Il n'est donc pas étonnant que la science ait acquis un immense
prestige et influencé la littérature, soit directement, soit par l'intermédiaire
de La philosophie positiviste d'Auguste Comte. » (Collection Lagarde et
Michard, xixe siècle, Bordas, 1965, p. 9.) 206 Roger Fayolle
Cette influence se serait manifestée dans la critique littéraire et
dans l'histoire « positivistes », mais aussi la poésie parnassienne, le roman réaliste et naturaliste.
Cependant, la plupart des historiens de la littérature ne signalent,
en face de ce puissant courant positiviste, que la permanence discrète
puis la résurgence triomphante d'un courant volontiers qualifié ď « idéa
liste », dont l'expression littéraire est relevée chez Baudelaire, dans
la poésie symboliste et dans les multiples exemples de dénonciation
des méfaits de la science, depuis le Disciple de Paul Bourget (1889)
jusqu'aux articles de Brunetière s'engageant, en 1904, « sur les chemins
de la croyance ». En somme, « l'histoire des idées » est volontiers
résumée, pour la période 1850-1890, dans l'opposition de deux courants :
l'un, sous le titre : Positivisme et Réalisme, rassemble les audaces de
la recherche scientifique, de la littérature naturaliste et d'une philo
sophie sommairement qualifiée de « matérialiste » ; l'autre, sous le titre :
Idéalisme et Symbolisme, réunit tous ceux qui « blâment les ambitions
excessives de la Science » et qui, comme Barbey d'Aurevilly, Gobineau,
Villiers de l'Isle-Adam, Huysmans, Léon Bloy... « protestent contre la
tyrannie de l'esprit positiviste ou matérialiste ». (P.-G. Castex et P. Surer,
Manuel des études littéraires françaises, XIX' siècle, Hachette, 1966,
p. 4.) Etrange présentation réductrice qui revient à placer toutes les
audaces de la pensée sous le signe du scientisme positiviste et toute la
sagesse modérée sous le signe de la réaction religieuse, telle que
l'animera par exemple la prédication des « cardinaux verts » : Brunet
ière, Bourget, Lemaître... Ainsi se trouve radicalement exclu de cette
« histoire des idées », donnée comme une introduction indispensable
à l'étude de la littérature, un autre interlocuteur du positivisme, le
seul qui soit en mesure d'en faire la critique, non pas du point de vue
de la tradition spiritualiste et idéaliste, mais d'un point de vue rigo
ureusement matérialiste : le matérialisme historique, le marxisme 1.
Sans doute a-t-on admis une fois pour toutes que celui-ci n'a exercé
aucune influence sur la pensée et sur la littérature françaises des
dernières décennies du xix* siècle. Cela est à peu près exact, si l'on
se borne à considérer la littérature comme la suite des mésaventures
du héros bourgeois ou petit bourgeois de ce temps-là, et si l'on continue
à traiter par le mépris les nombreux textes (mémoires, romans, chan
sons, pièces de théâtre...) écrits dans et par les luttes du mouvement
ouvrier. Dès lors, quoi d'étonnant si la brochure publiée en 1880,
Socialisme utopique et socialisme scientifique (traduction par Paul
Laf argue de trois chapitres de YAnti-Duhring d'Engels) est passée sous
silence dans cette élémentaire « histoire des idées », alors même qu'elle
a connu une importante diffusion et dix traductions entre 1880 et 1892.
Cela rappelé, nous essaierons de montrer comment de jeunes
écrivains socialistes français sont souvent passés, autour de 1870, d'une
adhésion enthousiaste au positivisme, comme à une philosophie authen-
tiquement matérialiste, à la dénonciation véhémente de ce même
positivisme comme d'une imposture métaphysique.
On trouve un excellent exemple de cette passion positiviste dans
les débats auxquels donna lieu le premier Congrès international des
étudiants réunis à Liège du 29 octobre au 1er novembre 1865. Ce congrès Le positivisme sous le feu de la critique socialiste
avait été convoqué pour examiner « la seule question de l'enseignement,
à l'exclusion de toutes les questions sociales et politiques », mais une
petite minorité, notamment dans la délégation française (il У avait
soixante-douze Français sur mille deux cent trente participants dont
sept cent cinquante Liégeois) cherche aussitôt à poser des problèmes
plus généraux qui touchent aux démarches mêmes de la connaissance
et aux « questions sociales et politiques ».
Ainsi, plusieurs délégués français se réclament ouvertement du
matérialisme qu'ils considèrent comme la conséquence la plus logique
des principes de la Révolution française ; et ils célèbrent le positivisme
comme la manifestation contemporaine de « la méthode matérialiste ».
Le Parisien Regnard, étudiant en médecine, oppose « les deux méthodes
qui ont été employées à la recherche de la vérité » : « Deux étendards
guident deux troupes bien distinctes : sur l'un, que suit une bande
cacochyme et décrépite, on lit: spiritualisme, vitalisme et réaction;
l'autre, le drapeau de la démocratie, porte inscrit dans ses plis la
devise des temps modernes : le progrès par la science. » (Citation
empru

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