Le Sorgho au Burundi - article ; n°1 ; vol.52, pg 145-162
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Description

Journal des africanistes - Année 1982 - Volume 52 - Numéro 1 - Pages 145-162
Résumé Le sorgho a été négligé dans les études du Burundi au profit de la vache. Il est pourtant au cœur de la symbolique qui légitimait le pouvoir royal, notamment à l'occasion de la fête annuelle des semailles. Cette fête, le muganuro .associait un culte du tambour dynastique, un rituel agraire, une véritable fête nationale et le renouvellement périodique de la puissance du mwami (le roi). Célébrée jusqu'en 1928, elle rythmait le temps social, parallèlement à un rituel, sans doute plus ancien, celui des prémices de l'éleusine effectué dans les familles. Articulant le calendrier des mois lunaires et celui des saisons, le muganuro se situait à un moment très favorable sur le plan agronomique. Les deux céréales, associées à l'élevage, ont représenté une étape ancienne de l'histoire rurale, précédant la diffusion du bananier et du haricot américain.
Abstract Studies about Burundi have generally concentrated upon cow and neglected sorghum. This plant was, however, at the center of symbolism for legitimating royal authority, notedly during the muganuro, a yearly sowing ceremony that, celebrated till 1928, brought together a dynastic drum cult, a farming rite, a national holiday and an occasion for periodically renewing the king's power. Combining the calendars of lunar months and of seasons, the muganuro was held at a propitious time in the farming cycle. It can be put in parallel with the firstfruit ceremony, within families, for presenting eleusine. These two cereals, associated with cattle-herding, represented an ancient phase of rural history, before the diffusion of plaintain or of American beans.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 208
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Pierre Chrétien
Le Sorgho au Burundi
In: Journal des africanistes. 1982, tome 52 fascicule 1-2. pp. 145-162.
Résumé Le sorgho a été négligé dans les études du Burundi au profit de la vache. Il est pourtant au cœur de la symbolique qui
légitimait le pouvoir royal, notamment à l'occasion de la fête annuelle des semailles. Cette fête, le muganuro .associait un culte
du tambour dynastique, un rituel agraire, une véritable fête nationale et le renouvellement périodique de la puissance du mwami
(le roi). Célébrée jusqu'en 1928, elle rythmait le temps social, parallèlement à un rituel, sans doute plus ancien, celui des
prémices de l'éleusine effectué dans les familles. Articulant le calendrier des mois lunaires et celui des saisons, le muganuro se
situait à un moment très favorable sur le plan agronomique. Les deux céréales, associées à l'élevage, ont représenté une étape
ancienne de l'histoire rurale, précédant la diffusion du bananier et du haricot américain.
Abstract Studies about Burundi have generally concentrated upon cow and neglected sorghum. This plant was, however, at the
center of symbolism for legitimating royal authority, notedly during the muganuro, a yearly sowing ceremony that, celebrated till
1928, brought together a dynastic drum cult, a farming rite, a national holiday and an occasion for periodically renewing the king's
power. Combining the calendars of lunar months and of seasons, the muganuro was held at a propitious time in the farming
cycle. It can be put in parallel with the firstfruit ceremony, within families, for presenting eleusine. These two cereals, associated
with cattle-herding, represented an ancient phase of rural history, before the diffusion of plaintain or of American beans.
Citer ce document / Cite this document :
Chrétien Jean-Pierre. Le Sorgho au Burundi. In: Journal des africanistes. 1982, tome 52 fascicule 1-2. pp. 145-162.
doi : 10.3406/jafr.1982.2127
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1982_num_52_1_2127JEAN-PIERRE CHRÉTIEN
LE SORGHO DANS L'AGRICULTURE, LA CULTURE ET L'HISTOIRE
DU BURUNDI
Nous avons déjà signalé1 que la littérature spécialisée sur le Burundi,
fascinée par l'imagerie pastorale de la monarchie rwandaise, avait «fétichisé»
la vache au point de rester aveugle non seulement sur l'importance économi
que de la production agricole, mais aussi sur sa place dans la vie sociale,
dans la symbolique du pouvoir et dans l'imaginaire collectif. Nous avions
notamment cru déceler le rôle décisif de l'introduction des plantes d'origine
américaine (maïs, patates, haricot phaseolus) entre la fin du XVIIe et le
début du XIXe siècle (dates probables d'un phénomène complètement négligé
jusqu'ici). Nous préférons revenir ici sur le sorgho, une vieille céréale africaine
qui accompagne toute l'histoire de ce ;>ays. Dans le discours colonial2 il
était convenu que les rituels liés au sorgho n'étaient qu'un moyen du «roi-
pasteur» de s'attirer par des «liens superstitieux» la docilité de la masse pay
sanne : autrement dit face à une royauté décrite comme tutsi (selon le modèle
rwandais), le sorgho associé aux Bahutu se trouvait relégué à l'arrière plan
des troupeaux de bovins ou dans l'attirail de quelque idéologie trompeuse.
Le caractère fallacieux de cette vision réductrice se manifeste à trois niveaux
où se jouent indissolublement des rapports d'ordre matériel et d'ordre spi
rituel, ou, disons, le cultural et le culturel : — le fondement de la légitimité
royale, — l'organisation du temps, — la structuration de l'espace rundi.
Les semailles du sorgho au cœur de la monarchie burundaise :umuganuro -.
Chaque année (vers le mois de décembre actuel) les cérémonies qui
annonçaient les semailles du sorgho représentaient un sommet dans la manifest
ation de l'autorité du mwami (roi). Cette fête du muganuro se déroulait
en une série d'épisodes rituels plus ou moins connus en fonction de leur
degré de publicité.
1. «Lés années de l'éleusine, du sorgho et du haricot dans l'ancien Burundi. Ecologie et idéologie,
African Economic History, spring 1979, p. 75-92.
2. Cf. J. GOFFIN, «Le rôle joué par le gros bétail dans l'économie de liJrundi, Butt, des juridic
tions indigènes et du droit coutumier congolais, mai-juin 1951, p. 64.
/. des Africanistes, 52, 1-2, (1982) pp. 145-162 146 J.-P. CHRÉTIEN
— La confection de nouveaux tambours : dès le mois de septembre, à la fin
de la saison sèche, les familles spécialisées dans la fabrication, l'entretien et
le jeu de ces instruments-symboles (ingoma signifie à la fois tambour et
royaume), qui étaient dispersées à travers le pays (notamment au centre),
étaient invitées à cette tâche par des délégués de la Cour.
— Les collectes de bétail : des bergers royaux avaient le droit de réquisitionner
des vaches qui devaient être redistribuées par le roi à l'issue de la fête ; par
ailleurs des devins choisissaient quelques taureaux de couleur unie (par mult
iples de 4 : 8 ou 12 par exemple) destinés aux sacrifices.
— La montée vers la Cour des vivres de «l'année» : de différents domaines
rituels du sud-est et du centre-est du pays (Nkoma, Kirwa et Magamba),
arrivaient du sorgho, du miel, des colocases, des bananes et du sel. L'essentiel
était représenté par les grains du sorgho sacré cultivé sur les hauteurs du
Nkoma : ils constituaient «l'année» (um waka) en tant que telle. Les respons
ables de ces prestations liturgiques appartenaient aux lignages hutu des
Bazimbura (à Magamba) et des Bajiji (à Kirwa et au Nkoma). Ils possédaient
une résidence à Gikonge, sur le versant méridional de la haute colline de
Saga, à proximité des capitales royales de Bukeye, Humure, Mbuye, Mu-
ramvya et Kiganda où devait se dérouler la fête.
Les sacrifices divinatoires : plusieurs séries de consultations d'entrailles
sacrificielles avaient lieu sans que leur succession apparaisse clairement : d'une
part sur des poulets, d'autre part sur des jeunes taureaux. Ces sacrifices avaient
lieu à la résidence royale choisie pour la fête, plus précisément à l'emplace
ment dénommé rush a, sous la responsabilité d'un prince (en général un fils du
m wam i régnant) et sous la conduite effective de trois aruspices batutsi de la
sous-catégorie des Bahima (deux Bagara et un Musigi). On abattait quatre
taurillons et l'un d'eux devait «saigner du lait» : c'était l'augure favorable
nécessaire. Les viandes étaient consommées par les devins, les os étaient conser
vés dans une case sacrée dite nvamwiza3.
— La venue du tambour dynastique Karyenda à la Cour : sous la «conduite»
du tambour Rukinzo qui accompagnait le roi partout et réglait sa journée
de ses batteries, un cortège allait chercher à Gikonge le vieux tambour dynas
tique Karyenda, véritable égide du pays. Il était transporté couvert de nattes
de raphia, accompagné du taureau rituel Semasaka (Père-du-Sorgho) et des
ritualistes vus plus haut (cf. §3), les baganuza. Il était placé dans un «palais»
(ingoro) édifié spécialement dans la résidence royale (ou parfois peut-être
dans le palais même du m wam i ?) dénommé dès lors Buryenda, la demeure
de Karyenda.
— Le repas de prémices du m wam i : le mwanu pénètre le soir dans le
Buryenda en compagnie du prince — grand cérémoniaire (vu ci -dessus), de la
reine mère (ou de sa remplaçante quand celle-ci est décédée), des trois ritua
listes du sorgho (celui du Nkoma dit Ntare-du-Nkoma et ceux de Kirwa
Nzobe-de-Kirwa* et Inankoni), de la vestale-épouse du Tambour dénommés
S. Voir les plans de résidence royale dans E. MWOKOHA, Peuples et rois de l'Afrique des Iocs, Paris' Dakar, 1977, p. 117-124 ; A. NSANZE» Un domaine royal au Burundi, Mbuye (env. 1860-1945)
p. S7-47. 1980, LE SORGHO AU BURUNDI 147
royal (Muka Karyenda) et enfin de deux filles titulaires de rôles sacrés, IMyan-
gemanya et Inamukomacoto4 , appartenant elles aussi à deux familles hutu
importantes, celles des Bajiji et des Bashubi. Le paquet du sorgho du Nkoma,
enveloppé dans une écorce d'arbre, c'est-à-dire lumwaka incarné, autre
ment désigné par le terme d'isugi (c'est-à-dire la c

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