Lectures romanesques - article ; n°47 ; vol.15, pg 107-118
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Description

Romantisme - Année 1985 - Volume 15 - Numéro 47 - Pages 107-118
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Joëlle Mertès-Gleize
Lectures romanesques
In: Romantisme, 1985, n°47. pp. 107-118.
Citer ce document / Cite this document :
Mertès-Gleize Joëlle. Lectures romanesques. In: Romantisme, 1985, n°47. pp. 107-118.
doi : 10.3406/roman.1985.4717
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1985_num_15_47_4717Mertès-Gleize Joëlle
Lectures romanesques
II est des choses qui ne se font pas, dans les romans, du moins dans
les romans antérieurs au roman dit réaliste. Ainsi, sans que l'on puisse
invoquer quelque censure morale, on n'y lit guère, ou plutôt la lecture
peut y être évoquée, impliquée mais est rarement l'objet d'une atten
tion précise de la part du narrateur. On raisonne sur ses effets, on médit
e sur le contenu d'un livre mais l'acte de lire lui-même se réduit à n'ê
tre qu'une pose, un prétexte à inclinaison gracieuse d'une tête. lire
n'est pas agir ou sentir, lire n'est pas digne de récit. Du moins jusqu'à
ce renouveau du roman que connaissent la Restauration et la Monarchie
de Juillet. La lecture a désormais sa place, importante parfois. Cette
évolution est parallèle (mais il serait simpliste d'y voir une cause uni
que) à celle du marché du livre après l'Empire : augmentation sensible
des tirages, surtout pendant la Restauration, et prolifération des cabi
nets de lecture, du moins jusqu'en 1836.
Le temps des actions d'éclat est révolu. Soit remède à l'inaction for
cée des jeunes gens qui se réfugient dans le rêve, soit substitut symboli
que de plus anciens combats, l'image que l'on se fait de la lecture se mod
ifie dans ce nouveau contexte. L'importance de son influence, positive
ou négative, s'affirme dans les réflexions sur les causes de la révolution
de 1789 dont les plus souvent avancées restent d'ordre intellectuel,
comme dans les analyses du mal du siècle où la lecture intervient sou
vent comme cause et plus rarement comme effet1 . On reconnaît
donc du pouvoir aux mots, à la littérature : « Le Livre est plus influent
que la Bataille. Rousseau a plus fait, plus entrepris sur les mœurs fran
çaises que Napoléon. La bataille d'Austerlitz est un accident, un triom
phe momentané, l'événement l'a prouvé ; tandis que Paul et Virginie,
par exemple, gagne pour la France, sur l'Europe, la bataille de tous les
jours » écrit Balzac en mars 1 843 à Andersen2 . On commence égale-
il) C'est cette seconde analyse que l'on trouve dans le Courrier Anglais de Stendhal:
« Sous Napoléon, ces jeunes gens travaillaient, acquéraient de bonne heure une ex
périence personnelle et devenaient des hommes. J'admets que Napoléon les faisait
souvent travailler d'une façon peu favorable au bonheur humain ; mais cependant,
ces hommes de vingt ans travaillaient. Maintenant, ils ne savent quoi faire d'eux-
mêmes ; ils lisent des romans ou de la philosophie sentimentale et tombent rapide
ment dans un complet dégoût de tout ; en un mot, ils ont le spleen », London
Magazine, avril 1825. Courrier Anglais, t. V, p. 30.
(2) Correspondance, t. VI, p. 571 . Lettre du 25 mars 1843. 1 08 Joëlle Mertès-Gleize
ment à reconnaître du sérieux au roman. Son discours d'escorte, préfa
ces, articles de presse, en est à la fois acteur et témoin3. C'est aussi
ce que revendique indirectement le roman lui-même par l'extension tou
te nouvelle des questions qu'il aborde, et par exemple, celle de la fonc
tion des diverses pratiques culturelles.
Nous voudrions analyser ici la mise en scène d'une de ces pratiques,
la lecture, pour contribuer à la constitution scénologie4 r
omantique en même temps qu'à l'étude du méta-discours romanesque,
non pas tel qu'il s'inscrit directement dans le texte mais tel qu'il se
transpose dans la fiction. Dans cet essai de description de la scène de
lecture romantique, il ne faut pas entendre scène au sens très précis que
lui donne G. Genette lorsqu'il caractérise la scène dialoguée par une
quasi égalité du temps du récit et du temps de l'histoire ; cette défini
tion nous priverait des scènes de lecture individuelles. Nous parlerons
donc de scène de lecture dès que l'action de lire est narrée et décrite
avec une certaine précision (circonstance, modalités, contenus, ef
fets)5 .
Il est pourtant des scènes de lecture qui répondent approximative
ment au critère temporel définissant la scène. Ce sont les lectures orales
collectives. Les salons littéraires sont fort à la mode sous la Monarchie
de Juillet et font l'objet de descriptions satiriques ou de nouvelles. Leur
existence romanesque est cependant assez rare et éphémère. Peut-être la
satire à laquelle invitent les lectures de salon convient-elle mieux à l'ar
ticle de presse qu'au roman. La dénonciation du caractère factice des
jugements portés semble un lieu commun qui avait déjà trouvé une for
me romanesque et moralisante grâce à Madame de Genlis6 .
Si Balzac reprend ce thème satirique dans un article non signé pour
La Mode1 , ce n'est pas la description du rite mondain qui le retient
dans les romans. Certes, les contraintes du réfèrent extra-textuel, com
me de la référence intertextuelle, obligent à décrire l'assemblée et son
attente, les impressions du lecteur, les effets de la lecture sur les audi
teurs, les jugements portés et la façon dont le lecteur les reçoit. Nous en
prendrons deux exemples forts différents : la lecture des poèmes d'A.
Chénier puis des siens propres par Lucien Chardon devant la noblesse
d'Angoulême, la lecture fragmentaire et créatrice & Olympia ou les
(3) Ainsi ces lignes d'un collaborateur de la très peu frivole Revue Européenne à
propos ďlndiana de G. Sand, n° 3-4, 1832 : « C'est aujourd'hui quelque chose de
sérieux que les romans et il serait difficile d'appeler livre d'agrément l'ouvrage dont
nous avons à parler et qu'on n'achève pas de lire sans en rapporter de profondes et
graves réflexions sur l'époque qui a transformé ainsi en plaidoyers sévères les fr
ivoles récits des romanciers ».
(4) J'emprunte ce terme à J. Pommier dans sa préface à J.S. Wood. Romanciers
Français secondaires, 1965.
(5) Les dimensions de cet article ne permettent pas de rendre compte de façon ex
haustive des scènes de lecture, pour un corpus romanesque comme celui de la Mo
narchie de Juillet. Nous nous bornerons à des exemples significatifs de chaque
type de scène.
(6) Les Deux réputations est un roman qui oppose l'écrivain intrigant et ambitieux
à l'écrivain noble et généreux.
(7) « Des salons littéraires et des mots élogieux », article non signé du 20 novembre
1830. Lectures romanesques 1 09
vengeances romaines par Lousteau devant les notables de Sancerre8.
Ces deux soirées littéraires ont en commun d'être provinciales ou plus
précisément d'être l'expérimentation en province d'une pratique pari
sienne9 , et de mettre en scène la différence radicale qui oppose le lec
teur cultivé à un public ignorant. Seuls quelques privilégiés, parmi le
squels l'instigatrice de la soirée, sont des auditeurs possibles, comparables
au public des salons parisiens. Les autres, conformément à un thème
courant de la peinture de mœurs, peuvent à peine « entendre » la lec
ture. A ces éléments contraints par un réfèrent externe, s'imbriquent
des éléments à fonction de cohérence interne. C'est précisément cette
étroite imbrication qui évite à la scène de s'autonomiser en croquis de
mœurs et lui permet de s'intégrer dans la trame textuelle et narrative.
Ainsi dans Illusions Perdues, la lecture de Lucien à l'hôtel de Barge-
ton constitue une épreuve qui se voudrait qualifiante, mais qui se révé
lera être « sa première expérience des ignorances et des froideurs mond
aines » (p. 186). Ce n'est pas tant au poète que va l'hostilité d'abord
retenue puis exprimée clairement dans le désintérêt affiché, les remar
ques jalouses, le mépris aristocratique, c'est à l'homme de l'Houmeau,
fils de pharmacien, prote d'imprimerie, dont la présence chez Mme de
Barge ton est « une petite rév

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