La loi Neiertz de 1990 a instauré des commissions de surendettement en charge des procédures collectives de restructuration de la dette des ménages rencontrant des difficultés de remboursement. Leur objectif initial était d'arriver à un accord négocié entre le ménage et ses créanciers. Confronté à l'augmentation du nombre de ménages concernés, le législateur leur a ensuite confié implicitement ou non les missions de réduire le nombre de dossiers déposés, et de limiter les « redépôts ». Nous évaluons les déterminants de l'orientation suivie par un dossier considéré entre 2007 et 2009 : irrecevabilité, accord négocié ou solutions judiciaires. Nous cherchons ensuite les facteurs de rechute dans le surendettement des ménages orientés en 2007. Des revenus faibles, des charges courantes et des dettes élevées nuisent à la négociation. Des problèmes de coordination sont à l'uvre : un grand nombre de créanciers et une grande dispersion de la dette réduisent la possibilité d'un accord. Par ailleurs, les conditions économiques locales, la sévérité des commissions et l'identité des créanciers influencent l'issue de la procédure. Cependant, les commissions arrivent à une solution négociée pour des ménages surendettés aux situations en emploi les plus précaires. Sur deux ans, un ménage surendetté à qui a été demandé de rembourser une partie de sa dette rechute environ une fois sur quatre. Sa situation initiale c'est-à-dire lors du dépôt du dossier est le principal facteur explicatif de cette rechute. Les ménages surendettés bénéficiant d'un moratoire auraient rechuté à hauteur d'une fois sur trois et ceux déclarés irrecevables un peu plus d'une fois sur dix si on leur avait préconisé des plans de remboursements. Ainsi, les commissions de surendettement excluent de la procédure des dossiers qui auraient eu peu de chances de rechuter. En revanche, elles réservent un traitement moins sévère sous la forme d'effacement ou de moratoire aux ménages les plus en risque.
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La loi Neiertz de 1990 a instauré des commissions de surendettement en charge desprocédures collectives de restructuration de la dette des ménages rencontrant des diffi-cultés de remboursement. Leur objectif initial était darriver à un accord négocié entre leménage et ses créanciers. Confronté à laugmentation du nombre de ménages concernés,le législateur leur a ensuite confié - implicitement ou non - les missions de réduire lenombre de dossiers déposés, et de limiter les « redépôts ».Nousévaluonslesdéterminantsdelorientationsuivieparundossierconsidéréentre2007 et 2009 : irrecevabilité, accord négocié ou solutions judiciaires. Nous cherchonsensuite les facteurs de rechute dans le surendettement des ménages orientés en 2007.Des revenus faibles, des charges courantes et des dettes élevées nuisent à la négociation.Desproblèmesdecoordinationsontàluvre:ungrandnombredecréanciersetunegrande dispersion de la dette réduisent la possibilité dun accord. Par ailleurs, les condi-tionséconomiqueslocales,lecomportementdescommissionsetlidentitédescréanciersinfluencent l’issue de la procédure. Cependant, les commissions arrivent à une solutionnégociée pour des ménages surendettés aux situations en emploi les plus précaires.Les commissions de surendettement excluent de la procédure des dossiers qui auraienteu peu de chances de rechuter. En revanche, elles réservent un traitement moins sévèresouslaformedeffacementoudemoratoireauxménageslesplusenrisque.Nousquan-tifions les effets de ces orientations. Sur deux ans, un ménage surendetté à qui a étédemandé de rembourser une partie de sa dette rechute environ une fois sur quatre. Sasituationinitiale-cest-à-direlorsdudépôtdudossier-estleprincipalfacteurexplicatifde cette rechute. Les ménages surendettés bénéficiant d’un moratoire auraient rechuté àhauteurdunefoissurtroisetceuxdéclarésirrecevablesunpeuplusdunefoissurdixsi on leur avait préconisé des plans de remboursements.
* Banque de France, Direction des Études Microéconomiques et StructurellesLes vues exprimes dans cet article ne refltent que celles des auteurs et non celles de la Banque de France. Nous remercions Herv LeBihan, Frdric Boissay, Nicolas Rebire, Patrick Sevestre, David Thesmar, Kevin Tracol et les deux rapporteurs anonymes d’Économieet Statistique pour leurs remarques sur les prcdentes versions de cette tude. Nous tenons aussi remercier vivement les membresde la Direction de la Surveillance des Relations entre les Particuliers et la Sphre Financire de la Banque de France qui nous ont fournisous convention les donnes ncessaires cette tude et aids grandement comprendre l’environnement institutionnel et juridiquedu surendettement, tout particulirement : Mark Beguery, Emmanuel Goetz, Philippe Lahaye, Martine Launay, Marie-Claude Meyling,Batrice Raoult-Texier, Danielle Sudry et Jean-Luc Vatin.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 443, 2011
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De1p9u9i0sdleasptpilniéceationdelaloiNeiertzdeà lutter contre le surendet-tement des ménages, le nombre de dossiersdéposés chaque année auprès des commissionsde surendettement a triplé, atteignant près de220 000 en 2010. Les enquêtes typologiquestriennales de la Banque de France menéesdepuis 2001 ainsi que le baromètre du surendet-tement publié mensuellement depuis 2004 ontpermis de mieux cerner la population des ména-gessurendettés.Maissilampleurdusurendet-tement et les caractéristiques des ménages ontdéjà été appréhendées, notamment à partir desenquêtes sur les ressources et les conditionsde vie du ménage (voir par exemple Rebière,2007), le surendettement reste peu étudié, aussibiendanslecasfrançaisquedansdautrespays.Dans cette étude, nous complétons lanalyse duphénomène en tirant parti de lexhaustivité dunfichier anonymisé extrait de la base de donnéesutilisée pour le traitement du surendettement.Aux États-Unis, les vertus et les vices des régi-mes de faillite personnelle - différents selonles États - ont fait lobjet de plusieurs analysesdepuis le début des années 2000 avec un accentparticuliersurleseffetsdaubainequelaprocé-dure peut présenter et les comportements stra-tégiques quils peuvent susciter de la part desménages (Fayet al., 2002) (1). Après la crisedes «subprimes », des travaux se sont concen-trés sur la renégociation des prêts hypothécai-res. Adelinoet al. (2010) trouvent que les créan-ciers sont peu favorables à une renégociation.Un risque élevé de « redéfaut » sur un prêt rené-gociéetuneforteprobabilitéquunménageendéfaut puisse retrouver de lui-même les moyensde payer à nouveau ses échéances en sont, pources auteurs, les principales raisons. Les contratsdetitrisationnexpliquentpasunfaibletauxderenégociation (contrairement à ce que trouventPikorskyet al., 2010). Pour Mayeret al. (2010)qui exploitent une expérience naturelle affectantlun des acteurs majeurs du marché dessubpri-mes américains, les ménages abusent stratégi-quement des renégociations et donc en limitentl’intérêt pour les créanciers. Enfin, utilisantdes données issues de la gestion de prêts pri-vés («Loan servicers »), Agarwalet al. (2010)examinent l’effet de modification des prêtshypothécaires sur le redéfaut et trouvent quuneréduction de un point de pourcentage du tauxdintérêtréduitlaprobabilitéderedéfautdansles six mois de quatre points de pourcentage.La problématique du surendettement en Francese distingue des cas étudiés aux États-Unis surplusieurs points. La loi française, à la diffé-
rence du « chapitre 7 » du code du commerceaméricain,noffrepasdeffetsdaubaineévi-dents pour le ménage surendetté. Les orienta-tions dun dossier sont multiples et successives,fonction de la gravité du surendettement, despériodes dobservation sont possibles et aucuneffacementouaucuneréductiondedettenestautomatique. La bonne foi du ménage suren-detté est vérifiée, ce qui permet de détecter cer-tainscomportementsstratégiques.Dautrepart,mêmesilaprocédurenexclutpaslesménagespropriétaires, le ménage surendetté françaisnestquetrèsmarginalementpropriétairedesonlogement ou accédant à la propriété. La majoritéde sa dette est constituée de crédits à la consom-mation,dimpayésdeloyersetdautreschargescourantes.1Placées au cur du processus, les commissionsde surendettement ont été investies de plusieursmissions par le législateur (2)2: elles doiventà la fois faire diminuer le nombre de dossiersdéposés, réduire la rechute des dossiers traités etéviter la congestion dans les tribunaux (chargésdune partie du traitement du surendettement).Ces objectifs sont fortement liés. Cependant,si limiter le surendettement est aussi du ressortdautrespolitiquespubliques(luttecontrelaprécarité et la pauvreté, lutte contre la distri-bution excessive de crédits, etc.), arriver à dessolutions concertées et limiter le redépôt relè-vent plus directement du traitement du suren-dettement par les commissions.À partir des informations de gestion des dos-siers, lobjectif de notre article est double. Nouscherchons en premier lieu à mettre au jour lesdéterminantsdunesolutionnégociéeentreleménage surendetté et ses créanciers, principallevierdactionpourledésengorgementdestribunaux. Ensuite, nous nous intéressons auxprobabilités de rechute des ménages surendettésà court terme. Nos données ne nous permettenteneffetpasdévaluerlaprobabilitéderechuteau-delà de deux ans, horizon trop court pourvoirleffetdecertainesorientations(procédure1. Les mnages amricains surendetts peuvent choisir entredeux procdures. La premire, dite du « chapitre 7 », corres-pond une procdure de liquidation : elle permet l’effacementde l’ensemble des dettes professionnelles et personnelles contrela liquidation des actifs, dont le profit est ensuite partag entreles cranciers. Dans la majorit des cas, les dbiteurs ne pos-sdent aucun actif, le « chapitre 7 » leur offrant ainsi un « nou-veau dpart » (fresh start). La seconde, dite du « chapitre 13 »,consiste en un ramnagement des dettes sur trois cinq ans.2. Voir par exemple la prsentation de la loi du 31 dcembre1989 par le secrtaire d’État la Consommation, BrochureDGCCRF fvrier 1990 et la circulaire de la loi du 8 fvrier 1995relative l’organisation des juridictions et la procdure civile,pnale et administrative.