Les figures féminines dans la tradition sur les rois étrusques de Rome - article ; n°2 ; vol.142, pg 397-414
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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1998 - Volume 142 - Numéro 2 - Pages 397-414
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 70
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Dominique Briquel
Les figures féminines dans la tradition sur les rois étrusques de
Rome
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 142e année, N. 2, 1998. pp. 397-
414.
Citer ce document / Cite this document :
Briquel Dominique. Les figures féminines dans la tradition sur les rois étrusques de Rome. In: Comptes-rendus des séances de
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 142e année, N. 2, 1998. pp. 397-414.
doi : 10.3406/crai.1998.15871
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1998_num_142_2_15871COMMUNICATION
LES FIGURES FÉMININES DANS LA TRADITION
SUR LES ROIS ÉTRUSQUES DE ROME,
PAR M. DOMINIQUE RRIQUEL
Le récit annalistique sur les rois de la période étrusque nous
met en présence de ce que notre collègue P. -M. Martin appelait
des « maîtresses -femmes »\ La première est Tanaquil, cette fîère
Tarquinienne qui ne supporta pas que son mari Lucumon, né de
l'exilé corinthien Démarate, restât confiné dans une situation
de second rang dans sa cité natale et le poussa à la quitter pour
Rome, cité ouverte, accueillante au mérite d'où qu'il vienne.
C'est elle qui est à la base du destin éclatant de son époux,
devenu le roi Tarquin. Elle fut bien, selon l'expression de
J. Heurgon2, une « faiseuse de roi ». Après l'avoir été vis-à-vis de
son mari, elle le fut également vis-à-vis de son gendre, Servius
Tullius. Elle sut d'abord reconnaître le destin que les dieux
réservaient à l'enfant de sa captive Ocresia, et lui permit ensuite
de le réaliser lorsque son époux tomba sous le coup des assas
sins envoyés par les fils d'Ancus Marcius. Une seconde femme
ne le cède en rien à Tanaquil : Tullia, la femme de Tarquin le
Superbe. Elle aussi se comporta en « faiseuse de roi », même si
c'est d'une manière beaucoup moins amène : elle ne se contenta
pas d'exciter l'ambition de son mari, mais participa au complot
qui aboutit au meurtre de son père, dont elle n'hésita pas à écra
ser le corps sous les roues de son char, méritant ainsi une place
de choix parmi les damnés des Enfers tels que se les représent
aient les Romains3.
Ainsi les trois règnes de cette période virent deux femmes jouer
un rôle essentiel, Tanaquil qui permit la venue au pouvoir de
Tarquin l'Ancien et Servius Tullius, et Tullia celle de Tarquin le
Superbe. C'est là un caractère spécifique : J. Heurgon l'avait bien
1. Voir < Tanaquil, la " faiseuse de rois " », Latomus 44, 1985, p. 5-15 (l'expression figure
p. 5).
2. Voir J. Heurgon, Rome et la Méditerranée occidentale jusqu 'aux guerres puniques, Paris,
1969, p. 113.
3. Voir Silius Italicus, XIII, 833-836. 398 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
noté, lui qui soulignait parmi les nouveautés de cette période « le
rôle éminent dévolu aux femmes »4. Il n'en allait assurément pas
de même pour leurs prédécesseurs. Même Egérie ne peut être
mise sur le même plan que Tanaquil ou TuUia : elle a inspiré Numa
Pompilius dans son action, mais n'a joué aucun rôle dans son
accession au pouvoir.
Il est tentant de reconnaître, dans cette place que la tradition
attribue aux femmes pour la période des rois étrusques, le reflet de
la liberté dont jouissait la femme étrusque, l'opposant à la femme
romaine (ou grecque)5. C'est précisément à partir du personnage
de Tanaquil que J. J. Bachofen avait élaboré sa théorie d'un
antique Mutterrecht méditerranéen qui se serait prolongé chez les
Étrusques6. Le contraste entre la situation de la femme dans les
deux civilisations a évidemment joué. Il a permis d'opposer, en un
diptyque édifiant, l'attitude de Lucrèce, modèle de la matrone
romaine, trouvée dans sa maison filant sa quenouille avec ses ser
vantes, à celle des brus de Tarquin le Superbe, passant en ban
quets le temps où leurs maris étaient absents7. Mais on ne saurait
voir dans l'importance de Tanaquil et Tullia une simple transposi
tion de la place de la femme dans la société étrusque. Le rôle qui
leur est attribué va beaucoup plus loin que ce qu'on est autorisé à
admettre pour la civilisation tyrrhénienne. La fonction propre
ment politique de Tullia, saluant la première son criminel époux
du titre de roi8, peut sans doute être rapprochée du fait que dans
certaines civilisations c'est la reine qui proclame le nouveau roi.
Mais ce n'est que par une pétition de principe qu'on peut attr
ibuer une telle fonction à la femme du roi étrusque : la seule attes
tation serait justement la légende — romaine — de Tullia. Rien
n'autorise à penser que la femme en Étrurie ait joué un rôle poli
tique, comme Tullia. Elle jouit indéniablement d'une plus grande
liberté que sa consœur de Rome ou d'Athènes. Mais nous n'avons
aucun moyen de préciser ses droits et il serait hasardeux d'affir-
4. Voir J. Heurgon, op. cit. (n. 2), p. 242.
5. Telle est l'interprétation de J. Heurgon, La vie quotidienne chez les Étrusques, Paris,
1961, p. 103 sqq. Sur la femme étrusque, outre J. Heurgon, op. cit. (n. 2), p. 98-122, on se
reportera maintenant à A. Rallo et ai, Le donne inEtruria, Rome, 1989.
6. Dans Die Sage von Tanaquil, eine Untersuchung ùber den Orientalismus in Rom und Ita
lien, Heidelberg, 1870.
7. Sur l'opposition, dans l'historiographie romaine, pour cette période, de la femme
étrusque et de la femme romaine, que double l'opposition entre la représentation des rap
ports pères / fils pour les deux peuples, voir G. Dumézil, « Pères et fils dans la légende de
Tarquin le Superbe », dans Hommages à J.Bidez et F. Cumont, Bruxelles, 1949, p. 77-84. Pour
l'attitude des brus du Superbe, Liv., I, 57, 9.
8. Liv., I, 48, 5 ; DH, IV, 39, 1 ; Flor., I, 7, 2 (1, 1) ; De vir. ill. VII, 19 ; Zon., VU, 9. « MAÎTRESSES-FEMMES » DES ROIS ÉTRUSQUES 399 LES
mer qu'ils aient pu s'exercer dans le domaine politique. La poli
tique, en Étrurie comme ailleurs, a toujours été l'affaire des
hommes.
Nous ne serions pas non plus enclin à interpréter comme un
trait étrusque la fonction religieuse attribuée à Tanaquil. Certes, sa
capacité à interpréter le prodige de l'aigle venant enlever et repo
ser sur sa tête le bonnet de son époux lors de son arrivée à Rome,
puis celui du phallus se dressant dans les flammes du foyer royal
et aboutissant à la procréation de Servius Tullius9 est expressé
ment mise en rapport avec ses connaissances en matière de div
ination étrusque10. Il n'en reste pas moins que, là encore, nous
sommes en présence d'un unicwn. Jamais ailleurs XEtrusca disc
iplina n'apparaît comme étant le fait de femmes. Tous les harus
pices que nous connaissons sont des hommes. Il n'est peut-être
pas exclu que des femmes étrusques aient pu avoir quelque
lumière en matière d'haruspicine ; mais on ne peut conclure du
cas de Tanaquil que laperitia que lui attribue l'historien padouan
fut chose générale en Toscane comme il le laisse entendre, ni sur
tout qu'elle fût le signe d'un rôle effectif des femmes dans ce
domaine. Là encore le récit va bien au-delà de ce qu'on est en
droit de penser des faits étrusques : cette fonction attribuée à
l'épouse de Lucumon est du ressort de l'imagination romaine, non
de la réalité tyrrhénienne11.
C'est donc de la tradition romaine qu'il convient de partir, et
non de la grille de lecture qu'on serait tenté de lui appliquer en
fonction de l'idée selon laquelle il refléterait une réalité étrusque
différente. Or, de ce point de vue, il convient de replacer la fonc-
9. Sur le fait que ce second prodige, attesté seul chez Tite-Live, I, 39, 3-4, cf. I, 41, 3,
ainsi que dans Val. Max., I, 6, 1, Flor., I, 6, 1, De vir. ill. VII, 1-3, Serv., ad Verg., Aen. II,
683, Zon., VII, 9, et déjà Valerius Antias, H. R. R., fr. 12 - Plut., Fort. Rom. X, 323 cd, mais
doublant celui de la naissance à partir du feu chez DH, IV, 2, 1-4, Ov., F. VI, 629-636,
PL, XXXVI, 204, n'est pas nécessairement à interpréter comme une réfection dans un sens
moins scabreux du thème de la naissance à partir du phallus surgissant des flammes, mais
a pu le dédouble

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