Les grèves de juin 1936 au Maroc - article ; n°3 ; vol.12, pg 418-429
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1957 - Volume 12 - Numéro 3 - Pages 418-429
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1957
Nombre de lectures 50
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Albert Ayache
Les grèves de juin 1936 au Maroc
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 12e année, N. 3, 1957. pp. 418-429.
Citer ce document / Cite this document :
Ayache Albert. Les grèves de juin 1936 au Maroc. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 12e année, N. 3, 1957. pp.
418-429.
doi : 10.3406/ahess.1957.2655
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1957_num_12_3_2655grèves de juin 1936 au Maroc Les
En ampleur. juin 1936, Ils le se Maroc produisirent l connut là des où, mouvements par suite ouvriers du développement de quelque
industriel, des concentrations ouvrières se trouvaient réalisées, dans les
mines de phosphates de Khouribga et de Louis-Gentil, et à Casablanca,
déjà capitale économique du pays.
Ces événements peuvent apparaître comme un pâle reflet de ceux qui,
dans le même temps, agitaient la France et le reste de l'Afrique du Nord.
Mais replacés dans l'histoire naissante du mouvement ouvrier au Maroc,
leur importance se révèle considérable. Des revendications depuis long
temps exprimées furent enfin satisfaites. Pour la première fois des tra
vailleurs marocains, hier encore des ruraux, se livraient, entraînés par
l'exemple de leurs compagnons français, à des cessations concertées de
travail.
I. — LA SITUATION EN 1936
La crise économique. — La crise mondiale avait rapidement ébranlé
l'économie traditionnelle des Marocains : paysans appauvris par l'effo
ndrement des prix des céréales fondamentales, blé, orge, maïs 2, tandis
1. Il s'agit de la « zone française » du Maroc. Le recensement de 1936 y dénombrait
6 245 000 habitants : 6 042 500 Marocains et 202 500 Européens. (Sur les incertitudes
des recensements dans l'ancien Protectorat français, voir : Albert Ayache, Le Maroc,
Paris, 1956, p. 281 et suiv.)
2. Variation à Casablanca, de 1930 à 1935, des cours moyens du blé dur et de
l'orge, céréales spécifiquement marocaines, et du blé tendre cultivé plus particulièr
ement par les Européens, d'après la courbe établie dans Y Annuaire de Statistique Génér
ale du Maroc, année 1936, p. 44 :
Prix du quintal en francs
Années 1930 1931 1932 1933 1934 1935
Blé dur 133,2 123,2 82,2 82 70 60
60 46,7 42,3 33,3 30 23,3
Blé tendre 126,6 143,2 116,6 60 63,3 70
Les prix des céréales au cours de la période envisagée se sont affaissés jusqu'à dimi
nuer de moitié, et même plus (orge).
418 GRÈVES DE JUIN 36 AU MAROC LES
que de mauvaises récoltes 1 compromettaient l'équilibre alimentaire ;
artisans ruinés par la fermeture de débouchés extérieurs traditionnels,
Egypte, Algérie et Sénégal, et par la concurrence sur le marché national
de produits étrangers ; petits boutiquiers partageant la misérable condi
tion de leurs clients de la campagne et de la ville.
L'économie « coloniale » fut alors inégalement touchée. La colonisation
rurale, inconsidérément endettée, fut surprise par la chute des prix
agricoles, surtout ceux du blé tendre 2. En 1935, sa dette hypothécaire
avait été évaluée à 450 millions de francs 8, soit à peu près 26 milliards
de francs actuels. Elle exigeait l'intervention du Protectorat pour la sauver
du naufrage.
Essentiellement exportatrice, par là étroitement tributaire du marché
mondial, l'industrie minière fut touchée dès 1931, année où l'exportation
des phosphates, élément important de l'équilibre financier du Protectorat,
diminua brutalement de moitié sur l'année précédente : 1930,
1 700 000 tonnes ; 1931, 900 000 tonnes. Dans de nombreuses mines
l'exploitation fut arrêtée. Une reprise, très lente, se dessina après 1934.
Par contre les injections de capitaux que constituaient les dépenses
militaires pour l'achèvement de la « pacification » et les emprunts émis
sur le marché français pour l'exécution de grands travaux (391 millions
de francs en 1931, 1 milliard en 1932, 400 millions en 1933, 350
en 1934*) amortirent dans d'autres secteurs les effets de la crise. La cons
truction des ports, des barrages, des routes, des voies ferrées et des gares,
des centrales thermiques ou hydrauliques, des bâtiments administratifs
avait pu continuer, de même l'édification de villas et d'immeubles dans
les quartiers européens des agglomérations. Mais la pacification prit fin
en 1934 ; les programmes étaient en voie d'achèvement et les sommes
dépensées en 1936 furent, en valeur nominale, près de quatre fois infé
rieures à celles de 1931. Les chantiers, dans les campagnes et les villes,
fermaient. La valeur totale des constructions, de 583 millions de francs en
1930, ne dépassait pas 108 millions en 1936. Toutes les activités annexes
étaient, à leur tour, affectées par ce ralentissement : commerce des bois,
des fers, du ciment 6, fabrication des matériaux de construction et des
charpentes métalliques, entreprises de plomberie, de décoration et de
1. Il y eut une seule bonne récolte, en 1934. Les récoltes des années 1931, 1932 et
1933 furent médiocres ; celles de 1930 et 1935, très mauvaises (voir les courbes de pro
duction et de rendement dans V Annuaire Statistique..., 1936, p. 45).
2. Voir note 2, p. 418.
3. D'après Le Maroc. Encyclopédie maritime et coloniale, Paris, 1940 (p. 216).
Cette indication n'existe plus dans l'édition de 1947.
4. L'application à ces sommes des coefficients pour la revision des bilans établis
par le décret du 18 février 1952 ( J. O. du 19, p. 2 050) permet d'en obtenir la valeur
en francs 1952, soit pour 1931 : 15 210 millions ; pour 1932 : 45 400 millions ; pour
1933 : 19 960 millions ; pour 1934 : 18 130 millions.
5. Importation de ciment : 1930 : 280 000 tonnes
1931 : 210
1935 55 000 tonnes.
419 ANNALES
peinture, de menuiserie et d'ameublement. Sur 242 faillites et liquidations
judiciaires en 1935, 23 entrepreneurs de travaux publics, 11 plombiers,
14 entreprises de menuiserie et d'ameublement représentent près de
20 % du total.
Les chiffres du commerce extérieur, ceux du compte d'opération per
mettent de saisir l'ampleur de cette crise généralisée. La valeur globale
du commerce extérieur marocain — 3 800 millions en 1929 — diminuait
chaque année pour atteindre son point le plus bas en 1936 avec
1 931 986 000 francs. Le déficit du compte d'opération était le plus grave
que le Maroc ait connu jusque-là.
Chômage et bidonvilles. — Les répercussions sociales furent d'une
extrême gravité. A partir de 1930, les ruraux affluèrent sur les chantiers
de travaux publics ou dans les centres urbains, créèrent les bidonvilles,
ces bourgs de baraques, huttes de chaume et tentes, où ils s'entassaient
dans des conditions de promiscuité et d'hygiène effrayantes. La bourgade
de Kénifra-Port Lyautey vit sa population marocaine passer de 500 per
sonnes en 1912 à 15 334 en 1936. A Rabat, les douars Doum et Debagh
abritaient plus d'un cinquième de la population musulmane de la ville.
A Casablanca, sur 180 000 Marocains, près de la moitié, 70000 à 80000,
vivaient dans ces agglomérations dont les plus importantes étaient déjà
Ben Msik et les Carrières centrales.
En 1935, les arrivées de ruraux avaient cessé ; un reflux aurait été
possible vers les tribus d'origine si les emigrants avaient disposé de l'argent
nécessaire. Mais ils atteignaient ce degré de misère que la précieuse enquête
de MM. Baron, Huot et Paye « sur la condition économique et les niveaux
de vie des travailleurs indigènes au Douar Doum » x permet d'évoquer.
En dehors d'une centaine d'épiciers, de bouchers, de porteurs d'eau, de
marchands d'oeufs et de poules, d'artisans et d'une dizaine d'employés
d'administration, la population du douar Doum * était constituée, dans
sa grande majorité, de manœuvres travaillant sur les chantiers. Leur
emploi est irrégulier, leurs enfants sont porteurs au marché, vendeurs de
journaux, les femmes cherchent du travail dans les familles européennes
pour faire le ménage ou des lessives. « II est pénible, écrivent les auteurs,
de constater l'énorme proportion de chômeurs que renferme le douar
Doum. D'après les renseignements recueilli

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