Les loisirs des actifs : un reflet de la stratification sociale
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Le temps de loisirs des actifs s'organise à un double niveau. Au quotidien, il est principalement encadré par les contraintes du temps de travail professionnel et des tâches domestiques et apparaît essentiellement comme un temps résiduel. D'un autre côté, beaucoup d'activités de loisirs, dont la fréquence dépend surtout des ressources sociales, culturelles et financières des individus, demandent à être planifiées et réclament des plages de temps libre plus étendues que celles offertes par l'emploi du temps des jours de travail ordinaires. Ces deux échelles temporelles, le quotidien et le temps long, sont, en partie, liées par un principe de compensation. Les catégories qui disposent de peu de temps libre au quotidien (en particulier les cadres) sont celles dont la propension aux loisirs du temps long est la plus forte - surtout pour les loisirs culturels. Celles qui disposent de beaucoup de temps libre au quotidien (principalement les ouvriers) sont celles pour lesquelles cette propension est la plus faible. Pour l'essentiel, ce sont principalement les ressources financières et culturelles des individus qui expliquent la propension aux loisirs du temps long quel que soit leur contenu, la capacité à user d'un temps de loisirs rationné apparaissant elle-même fortement dépendante de ces mêmes facteurs.

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Langue Français

Extrait


EMPLOI DU TEMPS
Les loisirs des actifs : un reflet
de la stratification sociale
Philippe Coulangeon, Pierre-Michel Menger
et Ionela Roharik*
Le temps de loisirs des actifs s’organise à un double niveau. Au quotidien, il est
principalement encadré par les contraintes du temps de travail professionnel et des tâches
domestiques et apparaît essentiellement comme un temps résiduel. D’un autre côté,
beaucoup d’activités de loisirs, dont la fréquence dépend surtout des ressources sociales,
culturelles et financières des individus, demandent à être planifiées et réclament des
plages de temps libre plus étendues que celles offertes par l’emploi du temps des jours
de travail ordinaires.
Ces deux échelles temporelles, le quotidien et le temps long, sont, en partie, liées par un
principe de compensation. Les catégories qui disposent de peu de temps libre au
quotidien (en particulier les cadres) sont celles dont la propension aux loisirs du temps
long est la plus forte – surtout pour les loisirs culturels. Celles qui disposent de beaucoup
de temps libre au quotidien (principalement les ouvriers) sont celles pour lesquelles cette
propension est la plus faible. Pour l’essentiel, ce sont principalement les ressources
financières et culturelles des individus qui expliquent la propension aux loisirs du temps
long quel que soit leur contenu, la capacité à user d’un temps de loisirs rationné
apparaissant elle-même fortement dépendante de ces mêmes facteurs.
* Philippe Coulangeon, Pierre-Michel Menger et Ionela Roharik appartiennent au CESTA – EHESS/CNRS.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 352-353, 2002 39
n 1999, les actifs occupés consacraient cha- quées au cours de la journée de remplissage du
que jour, en moyenne, 2 h 13 mn à des acti- carnet et taux d’incidence des 14 catégories deE
vités de loisirs, compte tenu des activités de loisirs retenues dans la nomenclature des
« semi-loisirs » (bricolage et jardinage princi- activités quotidiennes (cf. encadré 1) (3). La
palement). Non strictement accomplies sous deuxième porte sur les variables du question-
naire individu correspondant aux activités del’emprise de la nécessité, celles-ci peuvent donc
loisirs effectuées au cours des quatre semainesêtre soustraites au calcul des temps contraints
précédant l’enquête : nombre d’activités pra-des jours ordinaires de travail. Ces activités
tiquées parmi les huit activités désignéesquotidiennes ne représentent, toutefois, qu’une
comme activités de loisirs dans le questionnairepartie des loisirs des actifs. Plus le temps requis
et taux d’incidence de chacune d’entre ellespar les loisirs est important, et moins ils peuvent
(cf. encadré 2). Enfin, la troisième comprend uns’inscrire dans les interstices libérés au quoti-
ensemble de caractéristiques socio-démogra-dien des contraintes du temps de travail et des
phiques (sexe, âge, diplôme, catégorie sociopro-tâches domestiques. Il en va notamment ainsi de
fessionnelle, taille de la commune de résidence,la plupart des loisirs de sortie, qu’il s’agisse
revenu moyen par unité de consommation dud’activités de plein air ou de sorties à caractère
ménage de l’individu), auxquelles s’ajoute uneculturel, qui demandent généralement à être un
variable mesurant la durée de l’ensemble destant soit peu planifiées et qui s’effectuent plutôt
temps contraints (travail professionnel et tâchesau cours des périodes de repos ou de congés.
domestiques) au cours de la journée de remplis-L’enquête Emploi du temps 1998-1999 de
sage du carnet. Ces données sont ensuite soumi-l’Insee tient compte de ces deux catégories de
ses à une analyse des correspondances multiplespratiques, en enregistrant en parallèle la fré-
dans laquelle les variables des deux premièresquence des loisirs pratiqués au quotidien, dans
séries sont traitées en variables actives et cellesle carnet d’activité rempli le jour de l’enquête, et
de la troisième série en variables complémentai-celle des activités pratiquées au cours des quatre
res. Le plan des deux premiers facteurs repré-semaines qui la précèdent, dans le questionnaire
senté dans le graphique suggère deux logiquesindividu (1).
distinctes d’organisation des loisirs selon
l’amplitude temporelle considérée : temps longCette double temporalité des loisirs est présen-
des loisirs saisis dans le questionnaire rétrospec-tée ici à partir d’une analyse des correspondan-
tif sur les quatre dernières semaines, tempsces multiples effectuée sur un sous-échantillon
court des loisirs quotidiens consignés dans lede l’enquête Emploi du temps (2). Les caracté-
carnet. (1) (2) (3)ristiques de ces activités relèvent de chacun de
ces deux ordres temporels : loisirs du quotidien
et loisirs occasionnels s’inscrivant dans la L’organisation du temps libre : un reflet
durée. En se limitant aux actifs occupés décrits de la stratification sociale et culturelle
dans leur quotidien de travail ordinaire, on cher-
che à préciser la relation entre le rationnement Le premier facteur, qui absorbe près de 8 % de
du temps libre au quotidien sous la contrainte du la variance totale du nuage de points, est princi-
temps de travail et du temps consacré aux tâches palement construit par la variable du nombre de
domestiques, et l’incidence des pratiques de loi-
sirs saisies dans la description rétrospective des
activités effectuées au cours des quatre semai- 1. Cet article s’appuie sur une exploitation des résultats de l’édi-
tion 1998-1999 de l’enquête Emploi du temps de l’Insee. Cettenes précédant l’enquête. Il s’agit ici, plus parti-
enquête, menée auprès de 16 136 individus répartis dans 15 150
culièrement, de tester l’hypothèse d’une com- ménages, fournit, après celles de 1974-1975 et 1985-1986, trois
séries d’informations sur les emplois du temps des Français. Lapensation entre ces deux échelles temporelles.
première provient du questionnaire rempli par l’ensemble des
16 136 individus de l’échantillon, la deuxième du carnet d’activi-
tés rempli par 15 441 individus, et qui rend compte, par séquence
de 10 minutes, de l’ensemble des activités effectuées au cours
d’une journée, et enfin la troisième du semainier rempli par 6 396Une double échelle
individus. L’ensemble des résultats commentés dans cet article
portent exclusivement sur les deux premières séries de données.du temps des loisirs
2. Échantillon de 4 290 individus comprenant l’ensemble des
actifs occupés ayant rempli au cours de l’enquête un carnet
d’activités journalier durant une journée ordinaire de travail ne
es individus présents dans l’échantillon sont présentant pas de caractère exceptionnel.
3. Les activités inscrites dans le carnet journalier peuvent l’être àLcaractérisés par trois séries de variables. La
titre d’activité principale ou à titre d’activité secondaire. Pour cer-
première comporte un ensemble de descripteurs taines activités de loisirs, comme la télévision et surtout, l’écoute
de la radio, la citation à titre est très fré-des pratiques quotidiennes de loisirs renseignées
quente. Dans la mesure où l’on s’intéresse ici aux activités de loi-dans le carnet journalier à titre d’activité
sirs pratiquées pour elles-mêmes, seules sont retenues les
principale : nombre d’activités de loisir prati- activités citées à titre d’activité principale.
40 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 352-353, 2002
Encadré 1
UNE NOMENCLATURE DES PRATIQUES QUOTIDIENNES DE LOISIRS
Dans quelle mesure les pratiques liées à la commen- activités. Une difficulté technique, qui tient à la fai-
salité relèvent-elles des loisirs ? Jusqu'à quel point les blesse des temps moyens consacrés aux activités de
tâches liées à l'éducation et au divertissement des loisirs au quotidien, conduit à opérer des regroupe-
enfants relèvent-elles du temps contraint ? Face à ments entre les différentes pratiques. Toutefois, afin
l'incertitude qui affecte la définition du temps de loi- d’assurer le lien, l

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