UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN Département des Sciences Politiques et Sociales Unité de Science Politique et Relations Internationales Libéralisation économique et changement de politique publique Analyse comparée des politiques de soutien à l’électricité verte en Allemagne, Belgique, France et Royaume-Uni Projet de thèse doctorale déposé par Isabelle de Lovinfosse Promoteur : Prof. Frédéric Varone SEPTEMBRE 2002 Projet de thèse Isabelle de Lovinfosse, septembre 2002 - 2 - 1. LA PROBLEMATIQUE ET LE CHOIX DU SUJET Ce projet de thèse porte sur une problématique de l’état « en action » (Jobert et Muller, 1987) ou « au concret » (Padioleau, 1982). Il s’inscrit ainsi au sein du courant de l’analyse des politiques publiques, qui, en tant que sous-discipline de la science politique, vise à expliquer « l’action des autorités publiques au sein de la société » (Mény et Thoenig, 1989 : 9). En effet, nous nous intéressons à la complexité des rouages de l’action publique, nous interrogeant sur les contraintes et opportunités qui pèsent sur les acteurs des politiques publiques. Il s’agit donc « de concevoir l’Etat « en action » à partir des acteurs publics et privés impliqués dans un secteur particulier, de leurs ressources et des institutions régissant leurs actions » (Knoepfel et alii, 2001 : xvii). Dans cette perspective, l’Etat est interprété au sens large en tant que système ...
U NIVERSITE CATHOLIQUE DE L OUVAIN Département des Sciences Politiques et Sociales Unité de Science Politique et Relations Internationales
Libéralisation économique et changement de politique publique Analyse comparée des politiques de soutien à lélectricité verte en Allemagne, Belgique, France et Royaume-Uni
Projet de thèse doctorale déposé par Isabelle de Lovinfosse
Promoteur : Prof. Frédéric Varone
S EPTEMBRE 2002
Projet de thèse Isabelle de Lovinfosse, septembre 2002
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1. L A PROBLEMATIQUE ET LE CHOIX DU SUJET Ce projet de thèse porte sur une problématique de létat « en action » (Jobert et Muller, 1987) ou « au concret » (Padioleau, 1982). Il sinscrit ainsi au sein du courant de lanalyse des politiques publiques, qui, en tant que sous-discipline de la science politique, vise à expliquer « laction des autorités publiques au sein de la société » (Mény et Thoenig, 1989 : 9). En effet, nous nous intéressons à la complexité des rouages de laction publique, nous interrogeant sur les contraintes et opportunités qui pèsent sur les acteurs des politiques publiques. Il sagit donc « de concevoir lEtat « en action » à partir des acteurs publics et privés impliqués dans un secteur particulier, de leurs ressources et des institutions régissant leurs actions » (Knoepfel et alii, 2001 : xvii). Dans cette perspective, lEtat est interprété au sens large en tant que système politico-administratif regroupant lensemble des institutions publiques. Les acteurs de politiques publiques sont également envisagés suivant une définition élargie reprenant à la fois des acteurs publics (parlement, gouvernement, administrations, etc) et privés (groupes dintérêts, médias, entreprises, chercheurs, etc). Ceci implique par ailleurs que les politiques publiques sont perçues comme étant le fruit non dune décision autoritaire des institutions publiques, mais bien dune négociation entre différents acteurs, publics et privés, impliqués dans un secteur particulier. Parmi la multitude denjeux de société autour desquels une politique publique particulière est définie, nous avons choisi de nous pencher sur le développement de lélectricité verte 1 au sein du marché de lélectricité dans quatre pays européens (Allemagne, Belgique, France, Royaume-Uni). Il sagit là dune problématique relativement ancienne, mais que certains événements récents ont contribué à remettre à lagenda politique. En effet, depuis les chocs pétroliers des années 70 et laccident de Tchernobyl (1986), le secteur énergétique est devenu un secteur particulièrement stratégique pour les pouvoirs publics en matière de dépendance énergétique, de développement économique, de sécurité, de protection de lenvironnement et dopinion publique. En outre, les débats autour du développement durable (rapport Brundtland 1997, Conférence de Rio 1992) ont par la suite souligné linfluence néfaste du secteur énergétique sur le changement climatique, renforçant lintérêt des pouvoirs publics en faveur des énergies renouvelables. Dernièrement, la libéralisation du marché électrique 2 et le protocole de Kyoto en faveur dune réduction des émissions de gaz à effet de serre (1997) ont 1 Lélectricité « verte », par opposition à lélectricité « grise » (produite à partir de sources dénergie fossiles ou nucléaire), est produite à partir de sources dénergie renouvelables (vent, soleil, eau, biomasse principalement). Au-delà de la définition « technologique » des énergies renouvelables qui pose elle-même parfois problème, la définition politique de lélectricité verte, et par conséquent des énergies renouvelables, est nettement plus problématique (grands barrages hydrauliques, déchets ménagers, etc.) et varie dailleurs dun pays à lautre en fonction dintérêts autres que scientifiques. 2 Directive 96/92/EC du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant les règles communes pour le marché intérieur de lélectricité .
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conduit à une remise en question des politiques de soutien à lélectricité verte existante (adaptation aux règles de concurrence dans le marché libéralisé) et à leur renforcement (intensification du soutien en vue des engagements de Kyoto et du nouveau contexte concurrentiel). Les politiques de soutien à lélectricité verte sont donc au cur des débats politiques en matière énergétique ces dernières années dans les différents pays européens ainsi quau niveau des institutions européennes. Cet ancrage dans la réalité de lagenda politique est dautant plus stimulant que lon peut observer une réelle émulation, tant au niveau scientifique quau niveau politique, autour de nouvelles modalités de régulation publique au sein de ce secteur. Le secteur énergétique a fait lobjet de nombreuses recherches en science politique et en analyse des politiques publiques jusquà présent. Néanmoins, au sein de la littérature sur lanalyse des politiques publiques, très peu détudes se sont penchées sur les politiques de soutien à lélectricité verte, surtout dans une perspective comparative, et il semble donc intéressant dappliquer certaines théories existantes à ce nouveau champ empirique en pleine mutation. 2. L A QUESTION DE RECHERCHE La plupart des recherches existantes sur les politiques de soutien à lélectricité verte tendent à analyser ces politiques en aval (en tant que variables explicatives), du point de vue de leur impact sur différents acteurs (producteurs délectricité « grise », institutions publiques, gestionnaires de réseau, etc.) ou enjeux de la société (prix de lélectricité, protection de lenvironnement, développement industriel, stabilité du réseau, etc.). Notre approche vise, au contraire, à analyser les politiques publiques en amont (en tant que variables à expliquer) au niveau du processus de décision qui a conduit à la formulation de la politique. La question qui sous-tend cette recherche sinscrit au cur des réflexions autour de lexplication du changement de politique publique : « Quels sont les impacts dune modification de facteurs exogènes sur les changements de politique publique ? ». Il sagit donc dexpliquer en quoi un changement de contexte, externe à lespace de décision particulier où se formulent les choix politiques, conduit à une redéfinition de certaines politiques publiques. Cette question théorique générale est abordée dans notre recherche à travers lanalyse de limpact de la libéralisation du marché de lélectricité sur les politiques publiques de soutien à lélectricité verte dans quatre pays européens (Allemagne, Belgique, France, Royaume-Uni). Il sagit donc danalyser, à laide de certains cadres théoriques danalyse du changement de politique publique, les transformations observées au sein des politiques de soutien à lélectricité verte dans ces pays, parallèlement au processus de libéralisation des marchés de lélectricité. Cette question repose sur le constat que, au sein des différents pays européens soumis à un processus de libéralisation, les politiques de
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soutien à lélectricité verte ont subi des modifications importantes tant au niveau de lintensité du changement que du contenu de la politique 3 . Nous cherchons donc à expliquer les changements de politique publique en nous penchant sur les changements observés au sein de programmes politico-administratif (PPA) de soutien à lélectricité verte (variable à expliquer). Un programme politico-administratif (PPA) « définit en termes juridiques le mandat politique formulé par le législateur à titre de solution au problème public à résoudre » , il « représente lensemble des normes et des actes réglementaires, que les parlements, les gouvernements et les autorités chargées de lexécution considèrent comme nécessaires pour appliquer une politique publique » (Knoepfel et alii, 2001: 173). Plusieurs dimensions constitutives dun PPA peuvent être identifiées. Dans le cadre de cette recherche, nous choisissons détudier les trois dimensions suivantes : les objectifs, les bénéficiaires et les instruments dintervention. Ces trois dimensions constitutives dun PPA sont interdépendantes : dans la plupart des cas une modification au sein dune dimension affecte les deux autres. Afin de pouvoir analyser empiriquement, et ainsi mesurer, les changements au sein des PPA de soutien à lélectricité verte, il est nécessaire de définir de façon plus opérationnelle ces trois dimensions constitutives, car cest finalement à leur niveau que se mesurera le changement de politique publique que nous cherchons à expliquer. Premièrement, les objectifs dun PPA identifient les résultats attendus a priori de lintervention publique. Au niveau des PPA de soutien à lélectricité verte, les objectifs sont souvent exprimés à laide dindicateurs mesurables tels que, dune part, une valeur cible délectricité verte sur le marché (exprimée en pourcentage de la consommation ou de la production totale délectricité sur un territoire donné) et/ou, dautre part, un revenu additionnel garanti pour les producteurs délectricité verte. Dans une perspective diachronique, nous identifierons donc le changement dobjectif en terme daugmentation ou de diminution de lintensité du soutien, celle-ci étant mesurée par les indicateurs définis ci-dessus. Ensuite, les bénéficiaires sont les acteurs visés par la politique et auxquels le PPA mis en uvre devrait bénéficier. Dans le cadre de PPA de soutien à lélectricité verte, les bénéficiaires sont les producteurs délectricité verte éligibles suivant la définition de « lélectricité verte » en vigueur. Ainsi, les sources dénergie renouvelables et les technologies éligibles font lobjet dune définition politique particulièrement sensible dans la plupart des pays. Enfin, lors de la formulation dun PPA, certains instruments dintervention sont sélectionnés. Il existe plusieurs typologies des instruments daction publique dans la littérature, chacune sattachant à des critères différents (Varone 1998 :34 pour un aperçu ; Salamon, 2002). Dans le cadre de lanalyse des instruments de soutien à lélectricité verte, une dimension nous semble particulièrement 3 Ce constat a déjà fait lobjet dune analyse de notre part (de Lovinfosse et Varone, 2002).
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pertinente, il sagit de lexistence ou de labsence de compétition entre les bénéficiaires de la politique. En effet, certains instruments de soutien à lélectricité verte introduisent une concurrence entre producteurs éligibles (marché des certificats verts par exemple) tandis que dautres organisent un soutien garanti et identique à tous les producteurs éligibles (prix de rachat garanti par exemple). 3. C ADRE THEORIQUE ET HYPOTHESES Lintérêt théorique de cette recherche est de contribuer à lexplication du changement de politique publique, et plus particulièrement, comme il ressort de la question que nous avons formulée, dapprofondir le lien entre modification du contexte externe et changement de politique publique. Sur base de la distinction opérée par Elinor Ostrom entre « framework » 4 , « theory » 5 et « model » 6 , nous soulignons limportance de bien distinguer dans notre partie théorique un cadre conceptuel, dune théorie ou encore dun modèle explicatif. Dans un premier temps, nous nous attachons à conceptualiser notre cadre théorique à laide de la littérature existante. Ensuite, nous formulerons, sur base de ce cadre conceptuel, certaines hypothèses générales sur les relations entre les différentes variables identifiées, hypothèses exploratoires à ce stade qui seront affinées par la suite pour définir un modèle explicatif plus précis. Au sein de la littérature portant sur lanalyse des politiques publiques, nous pouvons identifier deux catégories de facteurs explicatifs : des facteurs endogènes, liés à lespace de décision au sein de laquelle sopèrent les choix politiques (Ostrom, 1990 et 1999 ; Rhodes et Marsh, 1995 ; Rhodes, 1997 ; Scharpf, 1997 ; Sabatier et Jenkins-Smith, 1993 et 1999), et des facteurs exogènes au processus de prise de décision, davantage liés au contexte au sein duquel se prennent les décisions politiques (Kingdon, 1995 ; Sabatier et Jenkins-Smith, 1993 et 1999 ; True, Baumgartner et Jones, 1999 ; Walker, 1969). La démarcation entre facteurs endogènes et exogènes, varie dun auteur à lautre en fonction des frontières de lespace de décision publique quils définissent. Dans notre recherche, nous identifions les facteurs exogènes à des événements ou des 4 A general framework help to identify the elements and relationships among these elements () They provide the most general list of variables () They attempt to identify the universal elements that any theory relevant to the same kind of phenomena would need to include. Elinor OSTROM, Institutional Rational Choice. An assessment of the institutional analysis and development framework, in Paul A. SABATIER (ed.), Theories of the policy process , Colorado: Westview Press, 1999, pp. 39-40. 5 « The development and use of theories enable the analyst to specify which elements of the framework are particularly relevant to certain kinds of questions and to make general working assumptions about these elements. » Idem, p.40. 6 The development and use of models make precise assumptions about a limited set of parameters and variables. () Multiple models are compatible with most theories. Ibidem.
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décisions extérieurs à lespace de décision au sein duquel est adopté la politique publique en question, les facteurs endogènes étant définis par opposition comme des caractéristiques internes à lespace de décision. Au sein des recherches qui se concentrent sur les facteurs endogènes, on peut distinguer les approches qui mettent laccent sur des variables institutionelles (Ostrom, 1990 et 1999 ; Rhodes et Marsh, 1995 ; Scharpf, 1997) des approches qui sintéressent en priorité aux caractéristiques des acteurs (Dowding, 1995 et 2001 ; Sabatier et Jenkins-Smith, 1993 et 1999). Ainsi, au sein de la littérature sur les réseaux de politique publique (traduit du concept anglais « policy network »), une controverse 7 fait rage entre les auteurs qui prétendent que seules les variables centrées sur les acteurs permettent dexpliquer les choix politiques (Dowding, 1995 et 2001) 8 , et ceux qui défendent lidée que les caractéristiques structurelles des réseaux auxquels appartiennent les acteurs permettent dexpliquer les décisions de politique publique 9 (Rhodes et Marsh, 95 ; Marsh et Smith, 2000 et 2001). Par ailleurs, ces deux approches ne sont nullement contradictoires. Au contraire, les variables structurelles et celles centrées sur les caractéristiques des acteurs sont en général interdépendantes, bien que ces relations soient peu théorisées. Ce qui fait dire à Daugbjerg et Marsh que « it cant explain policy outcomes simply by reference to the structures of the network or the behaviour of the agents » 10 . Par ailleurs, la définition des facteurs exogènes est relativement fluide dans la littérature danalyse des politiques publiques. On peut néanmoins différencier, au sein des facteurs exogènes, des variables structurelles, relativement stables dans le temps et donc surtout utiles dans le cadre de recherches synchroniques (par ex. : distribution des ressources naturelles, structure de propriété, règles constitutionnelles) ; et des variables de situation beaucoup plus instables et donc utiles dans lanalyse de changements diachroniques de politiques (par ex : les conditions socio-économiques, les coalitions au pouvoir, des accidents majeurs, des décisions politiques dans un secteur connexe). Remarquons quil est difficile dexpliquer un changement de politique publique exclusivement à laide de facteurs soit endogènes, soit exogènes. La plupart des cadres danalyse du changement politique associent donc ces deux types de facteurs explicatifs (Walker, 1969 ; Sabatier et Jenkins-Smith, 1993 et 1999 ; Kingdon, 1995 ; Marsh et Smith, 2000). Notre recherche repose dailleurs également à la fois sur des variables explicatives exogènes (libéralisation) et endogènes (structure du réseau dacteur) en interaction. 7 Voir les débats dans Political Studies (Dowding, 1995 et 2001 ; Marsh et Smith, 2000 et 2001 ; Evans, 2001) 8 Par exemple : préférences, ressources, pouvoir des acteurs. 9 Par exemple. : ouverture, taille, intégration, institutionnalisation du réseau. 10 Carsten DAUGBJERG, David MARSH, « Explaining policy outcomes : integrating the policy network approach with macro-level and micro-level analysis », in David MARSH (ed), Comparing policy networks , Buckingham: Open University Press, 1998, p. 71.
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Ainsi, pour expliquer un changement de politique publique, nous considérons quil est nécessaire détudier non seulement les modifications de facteurs exogènes (libéralisation), mais également les changements quune modification de facteurs exogènes induit au sein de lespace de décision, au niveau de facteurs endogènes (structure du réseau et caractéristiques des acteurs impliqués dans la prise de décision). 11 En effet, dune part, un changement exogène peut influencer directement les choix au sein du PPA (bénéficiaires, objectifs, instruments), en fixant des contraintes formelles ou informelles sur les alternatives envisageables. Dautre part, un changement exogène influencera les choix politiques indirectement, à travers limpact quil aura au sein du réseau dacteurs impliqués dans de lespace de décision (impact sur la structure du réseau et/ou sur les caractéristiques des acteurs). Les relations entre les variables explicatives que nous avons identifiées, exogènes et endogènes, et la variable à expliquer peuvent être envisagées suivant les deux hypothèses générales suivantes. Des hypothèses explicatives plus précises devront être formulées par la suite au regard notamment des modèles théoriques présents dans la littérature. H1 : Une modification au sein dune variable exogène à un espace de décision de politique publique ne conduit pas nécessairement à un changement de politique publique. Le changement de politique publique dépend de limpact du facteur exogène sur la structure du réseau de décision et les caractéristiques des acteurs de ce réseau. H2 : Plus un changement exogène modifie les conditions endogènes au sein de lespace de décision, plus il y aura changement de politique publique. Par exemple, lémergence de nouveaux acteurs au sein du réseau de décision (changement structurel du réseau) favorise un changement de politique publique. Ainsi, plus il y aura de nouveaux acteurs « verts » 12 au sein du réseau dacteurs impliqués dans les décisions en matière de politique de soutien à lélectricité verte, plus il sera possible dobserver un changement de politique en faveur de lélectricité verte.
11 Comme laffirment Rhodes et Marsh (1992) sous la plume de Clivaz (2001 : 24-25) : « si le changement sexplique généralement par des causes exogènes au réseau (), il serait faux de croire quil est indépendant de ce qui se passe au sein du réseau, les membres de ce réseau choisissant si et comment ils entendent répondre aux modifications externes. » 12 Nous entendons par acteurs « verts » des acteurs qui défendent un soutien accru à lélectricité verte.
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4. L A METHODE DE RECHERCHE ET LES TECHNIQUES Le meilleur moyen de pouvoir répondre à la question de recherche qui a été posée et de tester les hypothèses correspondantes, nous semble dadopter une démarche basée sur une comparaison détudes de cas. Il sagit dune démarche qualitative basée sur une description détudes de cas suivie dune comparaison des résultats obtenus dans le but didentifier des tendances plus générales. Lambition épistémologique de cette recherche dépasse donc le cadre de la description détudes de cas, car elle vise in fine à tester, voire à affiner, des hypothèses théoriques posées à priori. En effet, « Lobservation de la nature nest fructueuse que si lon a défini au préalable les questions à lui poser () ces questions doivent prendre la forme dhypothèses de travail : càd qu en posant la question, on formule une réponse supposée, dont la recherche a précisément pour but de vérifier le bien-fondé ou le mal-fondé. » 13 Dans le cas dune recherche sur un phénomène aussi difficile à manipuler quune politique publique, la méthode utilisée pour vérifier les hypothèses est une méthode comparative (et non expérimentale) visant à multiplier les observations directes (de phénomènes analogues) dans les conditions naturelles les plus éloignées les unes des autres vu quil est impossible disoler et de manipuler les facteurs. La logique qui sous-tend ce type de démarche est celle dune « réplication théorique » au sein de laquelle chaque cas représente une expérience (Yin, 1989). Plus le nombre détudes de cas qui vérifient les hypothèses posées a priori est important, plus elles apparaissent convaincantes. Néanmoins, au regard du niveau dabstraction de notre cadre théorique (niveau dabstraction moyen) 14 et des contraintes matérielles 15 , nous sélectionnons un nombre de cas limité (« small-n » comparaison), mais suffisamment significatif pour représenter la plus grande variance possible au niveau de notre variable à expliquer (objectifs, bénéficiaires et instruments des PPA de soutien à 6 lélectricité verte) 1 . Allemagne Belgique France R-U j ctifs + Ob e + - + Bénéficiaires- -+ + InstrumentsPas concurrence Concurrence Pas concurrence Concurrence Dans la perspective dune démarche hypothético-déductive basée sur une comparaison détudes de cas, notre recherche empirique se déroulera en deux 13 Maurice DUVERGER, Méthodes des sciences sociales , 1964, p.350. 14 Voir la distinction opérée par Peter Mair entre les différentes méthodes comparatives (étude dun seul cas, de quelques cas et de beaucoup de cas) sur base dune part du niveau dabstraction du cadre théorique de la recherche et, dautre part, du nombre de pays étudié. Tood LANDMAN 2000 : 22-23. 15 Lobtention du prix Tractebel 2001-2002 de la Chaire Environnement de lUCL nous permet de bénéficier de ressources supplémentaires en terme de frais de fonctionnement pendant deux ans. Nous profiterons donc de cette période pour effectuer les déplacements nécessaires aux études de cas. 16 Choix basé sur une analyse antérieure des différents pays (voir note 3).
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temps. Dans un premier temps, chaque cas fera lobjet dune analyse descriptive approfondie sur base dun canevas danalyse commun. Ensuite, dans un second temps, les différents cas feront lobjet dune comparaison systématique (rendue possible grâce au canevas danalyse commun) et dune confrontation avec les hypothèses de recherche posées à priori. La première partie de notre recherche empirique doit donc reposer sur un canevas danalyse commun. Dans une démarche hypothético-déductive, lélaboration de ce canevas danalyse se fait en relation étroite avec le cadre théorique et les hypothèses. En effet, le canevas doit être prévu de telle façon quil permette de décrire, le plus précisément possible, les variables à expliquer et les variables explicatives du cadre théorique dans les différents cas étudiés. Ainsi, notre canevas danalyse se divise en deux parties (voir tableau ci-dessous). La première partie vise, dune part, à décrire les PPA de soutien à lélectricité verte dans les différents pays en identifiant particulièrement les modifications intervenues suite à la libéralisation du marché électrique au niveau des bénéficiaires, des objectifs et des instruments sélectionnés, et dautre part, à identifier les acteurs impliqués dans le réseau de décision. La seconde partie cherche ensuite, sur base des résultats de la première partie de létude de cas, à identifier la structure du réseau dacteurs impliqué au sein de lespace de décision publique en matière de politique de soutien à lélectricité verte (ouverture, taille, intégration, institutionnalisation). Lobjectif étant danalyser les changements de structure du réseau dans le temps, cette analyse de réseau portera sur deux périodes de temps : avant et après la libéralisation du marché. Par ailleurs, la fixation des frontières du réseau se fait sur base de deux principes, qui sont dailleurs généralement combinés : lidentification des membres du réseau par les autres membres (avec lhypothèse sous jacente que les membres dun réseau sont conscients de qui appartient au réseau et qui ny appartient pas), et le choix de critères analytiques par le chercheur (limites sectorielles, territoriales, temporelles). 17
17 David KNOKE, Political networks. The structural perspective , Cambridge: Cambridge University Press, 1990, p.235.
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Résultats attendus Sources Techniques 1- Description du PPA 9 Chronologie de 9 Revue de la littérature 9 Analyse documentaire de soutien à lévolution du PPA 9 Analyse documentaire 9 Entretiens dirigés lélectricité verte (bénéficiaires, objectifs, 9 Entretiens approfondis instruments) avec des experts du 9 Liste des acteurs secteur impliqués au sein de lespace de décision public 2- Description de la 9 Identification des Interview dau moins 9 Interviews sur base dun structure du réseau acteurs membres du deux représentants 18 des questionnaire standardisé de politique publique réseau (nombre différents membres du 9 Analyse des données dacteurs et ouverture réseau sur base dun issues des questionnaires du réseau) questionnaire à laide doutils 9 Identification de la standardisé mathématiques de fréquence, de 9 Question subsidiaire lanalyse sociale de lintensité et de la demandant aux acteurs réseau 19 durée des liens entre didentifier les autres les membres du réseau membres du réseau (intégration et 9 Sources de la seconde institutionnalisation du phase pour « objectiver » réseau) linformation
5. C ALENDRIER Périodes 20 Résultats attendus 2002 nov-dec Partie I des études de cas (description du PPA) pour la Belgique et la France jan-juin Partie II des études de cas (analyse de réseau) pour la Belgique et 2003 juillet-août la France sept-dec Partie I des études de cas pour lAllemagne Epreuve de confirmation jan-juin PartieI et II des études de cas pour le RU 2004jsueipllte-td-eacoûtPartieIIdesétudesdecaspourlAllemagnejan-juin Confrontationdes études de cas aux hypothèses de départ 2005 juillet-août Rédaction sept-dec Rédaction 2006 mai Rédaction et remise de la dissertation
18 Pour éviter un trop grand biais, nous choisissons dinterroger non pas un représentant de chaque participant au réseau, mais au moins deux et si possible deux personnes positionnées à des niveaux différents. 19 Depuis les années 70, lanalyse sociale des réseaux (« social network analysis »), une des dix approches de lanalyse des réseaux identifiées par Luis Araujo et Geoffrey Easton (Araujo et Easton, 1996), a cherché à modéliser, au moyen doutils mathématiques sophistiqués, les relations entre les acteurs dun réseau. Deux principales méthodes danalyse des données s y côtoient : lune est basée sur une analyse relationnelle et lautre sur une analyse positionnelle (Knoke et Kuklinski, 1982). Nayant pas encore approfondi plus avant ces deux types de techniques, nous neffectuons pas encore de choix définitif sur lune ou lautre approche, les deux étant à priori utiles pour décrire les réseaux de politique publique que nous analysons. 20 A situation inchangée, les périodes de septembre à décembre étant consacrées en priorité aux encadrements, elles seront nécessairement moins productives pour lavancement de la thèse.
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6. P LAN PROVISOIRE Introduction Partie I : Cadre théorique 1. Question de recherche 2. Théories explicatives du changement de politique publique 2.1. Variables explicatives exogènes 2.2. Variables explicatives endogènes 3. Analyses de réseau et changement de politique publique 3.1. Analyses structurelle 3.2. Analyses centrée sur les acteurs 4. Modèle explicatif et hypothèses 4.1. Formulation dun modèle explicatif 4.2. Hypothèses explicatives Partie II : Méthodologie 1. Comparaison détudes de cas 1.1. Choix des cas 1.2. Canevas danalyse 2. Méthode danalyse de réseau 2.1. Questionnaires standardisés 2.2. Technique danalyse des données Partie III : Analyse empirique 1. Belgique 1.1. Chronologie de la politique de soutien à lélectricité verte 1.2. Analyse de réseau 2. France 2.1. Chronologie de la politique de soutien à lélectricité verte 2.2. Analyse de réseau 3. Royaume-Uni 3.1. Chronologie de la politique de soutien à lélectricité verte 3.2. Analyse de réseau 4. Allemagne 4.1. Chronologie de la politique de soutien à lélectricité verte 4.2. Analyse de réseau Partie IV : Comparaison des études de cas et vérification des hypothèses 1. Comparaison des résultats des études de cas 1.1. Les politiques de soutien à lélectricité verte 1.2. Structures de réseau 2. Confrontation des résultats empiriques aux hypothèses théoriques Conclusion