Rembrandt d après un nouveau mode de critique d art - article ; n°1 ; vol.16, pg 31-50
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Rembrandt d'après un nouveau mode de critique d'art - article ; n°1 ; vol.16, pg 31-50

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Description

L'année psychologique - Année 1909 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 31-50
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1909
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alfred Binet
Rembrandt d'après un nouveau mode de critique d'art
In: L'année psychologique. 1909 vol. 16. pp. 31-50.
Citer ce document / Cite this document :
Binet Alfred. Rembrandt d'après un nouveau mode de critique d'art. In: L'année psychologique. 1909 vol. 16. pp. 31-50.
doi : 10.3406/psy.1909.3786
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1909_num_16_1_3786II
REMBRANDT
d'après un nouveau mode de critique d'art.
En cherchant à faire triompher les idées qui nous sont chères,
nous sommes conduits à pénétrer dans les domaines les plus
différents. Tantôt nous faisons de l'aliénation, tantôt de la
pédagogie, tantôt de la littérature; maintenant, nous nous
essayons à de la critique d'art. Un observateur superficiel pourr
ait seul se méprendre sur nos intentions, et nous accuser
d'éparpillement. Notre dessein reste toujours identique à tra
vers ces avatars. Nous restons même, croyons-nous, en parfait
accord de sentiment avec notre temps. Comme nos contempor
ains, nous nous attachons aux faits, aux faits exacts, bien
observés, remplaçant les idées vagues ou les impressions
a priori; on voit la réalité de cette tendance dans le succès qui
accueille aujourd'hui les mémoires du temps, les biographies,
les souvenirs, et même le reportage intelligent, qui n'est qu'une
des formes de cette curiosité pour les faits. Dans un autre
département, en sociologie, en politique, apparaît de plus en
plus chaque jour la nécessité d'enquêtes et même d'expériences.
Po.ur notre part, nous nous efforçons surtout d'introduire ces
méthodes, de déterminer ces contrôles dans le domaine des
choses morales; car là aussi, sous certaines conditions, il est
possible de réunir des faits, et d'établir des démonstrations
expérimentales.
C'est ce que nous voulons montrer au sujet de la critique
d'art.
Prévenons d'abord une objection, et dissipons un malen
tendu. Nous n'avons nullement l'intention de régenter la cri
tique d'art, de faire le procès de son passé, et de commander
son avenir. Ce rôle de législateur répugne à notre tempéra
ment, et il est contraire à nos idées. Il ne faut pas attenter à
la liberté de la critique d'art, parce que nulle part peut-être MÉMOIRES ORIGINAUX 32
la liberté n'est plus nécessaire qu'en art; c'est la condition pr
imordiale de son épanouissement. Laissons donc la critique
d'art se diversifier à l'infini, selon les contrastes qu'offrent les
tempéraments, les théories, les manières de comprendre et de
goûter la vie. Mais rappelons brièvement ce qu'elle a été jus
qu'ici, afin d'expliquer par antithèse la forme un peu nouvelle
que nous voulons exposer.
Ceux qui font de la critique d'art actuellement représentent
un monde assez compliqué. On y discerne d'abord des gens de
lettres qui portent dans cette fonction des préoccupations litté
raires, et s'absorbent surtout à décrire la poésie ou le drame,
l'esprit ou la science des sujets traités; il s'en est trouvé
d'autres qui ayant reçu un choc profond de leur sensibilité,
cherchent à analyser l'impression reçue, à la débrouiller, à la
justifier; d'autres encore, moins sensibles, en tout cas moins
démonstratifs, se proposent de juger l'œuvre par des moyens
objectifs, par un critérium, une norme de beauté, ou d'harmonie,
ou d'ordre, à peu près comme on mesure une grandeur en lui
appliquant une unité de mesure; seulement ici, l'unité de
mesure n'est qu'un idéal, autrement vague et contestable qu'un
étalon matériel. Outre ces littérateurs, ces impressionnistes,
ces dogmatiques, on rencontre parfois des esprits qui ne
veulent pas seulement décrire, qualifier, juger, mais encore
s'élèvent jusqu'à l'ambition d'expliquer. Taine, lorsqu'il a écrit
des pages éclatantes sur la Philosophie de l'art, ne s'est pas
contenté de poser dogmatiquement en principe que l'œuvre
d'art a pour but de dégager des objets réels leur caractère
dominateur; il a encore voulu expliquer l'artiste, chaque
artiste, la nature de son talent, l'orientation de ses idées, par
des facteurs extérieurs, tels que le milieu et la race. Si nous ne
devions pas à cette sorte de méthode génétique quelques beaux
morceaux de littérature, il faudrait regretter que Taine, qui
n'avait pas seulement du génie, mais beaucoup d'intelligence,
ait constamment été dupe d'explications où il prenait des
métaphores pour des faits. Qui est-ce qui peut supposer un seul
instant que Taine a expliqué Rubens ou La Fontaine?
Le chemin que nous allons suivre s'écarte de toutes ces voies
anciennes; et ce n'est guère qu'un petit sentier, car personne,
ou presque personne ne l'a frayé jusqu'ici. Nous aussi nous
allons chercher à décrire, comme le font les impressionnistes,
les dogmatiques et même les littérateurs. Mais nous décrirons
surtout après avoir regardé l'œuvre avec des yeux d'artiste, ET A. BINET. — REMBRANDT 33 A.
Nous n'oublierons pas, puisque nous nous occuperons spécia
lement de peinture, qu'une toile n'est pas un sonnet, ni une
mélodie, mais qu'elle consiste d'abord et essentiellement en une
surface enduite de couleurs; c'est par le moyen de cette couleur
que le peintre a exprimé son idée ; c'est donc une idée de
peintre, une idée plastique et visuelle, dont nous devons
chercher à apprécier la qualité, la saveur, la volupté sensor
ielle. Après cette description picturale, nous ferons aussi,
comme Taine l'a fait, une tentative d'explication ; mais elle ne
sera ni philosophique, ni économique, ni anthropologique, ni
anecdotique, ni littéraire, elle sera purement picturale. Ici,
nous chercherons à nous rapprocher de la toile, et à en faire
l'analyse attentive; examinerons quels tons, quelles
valeurs l'artiste a employés, comment il les choisit, comment
il les juxtapose, comment il en établit l'harmonie; prenant
l'impression picturale comme l'effet qu'il a produit, nous vou
drons deviner les moyens qu'il a employés pour obtenir cet
effet; nous établirons un rapport entre les moyens et la fin,
entre la facture et l'effet, nous jugerons l'effet à travers la fac
ture et la comme productrice de l'effet.
C'est là évidemment une méthode assez difficile à appliquer
puisqu'elle suppose quelque familiarité avec les procédés pictu
raux. Il faut presque avoir peint pour pouvoir arriver à
découvrir, dans une toile de maître, comment c'est fait. Il faut
être presque un professionnel pour faire de cette critique que,
pour la distinguer des autres par un seul mot, nous pourrions
appeler technique. On pourrait tout aussi bien dire qu'elle est
documentaire, ou expérimentale, ou scientifique, car elle ne se
contente pas d'apprécier, mais cherche à mettre en évidence des
faits, de petits faits objectifs, sur lesquels tout le monde peut
s'accorder; elle constitue donc un contrôle, et c'est par là
qu'elle nous a séduits.
I
De même que le meilleur moyen d'expliquer une nouvelle
danse, c'est de la danser, de même nous pensons que le
meilleur moyen de faire comprendre en quoi consiste cette
nouvelle analyse et explication de la peinture est d'^pjiquer
la méthode à des toiles que tout le monde peu^nérétudliërT
Quel meilleur Exemple pourrions^nous prendre que celui de
L'ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. XVI. ""'3t*> *"* ^*^'^ 3 MÉMOIRES ORIGINAUX 34
Rembrandt? C'est le grand maître, le plus grand peut-être
dans son art; chez lui tout est admirable, non seulement sa
personnalité d'artiste luttant contre le malheur et la misère,
non seulement la puissance de conception, la richesse d'imagi
nation qui lui a fait concevoir une humanité grandiose, la
tendresse de cœur qui lui a fait peindre un véritable évangile
pour les misérables, mais encore la technique; celle-ci est
d'une liberté, d'une originalité, et dans ses dernières œuvres audace qui ont de tous temps ravi les gens du métier.
Notre Louvre, dont on ne soupçonne pas les richesses tant
qu'on ne l'a pas comparé avec les musées étra

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