Stratifications sociales et coopération agricole - article ; n°54 ; vol.14, pg 281-294
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Description

Tiers-Monde - Année 1973 - Volume 14 - Numéro 54 - Pages 281-294
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Yves Goussault
Stratifications sociales et coopération agricole
In: Tiers-Monde. 1973, tome 14 n°54. pp. 281-294.
Citer ce document / Cite this document :
Goussault Yves. Stratifications sociales et coopération agricole. In: Tiers-Monde. 1973, tome 14 n°54. pp. 281-294.
doi : 10.3406/tiers.1973.1927
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1973_num_14_54_1927STRATIFICATIONS SOCIALES
ET COOPÉRATION AGRICOLE
par Yves Goussault*
La création de coopératives est depuis un demi-siècle l'instrument
privilégié des politiques agricoles dans les campagnes sous-développées.
Les administrations coloniales en ont usé abondamment pour le contrôle
de la production et de la population paysannes; les planteurs et colons
eux-mêmes y ont trouvé une forme efficace d'organisation de leurs
intérêts professionnels ; les programmes contemporains de développe
ment rural ou de réforme agraire en font un usage d'autant plus génér
alisé qu'ils y voient le seul moyen de rentabiliser leur aide à la paysan
nerie pauvre, d'orienter le plus grand nombre de petits agriculteurs
vers la production marchande et de leur offrir un cadre de participation
économique et sociale. Le coopérativisme demeure ainsi la panacée des
développements agraires.
Il est curieux de constater que les « révisions déchirantes » qui ont
été faites récemment à propos des programmes sociaux, alphabétisation
et scolarisation rurales en particulier, n'ont pas encore affecté le secteur
des coopératives. Le fait s'explique sans doute par l'importance des
intérêts économiques impliqués, nationaux et étrangers, puisque aussi
bien le marché international que l'approvisionnement local dépendent
de la production paysanne. Mais il reste surprenant que dans un domaine
d'une telle portée sociale, qui concerne la grande masse des populations
sous-développées, on ne rencontre chez les promoteurs du coopéra
tivisme d'autre préoccupation sociale que celle d'un honnête fonction
nement des formules expérimentées çà et là dans le monde, ni d'autre
souci économique que celui de la balance entre les apports technico-
financiers et leur contrepartie en production commercialisée.
* Directeur de l'I.R.A.M., professeur à l'I.E.D.E.S.
281 YVES GOUSSAULT
Et pourtant c'est à une analyse sociale rigoureuse qu'il faut soumettre
les mouvements coopératifs si l'on veut expliquer les impasses actuelles.
Sans remonter aux tentatives qui ont caractérisé la fin de l'époque colo
niale, avec l'échec déjà significatif des programmes tantôt contraignants
tantôt libéraux mis en œuvre par l'administration française (sociétés
de prévoyance, statut de 1947, paysannat) au moment même où le Colo
nial Office britannique pratiquait de façon plus réaliste l'intégration
coopérative des produits d'exportation et laissait aux community dev
elopments le soin de compenser les déstructurations sociales d'une telle
politique (1), il suffit de regarder ce qui se passe actuellement pour se
rendre compte que les problèmes ne sont pas seulement techniques. Le
recul des quelques expériences coopératives courageuses entreprises
en Afrique noire depuis l'indépendance, la stagnation des organisations
associatives ou autogestionnaires lancées à l'occasion des réformes
agraires en Amérique latine et en Afrique du Nord, le retour aux « opé
rations » de productivité à fort encadrement étranger en Afrique, là où
faiblissent les capacités à alimenter le marché extérieur, le maintien,
comme aux Antilles, de soi-disant coopératives sous la tutelle de
l'administration, tous ces exemples, et bien d'autres, constituent autant
de symptômes d'une même crise : la coopération paysanne dans les pays
sous-développés est inapte à remplir son rôle promotionnel à V égard des paysans
pauvres, parce qu'elle est conçue et mise en œuvre prioritairement en jonction
des impératifs économiques de V échange marchand.
Or c'est ici que les progrès réalisés au cours des récentes années
dans l'étude des structurations sociales de l'agriculture « périphérique »
— systèmes de production, transitions vers la spécialisation commerciale
et le capitalisme, stratifications et déstructurations sociales correspon
dantes — peuvent éclairer les difficultés rencontrées par le coopérati-
visme, les détournements et les échecs observés en termes de promotion
paysanne. Sans entrer dans le détail d'un bilan qui reste à faire sur l'apt
itude des coopératives à résoudre les problèmes économiques, technolo
giques et sociaux du développement des campagnes sous-développées,
nous nous limiterons à quelques réflexions générales susceptibles de
guider une telle recherche (2).
(1) A. Meister, Ambitions et aléas du socialisme coopératif au Tanganyika et en Afrique
de l'Est, in Archives internationales de Sociologie de la Coopération, 1964, n° 16, pp. 94-150.
(2) On n'en est encore actuellement qu'au stade des bilans monographiques. Ceux-ci
se multiplient à l'occasion des déceptions de plus en plus généralisées, éprouvées par les
282 STRATIFICATIONS SOCIALES
i) La coopération et les modes de production
Avant d'aborder le cas particulier du coopérativisme paysan dans
les économies agraires périphériques, il faut se poser une question préa
lable, théorique et historique : la coopérative, en tant que modèle d'orga
nisation de producteurs, constitue-t-elle un système socio-économique
spécifique, assimilable à un mode de production et susceptible de repré
senter une alternative socialement satisfaisante aux formes marchande
et capitaliste du développement.
Il convient donc de vérifier d'abord si le mouvement coopératif
a réellement offert à la société en général et au secteur agraire en parti
culier un modèle d'organisation économique, social et idéologique
capable de se substituer au capitalisme. Au niveau de la doctrine, les ana
lyses comparatives que Henri Desroche a faites des idéologies coopérat
ives montrent une nette édulcoration des projets successifs (i). Après
les déclarations et les textes de l'époque pionnière (Fourier, Owen)
qui baignent dans le climat exceptionnel des idéologies socialistes du
xixe siècle, on assiste à un tournant : l'Internationale coopérative créée
en 1895 rejette les owénites et, tandis que s'amorce un rapprochement
entre le socialisme jauréssien et le coopératisme de Charles Gide, les
marxistes creusent les distances déjà prises par Guesde; Kautsky dénonce
la coopérative comme « une étape vers le capitalisme et non vers le
socialisme » (2). L'évolution de C. Gide est non moins significative
quand on mesure la retombée entre la présentation ambitieuse qu'il
faisait des « trois étapes coopératives » au Congrès de 1889 (progression
vers ce qui allait devenir le fameux projet de « république coopérative »
de l'Ecole de Nîmes), et les propos désabusés de ses cours au Collège
de France dans les années 192 5-1926. On en viendra alors à la doctrine
plus modeste du « secteur coopératif» de Georges Fauquet, coexistence
de l'économie coopérative avec les secteurs privé et public. Notons au
passage les deux phrases de Fauquet rapportées par Desroche :
« Le mouvement coopératif ne peut plus escompter comme par le passé
promoteurs des coopérativismes paysans. Les notes qui suivent renvoient à certaines de ces
études.
(1) H. Desroche, Coopération et développement : mouvements coopératifs et stratégie du déve
loppement, Paris, Presses Universitaires de France, I.E.D.E.S., collection « Tiers Monde »,
I964, 334 P-
(2) K. Kautsky, La question agraire, Paris, Giard & Brière, 1900, p. 398.
283 YVES GOUSSAULT
sa croissance indéfinie dans un milieu de liberté économique. Il lui faut main
tenant s'adapter soit ici par la lutte, soit ici par l'accord, avec les éléments d'un
milieu complexe, partiellement libre et partiellement organisé...
« Même l'ensemble des forces de la coopération ne peuvent envahir toute
l

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