Sur le rapport de la physique avec la psychologie - article ; n°1 ; vol.12, pg 303-318
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Description

L'année psychologique - Année 1905 - Volume 12 - Numéro 1 - Pages 303-318
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1905
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Ernest Mach
Sur le rapport de la physique avec la psychologie
In: L'année psychologique. 1905 vol. 12. pp. 303-318.
Citer ce document / Cite this document :
Mach Ernest. Sur le rapport de la physique avec la psychologie. In: L'année psychologique. 1905 vol. 12. pp. 303-318.
doi : 10.3406/psy.1905.3717
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1905_num_12_1_3717XII
SUR LE RAPPORT
DE LA PHYSIQUE AVEC LA PSYCHOLOGIE
1. Avant de répondre à l'aimable invitation qui m'a été faite
d'exposer ici mes vues sur le rapport de la physique avec la
psychologie, je tiens à bien marquer que je ne suis ni un philo
sophe ni un psychologue, mais un pur physicien. Ce sont des
questions relatives à la théorie de la connaissance et à la méthod
ologie qui m'ont obligé à jeter un coup d'œil sur la psychol
ogie et, notamment, sur celui de ses domaines qui est part
iculièrement important pour le physicien, je veux dire la phy
siologie sensorielle. Je fus amené de la sorte à tenter une
analyse de la sensation aussi poussée que possible. Je ferai
comprendre le point de vue philosophique auquel je suis
arrivé, — et c'est le seul but de ce travail, — en indiquant la
suite des études personnelles qui ont contribué essentiellement
à le déterminer. De très bonne heure, ma conception toute
naïve du monde fut ébranlée par les Prolégomènes de Kant. La
lecture de cet ouvrage a donné l'impulsion à ma pensée cri
tique. Je fus amené d'abord à reconnaître dans l'inaccessible
« Chose en soi » une illusion naturelle, il est vrai, et instinc
tive, mais oiseuse et même dangereuse, et à revenir ainsi au
point de vue de Berkeley, demeuré à Tétat latent dans le Kan
tisme, puis aux opinions de Hume. En fait, je persiste à croire
que Kant accuse un recul marqué vis-à-vis de Berkeley et de
Hume, dont la pensée a été certainement plus conséquente.
Mes travaux de physique et mes recherches sur l'histoire de
la physique m'ont appris que cette science a pour but véritable
de découvrir des relations de dépendance entre les données
de l'observation sensible et que les concepts et les théories de
la physique ne constituent qu'un simple moyen, réalisant une
économie de pensée, pour atteindre ce but. Toute interpré
tation métaphysique de la physique s'évanouit alors pour moi.
L'essai de psychologie mathématique de Herbart, trop schémat
ique à la vérité, et qui ne tenait pas suffisamment compte des
faits physiologiques, me suggéra, dans un autre domaine, un 304 MÉMOIRES ORIGINAUX
idéal analogue : établir les relations de dépendance que sou
tiennent mutuellement les données de la représentation. Les
progrès éclatants des sciences biologiques et le développe
ment de la doctrine de l'évolution ne tardèrent pas à modifier
cette vue, et me conduisirent à envisager la vie psychique tout
entière et, en particulier, le travail scientifique, comme un
aspect de la vie organique. La valeur purement économique
que j'attribue aux théories et, en même temps, la position que
j'ai prise en face de la métaphysique trouvent leur justification
profonde dans les exigences biologiques. Saisir, avec toute
l'économie de pensée possible et sur la base de recherches
exactes, la dépendance mutuelle des expériences internes et
externes de l'homme : tel devient alors l'idéal de la science
prise dans son ensemble. Cet idéal est assurément très voisin
de celui de Comte, bien que ce philosophe n'ait accordé qu'une
importance relativement médiocre aux investigations psycho
logiques. Aucune des idées dont il sera question ici n'est ma
propriété exclusive; bien plus, je crois que l'on peut envisager
la conciliation de ces idées comme un fruit du développement
général de la civilisation.
2. Tout homme découvre en lui-même, à son éveil à la cons
cience complète, une image achevée du monde, à l'exécution de
laquelle il n'a apporté volontairement aucune contribution et
qu'il accepte, tout au contraire, comme un présent de la nature
et de la civilisation et comme quelque chose d'immédiatement
intelligible. Cette image s'est formée sous la pression de la vie
pratique; extrêmement précieuse, à cet égard, elle est ineffa
çable et ne cesse jamais d'avoir pratiquement une action sur
nous, quelles que soient les vues philosophiques que nous
adoptions plus tard. En quoi consiste maintenant cette image
du monde? Je me trouve dans l'espace, environné de différents
corps en mouvement dans celui-ci. Ces corps sont les uns,
« inanimés », les autres, des plantes, des animaux, des
hommes. Mon corps, mobile lui aussi dans l'espace, est égal
ement pour moi quelque chose de visible, de palpable, en un
mot, un objet sensible, qui occupe une partie du champ de
l'espace sensible et demeure à côté et en dehors des autres
corps, et au même titre qu'eux. Sans parler de ses particula
rités individuelles, mon corps se distingue des autres corps en
ce que l'attouchement du premier détermine des sensations
propres que je n'observe pas au contact d'autres corps. De
plus, mon corps n'est pas aussi complètement visible pour MACH. — DE LA PHYSIQUE ET DE LA PSYCHOLOGIE 305 E.
mon œil que le corps des autres hommes. Je ne puis voir,
au moins directement, qu'une très petite partie de ma tête.
Bref, mon corps m'apparaît sous une perspective entièrement
différente de celle de tous les autres corps. On peut en dire
autant, non seulement du sens tactile, mais de tous les autres
sens. Ainsi je n'entends pas ma propre voix de la même
manière que celle des autres, comme me l'apprend le phono
graphe. Je découvre de plus, en moi, des souvenirs, des espoirs,
des soucis, des impulsions, des désirs, des volitions, etc.,
dont je suis aussi peu responsable que de la présence des
corps qui m'environnent. A ces volitions se rattachent, à leur
tour, les mouvements d'un corps déterminé qui se fait recon
naître, par ce fait et par ceux que je viens de mentionner,
comme mon corps.
3. L'observation des autres corps humains me conduit aussitôt,
en vertu d'une analogie puissante, irrésistible, — à côté des
nécessités de la pratique — à supposer que des souvenirs, des
espoirs, des craintes, des impulsions, des désirs, des volitions,
sont liés aux autres corps de la même manière que ceux que
j'éprouve sont liés aux miens. L'altitude des autres hommes
m'oblige, de plus, à admettre que mon organisme et les autres
corps sont donnés aussi immédiatement pour eux que, pour
moi, leur organisme et les autres corps, et qu'au contraire, mes
souvenirs et mes désirs n'existent pour eux qu'en vertu d'une
induction analogique irrésistible, au même titre que, pour
moi, leurs souvenirs et leurs désirs. L'ensemble de ce qui
dans l'espace est immédiatement donné pour tous s'appelle le langage ordinaire le Physique; ce qui, au contraire,
n'est immédiatement donné qu'à un seul et n'est accessible à
tous les autres que par voie d'analogie, le Psychique. On désigne
aussi ce qui n'est donné qu'à un seul comme son Moi (au sens
strict). C'est dans cette opposition que se trouve la racine
naturelle du dualisme tel que Descartes l'a représenté.
Les expériences les plus simples suffisent à faire admettre
l'existence d'un monde* en dehors de moi, et celle d'autres
moi en dehors du mien; cette connaissance répond complè
tement aux nécessités biologiques primitives et permet à
l'homme de se comporter convenablement et de subsister
dans ce monde. Mais déjà l'expérience vulgaire nous oblige à
modifier progressivement et à transformer peu à peu, par une
critique de plus en plus déliée, cette vue du monde. Les corps
qui nous entourent sont loin de nous être donnés aussi immé-
l'année psychologique, xii. 20 306 MÉMOIRES ORIGINAUX
diatement qu'il le semble au premier abord. Nous ne voyons
les corps qu'en présence d'un corps possédant une lumière
propre et ces corps ne manifestent leur couleur habituelle
qu'à la lumière du soleil. Je n'entends une cloche que lorsqu'un
battant l'ébranlé. Je ne sens l'odeur de la rose

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