[tel-00441671, v1] Le défi économique ou comment sortir de l ordinaire
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LE DEFI ECONOMIQUE OU COMMENT SORTIR DE L’ORDINAIRE par Nicolas Stoskopf Université de Haute-Alsace Centre de recherche sur les économies, les sociétés, les arts et les techniques (CRESAT° Mémoire de synthèse pour l’habilitation à diriger les recherches sous la direction de Monsieur le Professeur Dominique Barjot Session d’automne 2002 tel-00441671, version 1 - 17 Dec 2009Résumé Ce mémoire de synthèse fait le bilan, en 2002, d’un ensemble de travaux consacrés pendant une vingtaine d’années par l’auteur à l’industrialisation alsacienne e eaux XIX -XX siècles, aux entrepreneurs et aux facteurs anthropologiques de la réussite économique. La réflexion aboutit à trois conclusions provisoires : le clivage confessionnel, s’il ne peut être analysé en termes d’aptitudes, n’est pas neutre et se traduit notamment par un sens du collectif des minorités protestante et juive s’opposant à l’individualisme catholique. Le rapport au territoire constitue un deuxième facteur de différenciation culturelle qui fait intervenir les identités locales ou régionales, les migrations, la volonté d’ancrage. Enfin, une troisième variable est celle de l’horizon temporel de l’entrepreneur : sont en jeu les identités culturelles et sociales, les stratégies de formation, les pratiques familiales, les évolutions intergénérationnelles. Il serait intéressant de tester ces observations, avec d’autres, dans une analyse ...

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LE DEFI ECONOMIQUE

OU COMMENT SORTIR DE L’ORDINAIRE


par
Nicolas Stoskopf
Université de Haute-Alsace
Centre de recherche sur les économies, les sociétés, les arts et les
techniques (CRESAT°






Mémoire de synthèse
pour l’habilitation à diriger les recherches
sous la direction de
Monsieur le Professeur Dominique Barjot


Session d’automne 2002
tel-00441671, version 1 - 17 Dec 2009Résumé
Ce mémoire de synthèse fait le bilan, en 2002, d’un ensemble de travaux
consacrés pendant une vingtaine d’années par l’auteur à l’industrialisation alsacienne
e e
aux XIX -XX siècles, aux entrepreneurs et aux facteurs anthropologiques de la
réussite économique. La réflexion aboutit à trois conclusions provisoires : le clivage
confessionnel, s’il ne peut être analysé en termes d’aptitudes, n’est pas neutre et se
traduit notamment par un sens du collectif des minorités protestante et juive
s’opposant à l’individualisme catholique. Le rapport au territoire constitue un
deuxième facteur de différenciation culturelle qui fait intervenir les identités locales
ou régionales, les migrations, la volonté d’ancrage. Enfin, une troisième variable est
celle de l’horizon temporel de l’entrepreneur : sont en jeu les identités culturelles et
sociales, les stratégies de formation, les pratiques familiales, les évolutions
intergénérationnelles. Il serait intéressant de tester ces observations, avec d’autres,
dans une analyse factorielle portant sur l’ensemble du patronat français du Second
Empire.















2

tel-00441671, version 1 - 17 Dec 2009
Introduction


A Michel Hau,
présent à chaque pas
de ces vingt ans de recherche.


« Raconter l’économie revient à raconter l’histoire d’individus sortant de
1l’ordinaire ». Cette citation de Paul Krugman, détachée de son contexte, a de quoi
choquer : seuls compteraient les entrepreneurs, nouveaux démiurges des temps
modernes, alors que tous les anonymes ne seraient que des masses de manœuvre à
leur disposition, de simples variables sans influence sur la marche de l’économie.
Sans doute, l’auteur ne méprise pas à ce point les masses… Il veut simplement
montrer, à ce moment de son livre, que les nouvelles technologies de l’information
redonnent, dans les années quatre-vingt-dix, une chance à la figure de l’entrepreneur,
à celui qui a une idée meilleure que les autres, la développe « dans son garage ou
dans sa cuisine » et fait fortune ; elles contredisent John Kenneth Galbraith lorsqu’il
estimait en 1968 que « l’entrepreneur n’existe plus en tant qu’individu dans
2l’entreprise industrielle arrivée à maturité », tué par l’organisation, ainsi que par le
divorce entre propriété du capital et direction de l’entreprise.
En concurrence avec d’autres citations, la phrase de Krugman l’a emporté pour
être placée en exergue de mon dernier livre sur les Banquiers et financiers parisiens
du Second Empire : mieux que d’autres, elle s’adapte parfaitement au sujet, puisque
ces banquiers sortent effectivement de l’ordinaire. Elle met d’autre part l’accent sur
l’importance du facteur humain, ce qui, sous la plume d’un professeur d’économie au
MIT, a de quoi rassurer l’historien économiste, de surcroît prosopographe : raconter
l’économie, ce n’est donc pas seulement étudier des variables quantitatives, manier

1
Paul Krugman, Pourquoi les crises reviennent toujours, traduction, Paris, Seuil, 2000, p. 32.
2
Ibid. Pas de référence précise dans l’édition française.
3

tel-00441671, version 1 - 17 Dec 2009des équations et construire des courbes, cela peut être simplement raconter des
histoires… Enfin, elle montre que l’auteur ne pense pas l’économie en termes de
continuité, mais de changement, non pas comme un circuit qui se reproduit à
l’identique dans le temps, une machine qui tourne et finit par ronronner, mais un
mécanisme instable dont le fonctionnement se renouvelle sous l’action de certains
individus innovants et entreprenants. Il n’y a pas de fatalité, de déterminisme contre
lequel on ne puisse rien faire. Là aussi, ces conceptions ont quelque chose de
3réconfortant pour l’historien économiste qui y trouve une justification de son travail .
Reste que le terme d’individu passe mal. Il n’est pas besoin de remettre en cause
l’héritage des Lumières ou les leçons des économistes classiques, pour douter de la
capacité des individus, fussent-ils chefs ou entrepreneurs, à faire, à eux seuls,
l’histoire ou l’économie. Ils sont le produit d’une histoire, ils vivent une histoire qui
les dépasse et peuvent, au mieux, infléchir son cours. Quant aux grands
bouleversements, aux mutations, aux tournants ou aux révolutions, ils ne sauraient se
réduire à l’action de quelques individus isolés. Pour ne prendre qu’un exemple,
aucun historien sérieux ne prétendrait raconter la Révolution industrielle anglaise en
se bornant au rôle de quelques techniciens habiles ou d’entrepreneurs géniaux : c’est
tout un peuple, officiers et hommes de troupe, qui « sort de l’ordinaire » pour se
projeter dans des transformations extraordinaires.
On est alors tenté de retoucher la phrase de Krugman, comme on le ferait d’une
photo, et de lui donner une portée problématique en l’enrichissant de « social » et de
« culturel », de « collectif », en essayant quelques termes plus riches de significations
historiques comme peuples, travailleurs, communautés, régions, villes, groupes,
réseaux, équipes, familles… On conserve l’idée centrale que les hommes en général
sont les acteurs du développement économique, par opposition aux schémas
marxistes ou à divers déterminismes, mais en laissant ouverte la question des
combinaisons qui déverrouillent les portes, qui permettent de modifier le cours de
l’histoire économique et de « sortir de l’ordinaire ».
La question est très commune : elle se pose à tous ceux qui réfléchissent aux
e econditions du développement économique des XIX et XX siècles, et ils sont

3
Sur l’histoire économique en 2002, voir Dominique Barjot (dir.), « Où va l’histoire
ère
économique ? , 1 partie », Historiens et géographes, n° 378, mai 2002, p. 113-248.
4

tel-00441671, version 1 - 17 Dec 2009nombreux. Mais chacun l’abordant sur un terrain particulier et avec ses propres outils
intellectuels, les réponses sont nécessairement multiples et difficiles à synthétiser. Le
sont-elles moins chez le même historien dont les travaux sont, plus ou moins, le fruit
des circonstances ? Après une thèse de troisième cycle sur la petite industrie dans le
eBas-Rhin au XIX siècle, sujet librement choisi et défini sans intervention extérieure,
les « commandes », ou plutôt les suggestions, se sont enchaînées, une histoire
d’entreprise, Thann et Mulhouse, la prosopographie des patrons alsaciens du Second
Empire, suivie par celle des banquiers et financiers parisiens, dont le résultat
constitue, à côté du présent mémoire, l’autre volet du dossier remis au jury pour
l’obtention de l’habilitation à diriger les recherches. Elles ont occupé au total un peu
plus de vingt ans de recherches historiques menées en complément d’une carrière
enseignante effectuée jusqu’en 2000 en collège et en lycée.
Le hasard – mais est-ce vraiment le hasard ? – fait bien les choses : en passant des
4chaussonniers de Wasselonne ou des Schnellerklopfer de Zehnacker, aux
représentants les plus fortunés des deux cents familles, à Rothschild ou à Seillière,
cet itinéraire conduit du peuple anonyme et collectif aux parangons de la réussite
individuelle. L’idée « krugmanienne », valorisante et donc habile ( !), pourrait être
défendue d’un progrès personnel continu pour raconter de mieux en mieux
l’économie en se rapprochant progressivement de « l’histoire d’individus sortant de
l’ordinaire ». La ficelle serait non seulement un peu grossière, mais relèverait en plus
de la contrefaçon ! L’option choisie sera plutôt différente, presque inverse, tout en
conservant l’ordre chronologique dans lequel ces travaux ont été entrepri

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