Tristan et Yseult dans la poésie anglaise du XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.40, pg 113-152
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Annales de Bretagne - Année 1932 - Volume 40 - Numéro 1 - Pages 113-152
40 pages

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Publié le 01 janvier 1932
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Lucien Wolff
Tristan et Yseult dans la poésie anglaise du XIXe siècle
In: Annales de Bretagne. Tome 40, numéro 1, 1932. pp. 113-152.
Citer ce document / Cite this document :
Wolff Lucien. Tristan et Yseult dans la poésie anglaise du XIXe siècle. In: Annales de Bretagne. Tome 40, numéro 1, 1932. pp.
113-152.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1932_num_40_1_1691Lucien WOLFF
TRISTAN ET YSEULT
DANS LA
POÉSIE ANGLAISE AU XIXe SIÈCLE
Par sa magie celtique, la légende arthurienne n'a cessé de
hanter l'imagination anglaise au cours des siècles. Dès
le xne, le fantaisiste chroniqueur Geoffroy de Monmouth,
s'appuyant sur d'obscures traditions et les rares données de
ses prédécesseurs, crée pour une grande part la légende
d'Arthur, défenseur héroïque des Bretons, conquérant de
l'Irlande, de l'Islande, de la Scandinavie, de la Gaule et de
Rome. — Au XVe, Thomas Malory, dans la vaste compilation de
sa Morte d'Arthur, entoure le prince légendaire, devenu héros
national, et Guenevère, son infidèle 'épouse, des multiples
personnages, des innombrables épisodes que lui ont fournis
les romana où il a inlassablement puisé. — A l'époque Elisa-
béthaine, Spenser, le poète de la Reine des Fées, choisit le
chef de la' Table Ronde, pour le chevalier-type, dont la vertu
incomparable offre son idéal aux chevaliers très nobles qu'il
encourage» et qu'il aide au cours de leurs quêtes aventureuses.
— Milton, avant de consacrer toutes ses forces à la justification
des voies de Dieu aux yeux des hommes, avait longuement
songé au thème arthurien pour le poème épique qu'il
méditait. — Parmi les poètes britanniques du romantisme, seul
Wordsworth a touché à la légende, mais, au cours du
xixe siècle, grâce au mouvement de pensée qui entraîne les
curiosités des savants comme des artistes vers les origines
8 114 TEISTAN ET YSETJLT
celtiques du monde occidental, la légende arthurienne
acquiert un prestige nouveau. Les peintres du néo-roman
tisme pré-raphaélite, Watts, Burne-Jones, William 'Morris
et Rossetti sont conquis par le sortilège arthurien; les trois
derniers, en 1857, décorent la salle neuve de l'Union, le club
des étudiants d'Oxford, de fresques illustrant les scènes
principales de la Morte d'Arthur de Malory. — Enfin, trois des
plus grands poètes britanniques, Tennyson, Matlhew Arnold
et Swinburne consacrent à la légende arthurienne des œuvres
importantes par leurs proportions comme par leur valeur
intrinsèque.
L'auteur de The Lady o/ Shalott, de Lancelot et la Reine
Guenevère (1832), avait d'abord laissé jouer sa fantaisie avec
la tradition médiévale ; son mysticisme, volontairement
archaïque, se paraît d'une grâce un peu morbide où perçait,
plus ou moins consciemment, une pointe de mystification.
Plus tard, avec Enid, Vivian, et ses autres idylles parues
en 1859, sa pensée plus mûre ébauchait un vaste poème épique
dont le sens moral s'adressait à la société victorienne. Enfin,
un souci d'édification, plus arrêté encore, transforma ces
essais en un ensemble allégorique qui figurait l'âme humaine
luttant avec les multiples et insidieuses tentations des sens,
glissant de la vie à la mort, et par celle-ci parvenant à la
résurrection. C'est cette conception allégorique qui inspire,
organise et domine le recueil des Idylles du Roi, paru en 1870.
C'est dans une de ces idylles de la dernière manière, où le
charme de la légende s'est presque entièrement évanoui sous
le rudoiement de la volonté édificatrice, c'est dans la pièce
intitulée Le Dernier Tournoi qu'apparaît, assez gauchement
rattaché au thème principal, le sujet de Tristan qui n'avait
pas encore été mentionné au cours des précédents poèmes.
Ici Tennyson, était dominé par la préoccupation de renforcer
l'horreur morale que devait inspirer à ses lecteurs l'adultère
de la Reine Guenevère, et aussi par le souci de souligner, LA POÉSIE ANGLAISE AU XIXe SIECLE 115 DANS
en traits particulièrement énergiques, la dégradation toujours
pius accentuée de la Table Ronde, minée par le mensonge
et la trahison.
Arthur et Lancelot, cheminant par une gorge de montagne,
entendent le gémissement d'un enfant. S'apercevant que cette
plainte provient d'un nid d'aigle abandonné à la cîme d'un
arbre, Lancelot y grimpe et découvre un enfant dont la gorge
est entourée d'un collier de rubis. L'enfant, confié à la reine,
meurt quelque temps après. Alors Guenevère ordonne un
tournoi dont ce collier sera le prix. C'est à la vierge la plus
pure que seront décernés les joyaux de « la Muette Inno
cence ».
Mais cette joute est une morne dérision des beaux tournois
de naguère. Dans les diverses luttes de la journée n'apparais
sent plus que mépris du code de l'honneur et couardise sans
pudeur. Lancelot, insouciant et las, ne sort de son ennui que
par de brefs sursauts d'une colère impuissante. Lorsque
Tristan entre dans la lice, personne n'ose se mesurer à lui.
Il remporte donc le prix, mais — et ceci suscite notre premier
étonnement inquiet — le chevalier dont le souvenir est resté
si noble dans nos mémoires, témoigne, par son badinage
cynique, par son incivilité envers les dames présentes, à quel
point sa nature a été dégradée à son tour par l'atmosphère
viciée qui règne à la cour d'Arthur.
Et c'est ici que notre étonnement inquiet devient pénible
stupeur. De la grandiose légende amoureuse il ne reste plus,
par le dessein arrêté de Tennyson, qu'une peinture renouvelée,
en traits fortement appuyés, de la passion illicite et de ses
conséquences morales, destructrices du caractère. Toute qual
ité imaginative ou spirituelle a disparu du grand amour
maintenant réduit à la simple sensualité. Tristan est infidèle
et même discourtois envers Yseult. C'est l'amour libre qui
est devenu son idéal. Aimer ne signifie plus pour lui que
caprice qui meurt et renaît avec le désir. Et cette attitude
polissonne, Tristan en fait parade devant Yseult, qui, indignée
d'abord, se réfugie bientôt dans une indifférence molle. Nous 116 TBISTAN ET YSETJLT
sommes reconnaissants au roi Marc de surgir brusquement
dans ce peu galant entretien et de fendre de son épée le
crâne de Tristan.
La création inattendue de Tennyson peut se défendre dans
une certaine mesure, si on se place à son étroit point de vue.
Le personnage d'ailleurs ne manque pas d'unité. Sa légèreté
cynique, peinte avec une habileté soutenue, renforçait sans
aucun doute la portée éthique du conte pour le philistinisme
victorien. Mais ce qu'il subsistait de sentiment esthétique
dans l'Angleterre contemporaine fut froissé; notre sens du
beau n'est pas moins choqué dans son frais souvenir de l'admi
rable rajeunissement donné par M. Bédier à la vieille légende.
Par ce travestissement saugrenu d'un impérissable amour
humain en une banale intrigue, d'eu ont disparu toute douleur
et toute dignité humaines, Tennyson, intoxiqué par l'épaisse
morale qui l'entourait, a commis un crime de lèse-poésie.
— Passons vite et ne nous rappelons cette mésaventure que
comme un repoussoir aux nobles œuvres qui s'offrent main
tenant à notre attention.
Avec Matthew Arnold, nous revenons, sinon au respect de
la tradition, du moins à celui de la conception primitive.
Guère connu en France, et à peu près uniquement par ses
enquêtes pédagogiques sur notre pays, par quelques pages de
pieux enthousiasme envers l'université d'Oxford, par certaines
formules d'un ferme contour, et d'une audacieuse naïveté, par
la prose logique, lucide et nombreuse de ses Essais sur la
Critique, le poète de Thyrsis, de Y Etudiant bohémien, de
Résignation, d'Obermann, d'une Nuit du Sud, avait, dans son
recueil de 1852, fait suivre son principal poème, Empédocle
sur VEtna, de plusieurs œuvres plus courtes dont la plus
considérable à tout point de vue, était intitulée Tristan et
Yseult.
La note distincte de l'inspiration d'A

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