Un monde à gagner
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Extrait

UN MONDE A GAGNER
La vie d’un révolutionnaire
Tony Cliff
1998T. Cliff : un monde à gagner (1998)

Introduction par Paul Foot.................................................................................................................... 3
Préface.................................................. 6
I : Palestine....... 8
II : La crise du trotskysme................23
III : Le Groupe Socialist Review.....................................................................................................28
IV : Le tournant vers l’industrie,les étudiants, et la création de Socialist Worker ..........................40
V : La construction dans la montée des luttes..............52
VI : Les reculs................................61
VII : Repenser la situation ...............................................................................................................74
VIII : Le temps de l’écriture..............83
IX : Contre-indications...................89
X : Tournés vers l’avenir...............93


2 T. Cliff : un monde à gagner (1998)
Introduction par Paul Foot

Lorsque, jeune reporter, je me rendis à Glasgow à l’automne de 1961, j’étais porteur du salut des socialistes regroupés
autour de la New Left Review. « Fais attention », m’avertit Stuart Hall, rédacteur en chef de la NLR à l’époque, « il y a
beaucoup de trots dans les Young Socialists de Glasgow ». Je lui répondis que je me sentais capable de me mesurer
avec les trots, même si je n’avais pas la moindre idée de ce qu’était un « trots ». J’avais une vague vision d’inadaptés
sociaux, légèrement dérangés et hystériques, dont on pouvait facilement détourner les masses à l’aide d’une dose de
rhétorique ordinaire de l’Oxford Union. J’avais été président de l’Union l’été passé à Oxford, et n’étais que récemment
entré en contact avec des socialistes, quels qu’ils fussent.
Comme on me l’avait été prédit, je ne fus pas long à rencontrer les trots de Glasgow. La plupart d’entre eux étaient dans
les Young Socialists de Govan et Gorbals, au sud de la Clyde. Leur mentor de l’époque était un coiffeur plein d’énergie
répondant au nom d’Harry Selby, qui faisait la navette entre les cellules des Young Socialists de la ville. S’il pensait que
vous étiez si peu que ce soit intéressé par ses idées, il fouillait dans son sac et produisait des textes de Marx, Engels,
Lénine et Trotsky, qu’il consentait à vous prêter contre remise d’une petite caution. Selby était membre du Parti
Travailliste, dans sa profonde conviction que les socialistes révolutionnaires devaient rejoindre les organisations
politiques des travailleurs pour faire en sorte que celles -ci deviennent révolutionnaires. Il était tellement persuadé de la
validité de ce concept d’ « entrisme profond » qu’il a fini par devenir député travailliste de la circonscription de Govan, et
plutôt inefficace. Il était traité avec méfiance par le Labour Party, et avec une espèce de haine par le Parti Communiste,
qui contrôlait alors le Glasgow Trades Council. Aux jeunes travailleurs qui affluaient dans les Young Socialists
(organisation de jeunesse du Labour) récemment créés, il apportait son enthousiasme, son humour et des idées
fascinantes selon lesquelles la laide et cruelle société capitaliste pouvait être rapidement changée par une révolution.
Quand on l’interrogeait sur la Russie, il répondait que c’était un « Etat ouvrier dégénéré » dont le socialisme avait été
corrompu par une clique stalinienne. Ladite clique pouvait être facilement renversée par une révolution, mais pas une
révolution sociale. La distinction était un peu difficile à comprendre mais devait, me semblait-il, être acceptée
provisoirement. Mon approche générale était que l’Oxford Union n’avait pas grand chose à apporter à ces jeunes
excités, et je considérais comme raisonnable de me tenir tranquille. Ainsi je tins ma promesse de « me mesurer avec les
trots » en acceptant en fait tout ce qu’ils disaient. Si j’avais des doutes, je les refoulais rapidement. La construction du
Mur de Berlin, expliquai-je lors d’un meeting en plein air organisé près de Sauchiehall Street, avait une fonction
évidente : empêcher les « éléments bourgeois », vitaux pour la croissance économique, de quitter le pays. Lorsqu’une
espèce de brute s’exclama : « Foutaise ! C’est pour garder les travailleurs dedans ! », je choisis, fort commodément (et
pertinemment), de le cataloguer comme un ivrogne.
Pendant l’hiver 1961-62, Gus MacDonald, un des plus capables et des plus intéressants parmi les Young Socialists de
Glasgow, décida que le mouvement avait besoin d’une injection de théorie plus conséquente que celle fournie par Harry
Selby. Il me confia qu’il avait entendu parler d’une secte trotskyste basée à Londres, appelée le Groupe Socialist
Review, et que ses deux dirigeants, Tony Cliff et Michael Kidron, étaient d’extraordinaires orateurs. Il organisa donc un
week-end de débat théorique avec ces deux hommes. Les sujets traités couvraient l’ensemble de la planète, y compris
la Russie.
J’allai avec Gus au terminal de British European Airways à Enoch Square pour rencontrer le mystérieux duo. Ils
arrivèrent en retard sur un vol parti de Londres. Lorsqu’ils pénétrèrent dans le terminal je fus frappé par la différence
d’aspect qu’il y avait entre eux. Mike Kidron était vêtu impeccablement, urbain et charmant. Son compagnon, Cliff, petit
et négligé, avait à l’évidence très peur de s’ennuyer. Le bavardage habituel sur l’heure de l’avion et le trajet vers le lieu
où ils logeaient l’irrita et le gêna visiblement. En montant dans un taxi je remarquai une affiche de journal sur la guerre
au Congo. « Le Congo », soupirai-je, « je ne sais vraiment pas quoi en penser ». Vif comme l’éclair, l’homme à la tenue
débraillée s’éveilla à la vie, et sans faire la moindre pause pour un moment de dialogue, lança une volée de phrases
impossibles à déchiffrer mais également impossibles à ne pas comprendre. Je ne me souviens pas exactement ce qu’il a
dit dans les dix minutes qui ont suivi, tout ce que je sais c’est que je n’ai plus jamais eu de doutes sur le rôle des
impérialismes européen et américain au Congo, et la soumission des Nations Unies à ces impérialismes. A ma grande
surprise, j’éclatai de rire, non pas parce j’avais entendu quelque chose de drôle, mais simplement parce que l’explication
politique était tellement évidente.
Encore et encore, pendant les quarante années qui ont suivi cette première conversation, il a fallu que je me retienne
d’exploser de rire lorsque Cliff parlait. Ce n’est pas seulement dû au fait qu’il est un orateur naturellement et
exceptionnellement drôle, mais surtout à sa façon d’expliquer un problème avec tant de force et de clarté que je ne
pouvais m’empêcher de me moquer de ma propre incapacité à le comprendre jusque là. Une autre chose me frappa au
cours de ce week-end décisif. Les contributions de la tribune semblaient complètement dénuées de l’autosatisfaction et
de l’ego que je m’étais habitué à considérer comme caractéristiques normales des orateurs politiques. Il n’y avait pas de
votes à gagner, pas de carrières en jeu. Il y avait une seule force motrice, une unique raison derrière tout ce qui était dit :
la conviction.
La première bombe que fit exploser Cliff fut que la Russie n’était pas un Etat ouvrier dégénéré, en fait pas un Etat ouvrier
du tout. Les formes d’organisation politique en Russie – pas de bourse ni de profits privés – pouvaient paraître
socialistes, mais le contenu de cette organisation, l’exploitation de la classe ouvrière par une nouvelle classe dirigeante,
était capitaliste. Si la Russie était un capitalisme d’Etat, au surplus, c’était également le cas de ses satellites en Europe
de l’Est, de même que la Chine, de même (c’était difficile à avaler pour moi à l’époque, si peu de temps après la
révolution castriste) que Cuba.
3 T. Cliff : un monde à gagner (1998)
Dans cette petite histoire de sa vie Cliff révèle qu’il s’est interrogé sur cette question pendant des années avant de
sauter du lit un beau matin et de déclarer à sa compagne de longues années de souffrances, Chanie : « La Russie est
un capitalisme d’Etat ».
Cette question peut sembler lointaine, presque dénuée d’importance dans les années 1990, mais pour un jeune
socialiste au début des

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