Un nouveau règlement de culte thasien - article ; n°1 ; vol.64, pg 163-200

Roland Martin

Description

Bulletin de correspondance hellénique - Année 1940 - Volume 64 - Numéro 1 - Pages 163-200
38 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: BULLETIN_DE_CORRESPONDANCE_HELLENIQUE
• Publié le: 01 janvier 1940
• Nombre de lectures: 0
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 3 Mo

Extrait

Roland Martin R
Un nouveau règlement de culte thasien
In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 64-65, 1940. pp. 163-200.
Citer ce document / Cite this document :
Martin R Roland. Un nouveau règlement de culte thasien. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 64-65, 1940. pp.
163-200.
doi : 10.3406/bch.1940.2666
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bch_0007-4217_1940_num_64_1_2666.
us
UN. NOUVEAU RÈGLEMENT DE CULTE THASIEN
(PL VIII)
Les fouilles complémentaires entreprises en mai-juin 1939 sur l'agora
de Thasos, outre les précisions qu'elles ont apportées sur le téménos de
Zeus Agoraios au Nord-Est, ont eu pour résultat de faire connaître, dans
l'aulè, les fondations de deux édifices : l'un est l'hérôon de L. César, identifié
tant par la dédicace de la cité que par le portrait de l'illustre fils
d'Auguste (1) ; l'autre est attribué à un héros proprement thasien,
Théogénès : hypothèse fondée sur le document que nous publions ici,
retrouvé à proximité de la fondation la plus méridionale (fig. 1 et 2).
Il s'agit d'un tronc à offrandes, un θησαυρός, dont la destination est
précisée par les deux règlements qu'il porte gravés sur ses flancs, ayant
trait tous deux au culte du héros Théogénès. Mais l'objet lui-même mérite
de retenir d'abord notre attention.
Ce tronc (pi. VIII et fig. 3) est de forme cylindrique. Mesurant 0 m. 73
de hauteur sur environ 0 m. 51 de diamètre, il est orné en haut et en bas
de deux moulures, quart de rond encadré d'un listel ; la moulure inférieure
s'élargit pour former la base et donner ainsi plus de stabilité à l'objet.
Les parois sont lisses, sans décoration autre que les inscriptions.
L'intérieur est creusé d'une cavité tronconique dont les diamètres,
supérieur et inférieur, sont respectivement de 0 m. 34 et de 0 m. 22, la
profondeur, de 0 m. 42. La disposition de l'orifice supérieur laisse supposer
l'existence d'un couvercle. En effet, les bords intérieurs de la cavité sont
taillés en un méplat, qui mesure 0 m. 035 de large, et par rapport auquel
la moulure marque un ressaut de 0 m. 02 ; immédiatement sous le listel
de bordure, un trou de mortaise est encore nettement visible ; il était
(1) BCH, LXIII, 1939, Chronique des fouilles, p. 320. Les circonstances n'ont pas encore
permis de donner un compte rendu plus détaillé du résultat de ces fouilles. 164 R. MARTIN
utilisé pour la fixation du système de fermeture. Malheureusement, en
l'absence d'un fragment quelconque du couvercle, il n'est pas possible de
déterminer le rôle exact de cette mortaise. L'ensemble devait être
recouvert, à juger par d'autres exemples, d'une lourde plaque, dont le
Fig. 1. Fig. 2. — Tronc à offrandes ;
Tronc à offrandes de Thasos. à droite, règlement de culte I.
seul poids pouvait mettre en sûreté le contenu du trésor contre les entre
prises des gens malintentionnés.
Le dispositif le plus curieux est l'orifice percé dans la paroi du θησαυρός,
destiné sans aucun doute à l'évacuation des pièces jetées dans le tronc.
Il comprend d'abord, en allant de l'extérieur vers l'intérieur, un évidement
de forme rectangulaire (0 m. 293x0 m. 155) dont l'enfoncement est
d'environ 0 m. 045, ensuite l'ouverture proprement dite qui débouche
dans le fond de la cavité intérieure ; elle est de forme sensiblement carrée
(0 m. 11 xO m. 12). Bien que les bords de l'évidement rectangulaire soient
très mutilés, ils permettent, cependant de restituer d'une façon approxi- UN NOUVEAU REGLEMENT DE CULTE THASIEN 165
mative le système de fermeture utilisé : une plaque, certainement en
métal, venait s'y encastrer; deux petites cavités de section carrée, l'une
sur la partie inférieure de l'évidement, l'autre sur la partie gauche,
constituaient des points d'appui pour la mise en place et la fermeture de
la plaque ; l'hypothèse d'une plaque mobile semble préférable à celle
d'une porte véritable, tour
nant sur des gonds. La
pierre en aurait au moins
conservé des traces à une
des extrémités de l'évid
ement rectangulaire où ils
apparaîtraient en haut et
en bas. Il n'en est rien. La
plaque, une fois placée
dans son logement, devait
être fixée par des clavettes
engagées dans des mort
aises. A la partie droite
de l'évidement, un trou
rectangulaire, taillé dans
le rebord même, offre le
logement nécessaire au
pêne d'une serrure ou de
quelque autre système de
fermeture avec clef, mode
de attesté pour
de nombreux θησαυροί (1).
Fig. 3. — Trésor de Théogénès (coupe). Une cassette était-elle
introduite dans le trou
carré ? Il ne semble pas. Il est plus probable que l'argent tombait
directement au fond et venait s'accumuler près de l'ouverture,
hypothèse 'que confirme la forme de plan incliné qui a été donnée
à la cavité intérieure. Le couvercle supérieur était certainement fixe ;
on retirait l'argent par l'orifice latéral. En dessous, la base porte le
trou d'un goujon circulaire par lequel le tronc était scellé sur un support.
(1) L'exemple le plus célèbre est celui du θησαυρός de l'Asclépieion de Cos qui a quatre clefs
confiées à quatre magistrats : R. Herzog, Heilige Gesetze von Kos, 37. Cf. l'existence de clefs à
Andanie, Syll2., 653, 1. 90 sqq. ; à Argos : BCH, XXXIII, 1909, 171 sqq, 11 sqq. 166 R. MARTIN
Ce tronc à offrandes est en un marbre blanc, à gros grains, dont l'émiet-
tement sous l'action de l'eau et de l'humidité est caractéristique des
marbres thasiens.
Quelle était la destination de ce θησαυρός ? L'étude des inscriptions ne
laissera aucun doute sur ce point. Il s'agit d'un tronc à offrandes, dans
Fig. 4. — Fondations en gneiss de l'édifice consacré à Théogénès.
lequel les fidèles glissaient l'obole exigée par le héros, avant tout sacrifice.
Mais les circonstances de la découverte permettent de préciser l'empla
cement et la destination de ce tronc.
Il a été trouvé à peu près au centre de l'agora, dans un amas de gros
blocs de marbre, systématiquement rassemblés en ce point dans un but
mal défini (1). Il semble que les constructions de l'agora thasienne furent
méthodiquement démantelées à une certaine époque et les matériaux pris
sur place ont été utilisés à la construction de ce que nous supposons être
un retranchement en rapport avec les fortifications génoises. Le trésor
(1) Peut-être faut-il voir là un ouvrage de retranchement, faisant partie de l'ensemble des
fortifications génoises qui ont bouleversé toute cette partie de l'agora. UN NOUVEAU RÈGLEMENT DE CULTE THASIEN 167
gisait entre les fondations de deux petits monuments qui occupaient le
centre de l'agora, parmi des matériaux provenant incontestablement de
ces fondations (1). L'une de ces fondations, la plus grande, a été identifiée
par la suite comme celle d'un hérôon consacré, à l'époque romaine, à
L. César, un des fils adoptifs d'Auguste. Le portrait du prince et la formule
de consécration, gravée sur un orthostate et retrouvée à proximité, rendent
certaine cette attribution (2). La seconde fondation, au sud de la première,
Fig. 5. — · Face Nord de la construction consacrée à Théogénès.
se présente comme un rectangle de 4 m. 37 sur 6 m. 14 (dimensions
extérieures).
Elle comprend d'abord, aux assises inférieures (fig. 4), de larges plaques
de gneiss, caractéristiques des constructions thasiennes de bonne époque
(grand portique Nord de l'agora, fin du ive siècle ou début du me,
et édifice C à l'Est, quelque peu antérieur) (3). Ces plaques portent des
lettres de marque qui · peuvent être datées de la même période. Vient
(1) Le tronc fut trouvé couché sur le flanc entre des orthostates que leurs dimensions
permettent d'attribuer avec certitude à la plus petite des fondations, au Sud.
(2) BCH, LXIII, 1939, Chronique des fouilles, p. 320.
(3)XLV, 1921, 95-97, et XLVII, 1923, 317-322. Cf. également l'emploi