Un rassemblement d intellectuels : la Ligue des droits de l homme - article ; n°4 ; vol.9, pg 995-1028
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Un rassemblement d'intellectuels : la Ligue des droits de l'homme - article ; n°4 ; vol.9, pg 995-1028

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Description

Revue française de science politique - Année 1959 - Volume 9 - Numéro 4 - Pages 995-1028
34 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1959
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Madame Monica Charlot
Monsieur Jean Charlot
Un rassemblement d'intellectuels : la Ligue des droits de
l'homme
In: Revue française de science politique, 9e année, n°4, 1959. pp. 995-1028.
Citer ce document / Cite this document :
Charlot Monica, Charlot Jean. Un rassemblement d'intellectuels : la Ligue des droits de l'homme. In: Revue française de
science politique, 9e année, n°4, 1959. pp. 995-1028.
doi : 10.3406/rfsp.1959.403037
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1959_num_9_4_403037UN RASSEMBLEMENT D'INTELLECTUELS
La Ligue des Droits de l'Homme
JEAN et MONICA CHARLOT
Née d'un drame judiciaire, de 1' « af-
faire \?ar excellence' 9ui
à^f LES ORIGINES (1898-1904) ser a \?1 « engagement » tant d f intellecP°us~
tuels, la Ligue des Droits de l'Homme
eut tôt fait de se trouver une doctrine qui la conduisit au delà du
cas Dreyfus, une clientèle à l'image de cette doctrine, une struc
ture, des lignes d'actions et des moyens d'application.
Il ne semble pas que Ludovic Trarieux ait prévu l'évolution
de l'association qu'il créa entre le 7 et le 25 février 1898. L'affaire
Dreyfus était à son paroxysme ; Zola passait en justice ; les bandes
nationalistes et antisémites semblaient régner dans la rue. C'est
alors que cet ancien ministre, sénateur et républicain, fort modéré,
eut l'idée d'une ligue de défense qui imposerait aux agitateurs le
respect des droits fondamentaux de l'individu. Le nom de cette
organisation devait être la « Ligue pour la Défense des Droits du
Citoyen ».
L'article premier des statuts, qu'il ébauche avec quelques amis
réunis à son domicile le 20 février 1898, précise qu'il s'agit des
« principes de liberté, d'égalité, de fraternité et de justice », énon
cés dans la Déclaration des Droits de l'Homme. A l'assemblée
générale constitutive, le 4 juin suivant, Trarieux résume la situa
tion telle qu'il la voit : d'un côté, les « principes fondamentaux
de la Déclaration des Droits de l'Homme, sur lesquels repose
depuis cent ans l'égalité de la patrie », et de l'autre les « menaces
sourdes de contre-révolution », qui les mettent en danger. Sa solu
tion ? L'union de « tous ceux qui, sans distinction de croyance rel
igieuse ou d'opinion politique ... sont convaincus que toutes les
995 et Monica Chariot Jean
formes d'arbitraire ou d'intolérance sont une menace de déchire
ments civils, une menace à la civilisation et au progrès 1... »
Trarieux n'envisageait donc pas, semble-t-il, d'utiliser la Ligue
comme instrument de progrès législatif, comme un moyen d'imposer
des réformes. Son seul objectif était de rétablir le respect d'un
code, de principes aussi vieux que la Révolution française, et qui
lui paraissaient à la fois essentiels et menacés. C'est ainsi qu'il
ne fait pas d'abord appel à des politiciens, mais à des personnal
ités du monde universitaire, plus aptes peut-être à saisir la ligne
d'action civique et morale qu'il cherche à définir. Le premier noyau
de la Ligue des Droits de l'Homme ne comprend pas un seul
homme politique, Trarieux excepté : il est composé de six membres
de l'Institut, d'un professeur et d'un médecin.
Plus tard, une fois son projet précisé, Trarieux devra adjoindre
à cette équipe des représentants du Parlement. Mais il aura soin
de les maintenir en minorité et de les choisir, autant qu'il était
possible en l'occurrence, du côté des modérés ou des opportun
istes ; le premier comité central, élu le 4 juin, compte en effet
sept politiciens contre treize universitaires et cinq « hommes de
lettres », sans compter trois « divers ». Le premier bureau enfin
sera à la ressemblance du groupe des fondateurs, avec Trarieux
comme seul professionnel de la politique au milieu de grands bour
geois et d'intellectuels libéraux.
L'action de cette Ligue des origines se limitera à l'objet que
lui a donné son fondateur : la défense des libertés menacées. Elle
ne se cantonne pas, en ce domaine, dans la lutte pour le capitaine
Dreyfus, lutte organisée toutefois à grands renforts de publica
tions et de réunions2. Dès le 4 juillet 1898, dans son premier manif
este, le comité central fait savoir que son aide et assistance s'éten
dra à « toute personne dont la liberté serait menacée ou dont
le droit serait violé » s.
En décembre, les conseils juridiques créés à cette fin par Tra
rieux ont déjà étudié plus d'une centaine de dossiers, et l'année
suivante ils en examineront près de 300 4. Par ailleurs la Ligue,
1. Article 3 du projet initial de statuts (février 1898), cité par H. Sée, dans
son Histoire de la Ligue des Droits de l'Homme.
2. En juin 1899, le trésorier de la Ligue annonce 168 000 francs de dons
destinés à diffuser la vérité sur l'Affaire.
3. Source : Mathias Morhardt, L'Œuvre de la Ligue des Droits de
l'Homme, Paris, 1911.
4. Source : de la Ligue des Droits de op. cit.
996 La Ligue des Droits de l'Homme
en 1899, demande à ses membres de se rendre au Grand Prix
d'Auteuil pour défendre le président Loubet et répondre aux pro
vocations nationalistes. A la veille des élections législatives de
1902 son bureau, laissant « à chacun le droit de marcher suivant
son état d'esprit avec tel ou tel parti », demande néanmoins à tous
« de toujours savoir reconnaître ... le terrain d'entente où tous
les vrais, les bons républicains doivent pouvoir se retrouver et unir
leurs forces défensives, quand il s'agit de repousser les attaques
du nationalisme » 5.
Ce sont toujours les passages de ce genre que citeront les suc
cesseurs de Trarieux — de Pressensé à Emile Kahn ou M. Daniel
Mayer — quand ils voudront justifier doctrinalement l'action de la
Ligue pour une réforme des lois ou des institutions existantes
— tentative que ni la lettre des textes, ni ce que nous savons de
l'action de Trarieux ne semblent justifier. Dans toutes les assem
blées générales qui auront lieu sous la présidence du fondateur
de la Ligue, jusqu'à sa retraite en 1903 et sa mort, le 13 mars 1904,
il n'est pas question une seule fois d'un programme de réformes
politiques ou sociales : le 15 juin 1899, l'assemblée envoie ses
hommages à Picquart, Scheurer-Kestner et Zola ; le 23 décembre,
elle proteste contre le projet de loi d'amnistie ; le 2 juin 1900, elle
rappelle que l'apaisement ne saurait intervenir contre l'esprit de
justice et fait appel à la compréhension du gouvernement sur ce
point; en 1901, elle proteste contre le retour offensif du natio
nalisme dans le monde entier ; en 1902, enfin, elle demande que
nul ne puisse être jugé sur des pièces dont il n'a pas eu connais
sance 6.
Il faut attendre le 30 mai 1903, c'est-à-dire la première assem
blée à laquelle Trarieux n'ait pas assisté, pour voir la Ligue éla
borer un programme de réforme, passer de la défense du droit
existant à la lutte pour un droit nouveau, en demandant la sépa
ration des Eglises et de l'Etat, la réforme de l'Assistance publique,
la suppression de la police des mœurs et des Conseils de guerre,
et la mise au point d'un statut de fonctionnaires.
Depuis 1902, Trarieux, vieillissant, perdait quelque peu le con
trôle sur la direction de la Ligue, le premier comité central s'étant
sensiblement modifié. En même temps que la France, la Ligue s'était
« radicalisée » ; Ferdinand Buisson et Paul Guieysse faisaient main
tenant partie de son directoire ; 53 ligueurs avaient été élus à la
5. Cité par E. Kahn, Congrès de 1918, p. 152.
6. Source : M. Morhardt, op. cit.
997 et Monica Chariot Jean
nouvelle Chambre... Le spectacle de l'Affaire aidant, Francis de
Pressensé, l'homme le mieux placé pour succéder à Trarieux, était
passé du Temps à L'Aurore, de la diplomatie à la deputation et
du conservatisme au socialisme... La pression sociologique avait
été plus forte que la volonté ou l'imagination de Trarieux et du
groupe initial, issu de l'Institut : dès lors qu'elle s'était fondée sur
l'affaire Dreyfus

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