Une cérémonie en l honneur des génies de la mine de sel de Ban Bo, Moyen Laos - article ; n°1 ; vol.48, pg 221-232
16 pages
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Une cérémonie en l'honneur des génies de la mine de sel de Ban Bo, Moyen Laos - article ; n°1 ; vol.48, pg 221-232

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Description

Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient - Année 1956 - Volume 48 - Numéro 1 - Pages 221-232
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1956
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Charles Archaimbault
IV. Une cérémonie en l'honneur des génies de la mine de sel de
Ban Bo, Moyen Laos
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 48 N°1, 1956. pp. 221-232.
Citer ce document / Cite this document :
Archaimbault Charles. IV. Une cérémonie en l'honneur des génies de la mine de sel de Ban Bo, Moyen Laos. In: Bulletin de
l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 48 N°1, 1956. pp. 221-232.
doi : 10.3406/befeo.1956.1289
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1956_num_48_1_1289UNE CÉRÉMONIE EN L'HONNEUR
DES GÉNIES DE LA MINE DE SEL
DE BAN ВО (MOYEN LAOS)
(CONTRIBUTION
À L'ÉTUDE DU JEU DE Tl-K'l)
par
Charles ARCHAIMBAULT
Membre de l'École Française d'Extrême-Orient
Le sel, richesse naturelle du Laos, est l'objet d'un commerce intérieur intense.
Acheminé par le fleuve ou par voie terrestre, livré sur les marchés de la haute région
ou dans les villages des Bolovens, il constitue une monnaie d'échange entre com
merçants laotiens et trafiquants aborigènes.
Le sel, en effet, n'est pas seulement d'un usage alimentaire, il possède égal
ement une vertu prophylactique et joue de ce fait un grand rôle dans les cérémonies
laotiennes ou Kha^\
Dans le Moyen-Laos, à soixante kilomètres au Nord de Vientiane, près du village
de Ban Keun, à Ban Во, un grand nombre de puits salins se découpent dans le
sol comme à l'emporte-pièce. Ces puits alimentés par des nappes d'eau salée sont
surmontés d'un échafaudage de bambous : pompes (2) et canalisations qui déversent
un liquide verdâtre et épais dans d'immenses chaudières. Après ebullition et eva
poration de l'eau, le sel est recueilli et empaqueté au village. Sur une eminence,
dominant le sol criblé de trous, se dresse une maison sur pilotis, le к Но Во jj,
la demeure des génies de la saline.
(4 On l'emploie entre autres, dans les rites d'accouchement, d'inauguration de maison, dans
la cérémonie du Grand Serment et du «Bun Pavet» pour écarter les mauvaises influences ou assu
rer la prospérité.
<2' A l'échafaudage qui domine le puits est fixé un levier (k'andid = к levier ressort») dont
l'extrémité inférieure est maintenue au sol. L'autre extrémité comporte un piston qui joue dans
un gros tube de bambou immergé dans le puits. La tête de ce piston est recouverte d'une rondelle
en peau de buffle qui en se resserrant ou en se dilatant, selon les mouvements du levier, permet
la montée de l'eau dans le tube. L'eau déborde et captée par une gouttière, s'écoule dans un grand
bassin.
BEFEO, XLV1U-1 . 1Û ■
222 CHARLES ARCHAIMBAULT
Fortement hiérarchisés comme tous les génies laotiens, ces esprits forment une
société dont la structure quoique schématique reflète fidèlement celle de l'ancienne
administration royale : à la tête préside Cao P'a Satťong, le monarque des Génies
du sel. Sous ses ordres servent directement le vice-roi P'ia Ong et son adjoint
P'ia 0. Ces dignitaires transmettent les ordres royaux aux deux chefs de et Marche » :
Ai Dan S'ai et Ai Dan K'ua. Les «hautes œuvres » enfin sont confiées aux bourreaux
Bak Ham et Bak K'am.
Anciennement propriété de Cao P'a Satťong, les puits sont l'objet de nombreux
interdits dont la violation entraîne une sanction de la part des génies. C'est ainsi
qu'il est défendu d'entrer à cheval dans la saline sous peine d'être frappé d'hémo-
ptysies et de voir sa monture s'abattre sous soi, raide morte. Si on se penche au-
dessus d'un puits, il faut prendre soin de n'avoir point la tête couverte. Les jours
fériés, c'est-à-dire les derniers jours de chaque quartier de lune, il est interdit
d'aller chercher du bois de chauffage aux alentours des puits sous peine de faire
diminuer la teneur de la nappe salée ^. En cas de violation fréquente des rites
de la part des villageois, les bourreaux des génies revêtent l'apparence d'un tigre
et viennent rôder dans le village. Les habitants recourent alors au «cam», c'est-
à-dire au maître du rituel chargé du soin de l'autel des esprits. Ce dernier se rend
au « Но Во ri avec une coupe d'offrandes (2) contenant des fleurs rouges, des cierges,
des cornets de feuille de bananier. Il allume deux cierges sur le reposoir de l'autel,
se prosterne et levant sa coupe à la hauteur du front il dit : «Nous avons péché,
c'est certain, mais nous reconnaissons votre puissance, nous faisons notre sou
mission. Nous vous prions de lever la sanction; que tout rentre dans l'ordre!».
Le jour même le tigre disparaît.
Le sel étant doué de valeur religieuse et considéré comme la propriété de cer
tains génies, son extraction met en jeu des techniques rituelles ^K Actuellement
le troisième jour de la lune croissante du troisième mois, les sauniers célèbrent
en l'honneur des génies le Boun Tëtô Ti-K'i, «la fête du jeu de Tëtô et de
Ti-K'i». La veille de la cérémonie, les villageois construisent à l'Est du village,
sur un emplacement traditionnellement consacré, un petit autel temporaire.
La construction érigée, une délégation composée du maître du rituel, de son
adjoint nommé le Khun San («le magistrat»), d'un porteur de gong et de
quelques notables se rend au grand autel des génies. Une fois arrivé, le
préposé aux rites monte dans l'autel, dépose sous le reposoir le Khan K'ai,
coupe d'invitation contenant le Tëtô, balle de rotin qu'il a lui-même tressée,
une bouteille d'alcool, deux cierges, des fleurs rouges. Il allume un cierge
ť1) Aymonier a noté des interdits semblables à Siphoum au Siam : et Sur les lieux, les sauniers
doivent s'abstenir de tous rapports sexuels, de couvrir ou de ceindre leur tête ou même de l'abriter
sous un parasol, sous un parapluie. Le et Во я ou puits ne doit être traversé ni à pied, ni à cheval
ni en voiture» [Notes sur le Laos, i885, p. 1Л1).
A Ban Keun outre les interdits déjà cités, il est expressément défendu de faire du bruit près
de l'autel des génies. Cao P'a Satťong estimant que la musique est un bruit comme un autre,
rendit malades une année des joueurs de khen qui avaient cru bon de participer à la cérémonie
du к Bun Tëtô Ti-K'i ». Seuls, les joueurs de gongs sont tolérés. Autrefois, lorsqu'on employait
le bambou comme bois de chauffe pour alimenter les foyers de la saline, si quelque bambou écla
tait sous l'action de la chaleur, le responsable devait donner au maître du rituel trois kilos de sel.
Le cam réservait la somme de ce sel pour l'entretien du Ho.
(2) Cette coupe porte le nom de Khanha (rcoupe cinq?;) car elle contient cinq paires de cierges.
(3) Depuis une dizaine d'années, c'est-à-dire depuis l'exploitation intensive de la saline, l'extrac
tion commence dès le douzième mois, sans tenir compte des rites. Autrefois, les travaux du sel
ne pouvaient commencer avant la cérémonie du Tëtô Ti-K'i. UNE CEREMONIE EN L'HONNEUR DES GÉNIES 223
sur l'autel, en fixe un autre sur la coupe et, après s'être prosterné trois fois, mur
mure : «J'ai l'honneur de vous inviter à assister au rite annuel du Tetô Ti-K'i.
Que vos frères viennent également ! Protégez-nous, Seigneur, de façon à ce que
nous demeurions en bonne santé !». Après avoir proféré cette formule d'invitation,
il tend à son adjoint un matelas et un petit oreiller : la couche du chef des génies,
une carafe d'eau et un nécessaire à chiquer. Quant à lui, il porte précieusement
la coupe contenant alcool, balle et offrandes. Le cortège s'ébranle alors, au son du
gong et se dirige vers l'autel temporaire où le maître du rituel et son aide déposent
les objets sacrés. Le čam fixe alors sur l'autel et sur la coupe un cierge allumé, il se
prosterne, puis récite : ce Maintenant, nous allons procéder en votre honneur au
jeu de Tetô Ti-K'i ainsi que nous l'assigne le rite annuel. Nous vous demandons
de nous maintenir en bonne santé. Que nous n'attrapions pas mal aux pieds ni
aux ongles! Protégez tous les habitants, tous les commerçants!». Dans le pavillon
minia

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