Utilisation de mousse comme dégraissant dans des céramiques néolithiques de France et de Belgique - article ; n°4 ; vol.99, pg 775-783

Claude Constantin, Wim Wimj.Kuijper

Description

Bulletin de la Société préhistorique française - Année 2002 - Volume 99 - Numéro 4 - Pages 775-783
Un dégraissant végétal très utilisé en France et en Belgique principalement dans les cultures d'épi-Roessen et de Michelsberg a été identifié. Il s'agit d'un mélange de mousses constitué principalement de Neckera crispa Hedw. Son emploi expérimental a permis de confirmer les observations faites sur le matériel archéologique. La mise en place d'une séquence de cultures successives utilisant ce matériau, souvent en association avec un autre dégraissant constitué de silex éclaté au feu, est discutée. Ceci est l'occasion de souligner la signification culturelle des dégraissants en général.
A plant temper commonly used in France and Belgium in the Epi-Rössen and Michelsberg cultures has been identified. This is a mixture of moss mainly composed of Neckera crispa Hedw. Its experimental use has confirmed observations made on archaeological finds. The sequence of successive cultures using this temper, often in association with another temper consisting of fire-splintered flint, is discussed. The article provides an opportunity to underline the cultural significance of tempering materials in general.
9 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: BULLETIN_DE_LA_SOCIETE_PREHISTORIQUE_FRANCAISE
• Publié le: 01 janvier 2002
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Extrait

Claude Constantin
Wim J. Kuijper
Utilisation de mousse comme dégraissant dans des céramiques
néolithiques de France et de Belgique
In: Bulletin de la Société préhistorique française. 2002, tome 99, N. 4. pp. 775-783.
Résumé
Un dégraissant végétal très utilisé en France et en Belgique principalement dans les cultures d'épi-Roessen et de Michelsberg a
été identifié. Il s'agit d'un mélange de mousses constitué de Neckera crispa Hedw. Son emploi expérimental a
permis de confirmer les observations faites sur le matériel archéologique. La mise en place d'une séquence de cultures
successives utilisant ce matériau, souvent en association avec un autre dégraissant constitué de silex éclaté au feu, est discutée.
Ceci est l'occasion de souligner la signification culturelle des dégraissants en général.
Abstract
A plant temper commonly used in France and Belgium in the Epi-Rössen and Michelsberg cultures has been identified. This is a
mixture of moss mainly composed of Neckera crispa Hedw. Its experimental use has confirmed observations made on
archaeological finds. The sequence of successive cultures using this temper, often in association with another temper consisting
of fire-splintered flint, is discussed. The article provides an opportunity to underline the cultural significance of tempering materials
in general.
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Constantin Claude, Kuijper Wim J. Utilisation de mousse comme dégraissant dans des céramiques néolithiques de France et de
Belgique. In: Bulletin de la Société préhistorique française. 2002, tome 99, N. 4. pp. 775-783.
doi : 10.3406/bspf.2002.12756
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bspf_0249-7638_2002_num_99_4_12756Utilisation de mousse
comme dégraissant dans
des céramiques néolithiques
Claude CONSTANTIN,
Wim J. KUIJPER de France et de Belgique
Résumé dans le successives de dégraissant Son Un d'un matériel souligner emploi mélange les cultures archéologique. expérimental constitué utilisant la de végétal signification mousses d'épi-Roessen de ce très silex matériau, constitué a permis utilisé La culturelle éclaté mise et en principalement de souvent au en France confirmer Michelsberg feu, des place dégraissants est en et discutée. d'une en association les Belgique de a observations Neckera séquence été Ceci en identifié. principalement général. avec est crispa de l'occasion faites un Il cultures Hedw. s'agit autre sur
Abstract
A plant temper commonly used in France and Belgium in the Epi-Rossen
and Michelsberg cultures has been identified. This is a mixture of moss
mainly composed o/'Neckera crispa Hedw. Its experimental use has confi
rmed observations made on archaeological finds. The sequence of successive
cultures using this temper, often in association with another temper consis
ting of fire-splintered flint, is discussed. The article provides an opportunity
to underline the cultural significance of tempering materials in general.
Peu de temps après la découverte des structures épi- Ces empreintes (fig. 1) se présentaient en surface des
Roessen de Berry-au-Bac (Démoule et Ilett, 1978), tessons sous forme de fins tirets rectilignes en creux
étudiant leur matériel céramique, Jérôme Dubouloz d'un diamètre inférieur à 1 mm et d'une longueur qui
remarquait la présence de fines empreintes rectilignes est souvent de l'ordre de 4 à 6 mm. Il s'agissait à
à la surface des tessons. Sur son insistance, il fallait se l'évidence d'un fin dégraissant organique, d'origine
rendre à l'évidence qu'il ne s'agissait pas d'un phé animale ou végétale, dont la combustion, au cours de
nomène accidentel affectant quelques morceaux de vase la cuisson des vases, ne laissait qu'une empreinte en
mais d'une caractéristique du matériau propre à la creux.
Les années qui ont suivi ont vu la mise évidence du majeure partie de la céramique (Dubouloz et al., 1982).
Le même chercheur remarquait la présence des mêmes même dégraissant sur de nombreux sites en même
empreintes sur le matériel céramique du site épi- temps que nous nous efforcions de l'identifier avec
Roessen de Givry (Dubouloz, 1988; Tabary-Picavet, l'aide de différents chercheurs. Cette identification ne
1978). Nous mettions nous-mêmes en évidence le même devait être finalement acquise qu'en 1991.
type de traces sur un tesson de la même culture du site
de Catenoy (Courtois et Constantin, 1984), et sur la ^IDENTIFICATION quasi-totalité de la céramique Michelsberg du site belge DU MGRAISSANT^VÉGÉTAL de Blicquy (Constantin et al., 1984), qu'il était imposs
ible de ne pas rapprocher du "fin dégraissant végétal " Dès le départ, la nature végétale ou animale du dégrais
déjà mis en évidence par différents chercheurs sur sant utilisé était incertaine et sa finesse (en 0.2 à
0.3 mm le plus souvent) pouvait laisser penser qu'il d'autres sites Michelsberg de Belgique (cf. annexe 1).
Bulletin de la Société préhistorique française 2002. tome 99. n° 4, p. 775-783 776 Claude CONSTANTIN, Wim J. KUIJPER
Fig. 1 — Empreintes en surface d'un tesson de Blicquy (la Couture du
Couvent).
s'agissait de crin animal (dont la longueur assez stan - Berry-au-Bac (la Croix Maigret) (5 tessons) : Nec
dardisée restait alors à expliquer). De ce fait on a parlé kera crispa ;
de "poils", appellation qui est devenue courante pour - Amigny-Rouy (Naze, 1989) (7 tessons) : Neckera
crispa composant principal associé à Tortula spec. les nouvelles découvertes.
Concernant une possible origine végétale, de nomb et à Fissidens dubius P. Beauv. ;
reuses possibilités se présentaient également de tiges - Blicquy (2 tessons) : Neckera crispa.
de petit calibre, par exemple duvet de fleurs de massette,
efflorescences diverses et c'est évidemment vers des Par ailleurs Madame Suzanne Jovet, professeur au
spécialistes de botanique que nous nous sommes tournés. Muséum d'histoire naturelle et directrice du laboratoire
Un certain nombre de propositions d'identification ne de cryptogamie, a bien voulu effectuer des coupes
résistèrent pas à un examen critique. C'est ainsi que si histologiques sur les petites tiges carbonisées extraites
les barbes des épis de céréales présentaient bien le des tessons. Les cellules présentent la même structure
diamètre observé, l'absence de balle de céréale dans longitudinale et ont des diamètres du ordre de
les tessons et surtout la présence d'embranchements sur grandeur que celles d'échantillons de Neckera crispa
des fragments carbonisés qu'il était possible d'extraire provenant de l'herbier du Muséum. Une différence
du cœur de certains tessons ne permettaient pas d'envi cependant, la présence de petits pores intercellulaires
sager leur emploi. dans les tiges archéologiques, peut-être une consé
Finalement, après que l'identification comme mousse quence de la carbonisation.
a été acquise à partir de la morphologie des petites tiges Neckera crispa est une espèce largement répandue qui
par WJ. Kuijper, il restait encore à identifier l'espèce, pousse dans des endroits humides et ombragés, souvent
ce qui n'était possible qu'à partir des feuilles. Or, d'une en forêt ou dans des zones de montagne, ou bien sur
part, comme on le verra ci-dessous, la quasi-totalité des des troncs d'arbre à feuilles caduques plutôt âgés ou
feuilles se détachent au cours de la préparation du bien sur des roches calcaires (Kuijper, 2000).
dégraissant à partir de mousse sèche et du malaxage
de la pâte argileuse et, d'autre part, les petites feuilles EXPÉRIMENTATION (taille inférieure à 1 mm) ont des formes qui ne s'ind
ividualisent pas avec netteté dans la matière argileuse Nous avons effectué une expérimentation dont le prin
hétérogène des tessons. C'est finalement le Dr. H. cipal objectif était de comprendre les différences nota
During (Department of Plant Ecology and Evolutionary bles d'aspect entre d'une part la mousse Neckera crispa
Biology, Universiteit Utrecht, Pays-Bas) qui devait récoltée en milieu naturel (fig. 3) et le dégraissant
isoler et identifier les feuilles ondulées caractéristiques visible en surface des tessons sous la forme de fines et
de l'espèce très dominante présente dans le dégrais courtes empreintes.
sant : Neckera crispa H