Variations discursives - article ; n°70 ; vol.18, pg 15-33
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Description

Langages - Année 1983 - Volume 18 - Numéro 70 - Pages 15-33
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 100
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Catherine Fuchs
Variations discursives
In: Langages, 18e année, n°70, 1983. pp. 15-33.
Citer ce document / Cite this document :
Fuchs Catherine. Variations discursives. In: Langages, 18e année, n°70, 1983. pp. 15-33.
doi : 10.3406/lgge.1983.1150
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1983_num_18_70_1150Catherine FUCHS
C.N.R.S.
VARIATIONS DISCURSIVES
II est bien connu que l'accès aux processus constitutifs de la « mise en dis
cours » ne saurait jamais être qu'indirect : les mécanismes de la production
des discours ne se laissent entrevoir qu'à travers l'analyse des produits finis,
les eux-mêmes, c'est-à-dire à un processus de lecture,
d'interprétation.
Dans certaines situations privilégiées, il est possible d'appréhender quel
ques aspects des mécanismes discursifs. L'une de ces situations est la com
paraison de plusieurs textes racontant un même événement : variations sur
un thème, sinon strictes paraphrases, de tels textes sont indissolublement
apparentés et dissemblables ; c'est précisément à travers ce jeu complexe des
ressemblances et des différences que se laissent deviner, en creux, les méca
nismes d'une mise en discours diversifiée à partir d'un même événement
extralinguistique à relater.
Nous avons choisi ici de comparer trois articles de quotidiens français
{Le Figaro (F), L'Humanité (H) et France-Soir (FS)) relatant, en date du
16.6.71, un même fait divers : le cambriolage de bijoux et d'argent dans
l'appartement parisien d'un couple d'américains 1. Ces textes se trouvent
reproduits en annexe.
Nous ne prétendons pas effectuer une analyse exhaustive de ces textes ;
notre objectif est plus limité : il s'agit de recenser, à travers la comparaison
des trois articles, les principaux lieux où se laissent deviner et reconstruire
(hypothétiquement) les mécanismes de la mise en discours.
Le lecteur s'apercevra très vite que nous ne cherchons pas à prôner de
méthode linguistique précise. Nous pensons en effet que la linguistique n'est
pas véritablement en mesure à l'heure actuelle de proposer une ou des
méthode(s) systématique(s) d'analyse de discours qui réponde(nt) à la ques
tion posée ici : elle peut, au mieux, fournir certains instruments d'analyse
pour l'étude d'un point particulier.
1. Ces textes ont déjà analysés par M. Callamand et F. Firmin (« Analyse d'un fait
divers », Le Français dans le Monde, 89, juin 1972, p. 16-24) dans une optique d'applications
pédagogiques. Notre propos est ici tout différent.
15 fil conducteur sera la recherche des points de convergence et de Notre
divergence entre les trois articles ; et notre point de départ la tentative naïve
de restituer l'événement originel à partir des informations convergentes don
nées par les articles : c'est l'attitude spontanée du lecteur « de bon sens »
cherchant à se faire une idée sur « ce qui s'est réellement passé ». Une telle
lecture repose, nous essaierons de le montrer, sur une conception réductrice
des textes et de leur production (approche informationnelle et
référentialiste), ainsi que sur une méconnaissance des processus interprétat
ifs qu'elle met nécessairement en œuvre, en tant que lecture. Mais, para
doxalement, ce sont ces limites qui nous paraissent éclairantes : en exami
nant cette lecture, nous verrons en effet que ce qu'elle laisse de côté est
essentiel pour la recherche des processus constitutifs de la mise en discours.
Les points aveugles de cette première lecture touchent à ce qui fait la spécif
icité irréductible de chaque texte.
1. Comparaison des données factuelles : la sélection des éléments de
contenu
Considérons tout d'abord le point de départ évoqué ci-dessus, c'est-à-dire la
lecture qui consiste à procéder à une sorte de « mise à plat » référentialiste
des trois textes, afin de mettre en regard les éléments de contenu des trois
versions et de relever les points d'accord et de désaccord.
Une comparaison systématique des trois textes permet de voir que certai
nes données factuelles se retrouvent dans les trois textes, d'autres seulement
dans deux, d'autres enfin ne sont mentionnées que dans un seul des articles.
Comment établir les convergences et divergences ? Comment les interpré
ter ?
Résumons l'événement schématiquement de la façon suivante : « X vole
Y à Z, en un lieu L et un temps T, en présence de W, et dans des circons
tances С ». Considérons à présent les différents cas de figures rencontrés.
1.1. Identité informative.
Il est clair que, du point de vue informatif qui est considéré ici, et
compte non tenu des moyens d'expression, il y a identité lorsque l'on
retrouve la même donnée factuelle dans plusieurs textes. Ainsi, par exemple,
les trois articles s'accordent-ils sur les faits suivants :
X est un homme ; X a volé Y = bijoux et argent ; Y appartenait à Z =
Reynolds (M. ou M. et Mme. : sur ce point, cf. infra, § 2.1.) ; Z a 66 ans ;
L = Paris, 8, avenue du Pt Wilson ; T = mardi soir ; Z était absent ;
W = Rafaëla Martinez, 32 ans, employée, était présente ; X est entré ; X a
demandé à W l'emplacement de Y ; X a trouvé Y ; W a été ligotée ; Z est
rentré ; la police a été mise au courant.
D'autres données sont communes à au moins deux versions. Exemples :
X avait le visage dissimulé (F et FS) ; X était armé (F et H) ; Y était con-
16 tenu dans des mallettes (F et H) ; bijoux = 3 300 000 francs (F et H) ;
argent = 55 000 francs (F et H) ; Z est retraité (F et H) ; Z =
banquier/administrateur de sociétés bancaires (H et FS)/Z =
industriel/administrateur de industrielles (F et H) ; Z réside en
dehors de l'été aux Bahamas (F et FS)/ à Miami (F et H) ; L = 8e arron
dissement de Paris (F et FS) ; T = 22 h 30 (H et FS) ; X est entré par les
toits (H et FS)/ par la terrasse (F et H) ; il y a eu bris de vitre(s) (F et H) ;
Y se trouvait dans la chambre des Reynolds (F et FS) ; W a été ligotée et
bâillonnée sur le lit des Reynods (F et H) ; X est reparti par la terrasse (F
et H) ; Z est rentré à 2 h (F et H).
Enfin, certaines données ne se trouvent que dans une seule version.
Ainsi :
âge de X = 35-38 ans (F) ; cheveux de X grisonnants (F) ; vêtements de X
= veste bleue, pantalon gris (F) ; bijoux = rubis, diamants, émeraudes,
colliers de perles fines (H) ; Z réside en dehors de l'été à Richmond (F) ;
Z = américain (H) ; Z = ancien administrateur de compagnies d'assuran
ces (H) ; L = 16e arrondissement de Paris (H) ; L = 8e étage (F) ; T =
23 h. (F) ; W au service des Reynolds depuis deux mois (F) ; coup de fil de
X à W (FS) ; arrivée de X par porte du garage de l'immeuble, puis ascen
seur jusqu'à la terrasse (F) ; sévices de X sur W (FS) ; Y se trouvait dans le
boudoir (H) ; X ligote W aVec une pelote de ficelle (F) ; X sort par un
autre fenêtre (H) ; Z rentre à 1 h 30 (FS) ; les Reynolds alertent la police à
leur retour (FS) ; Z dépose une plainte au commissariat le lendemain (F).
Première constatation : le nombre des faits sur lesquels les trois versions
s'accordent est mince, au regard du nombre d'informations données dans
ces textes.
Seconde constatation : si certaines identités informatives sont évidentes
(même lexemes, ou lexemes synonymes ; constructions identiques), en
revanche d'autres cas sont plus complexes, en particulier les cas des
données factuelles implicites, qui ne sont pas explicitement avancées dans le
texte, mais qui se laissent reconstituer à partir de ce qui est dit. Exemples :
— dans H, l'absence de Reynolds se laisse reconstituer à partir de lorsque,
au retour d'une grande réception, il rentrait ;
— de même, toujours dans H, la présence de Martinez au moment du vol
se laisse reconstituer à partir de il (= Z) découvrait la femme de
chambre... ;
— dans FS, on infère que X a pris le butin, à partir du moment où l'on
sait qu'il le découvrit ;
— toujours dans FS, le retour de Reynolds est impliqué par ce n'est que
trois heures plus tard que M. et Mme R. découvraient, leur femme de
ménage ;
— enfin, dans H, la mise au courant de la police reste implicite, on la
déduit de la pr

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