Vinaya et droit laïque. Etudes sur les conflits de la loi religieuse et de la loi laïque dans l Indochine hinayaniste - article ; n°1 ; vol.37, pg 415-477
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Vinaya et droit laïque. Etudes sur les conflits de la loi religieuse et de la loi laïque dans l'Indochine hinayaniste - article ; n°1 ; vol.37, pg 415-477

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Description

Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient - Année 1937 - Volume 37 - Numéro 1 - Pages 415-477
63 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1937
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Extrait

Robert Lingat
Vinaya et droit laïque. Etudes sur les conflits de la loi religieuse
et de la loi laïque dans l'Indochine hinayaniste
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 37, 1937. pp. 415-477.
Citer ce document / Cite this document :
Lingat Robert. Vinaya et droit laïque. Etudes sur les conflits de la loi religieuse et de la loi laïque dans l'Indochine hinayaniste.
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 37, 1937. pp. 415-477.
doi : 10.3406/befeo.1937.5359
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1937_num_37_1_5359ET DROIT LAÏQUE VINAYA
Etudes sur les conflits de la loi religieuse et de la loi laïque
dans l'Indochine hinayaniste.
par Robert LINGAT
Conseiller auprès des tribunaux siamois.
Membre correspondant de l'Ecole Française d'Extrême-Orient,
i. Le mariage du bhikk.hu.
Le premier acte du bouddhiste qui désire entrer dans les ordres est le
« départ de la maison », c'est-à-dire l'abandon de son foyer et de ses biens.
Cet abandon constitue une rupture unilatérale des liens sociaux et crée une
situation de fait qui, comme toutes les situations de ce genre, soulève de
graves difficultés juridiques. Deux questions se posent, entre autres, <^ui
sont particulièrement délicates : Quel va être le sort du mariage contracté
par celui qui se fait ordonner bhikkhu ? Quel va être le sort des biens qu'il
abandonne ? A ces questions, c'est à la société seule qu'il appartient de
répondre, et généralement, elle répondra en assimilant le fait à d'autres faits
juiidiquement voisins. Ainsi, selon les possibilités de sa législation et ses
réactions à l'égard du monachisme bouddhique, la société sera portée à
considérer le mariage comme dissous et à voir dans la pabbajjâ soit une
répudiation, soit une cause de divorce, ou à tenir le mariage pour subsistant
provisoirement et à ramener la pabbajjâ au cas de l'absence ou de la dis
parition. La société peut encore estimer qu'il n'y a rien de changé, légale
ment, dans les rapports entre les deux époux et se refuser à voir dans la
pabbajjâ autre chose qu'un pur fait sans couleur juridique. Suivant le point
de vue auquel on se sera arrêté, des conséquences variables s'ensuivront,
notamment quant au droit pour le mari, une fois défroqué, d'imposer à la
femme le retour à la vie commune etquant aux conditions auxquelles la femme
sera admise à contracter un nouveau mariage. Le problème reste, pour ainsi
dire, extérieur au religieux, et la solution adoptée, quelle qu'elle soit,
n'apporte, en principe, aucun changement dans son état, pas plus qu'on ne
peut y voir une immixtion dans la vie intérieure de l'ordre. Mais on pressent
qu'en fait elle ne le laissera pas absolument indifférent et qu'elle pourra, au
contraire, influer en quelque mesure sur sa vocation, soit après, soit avant
l'ordination. Un problème analogue se présente pour les biens de celui qui
se fait religieux. Le fait de la pabbajjâ en lui-même n'anéantit pas le droit
de propriété. Le sort des biens abandonnés va dépendre, en définitive, de la
coutume sociale et de l'aptitude qu'aura celle-ci à faire rentrer la pabbajjâ
dans une institution juridique préexistante.
On se propose d'étudier les solutions que ces deux problèmes ont reçues
dans le droit positif des sociétés hinayanistes de l'Indochine et particulière- "
416 Robert Lingat
ment au Siam. Leur diversité suivant les temps et les milieux, les flottements
et les contradictions du législateur et du juge devant les décisions à rendre
nous montreront combien ces problèmes sont malaisés à résoudre, dès lors
qu'il s'agit, comme c'est ici le cas, de sociétés très favorables au bouddhisme,
c'est-à-dire bien déterminées à comprendre la pabbajjâ comme les religieux
la comprennent eux-mêmes.
Bien que la question du sort du mariage après la pabbajjâ et celle du
sort du patrimoine soient naturellement connexes, il a paru préférable, pour
la clarté de la discussion, de les étudier séparément. On examinera d'abord
la première, parce qu'elle est, à bien des égards, la moins compliquée, et
qu'on pourra ainsi aborder directement les difficultés propres à la seconde.
Dans l'Inde ancienne, où le mariage esten principe indissoluble, la pab
bajjâ ne pouvait, semble-t-il, engendrer qu'une séparation de fait, sans
caractère juridique spécial. Quand la veuve elle-même n'est pas admise à
contracter un second mariage au sens strict de ce mot (*), il est évident que
le « départ » du mari ne peut pas rendre sa liberté à la femme abandonnée.
Elle reste légalement la femme du religieux. Autre est la question de-savoir
si elle est tenue du devoir de fidélité, et si, à défaut d'un mariage régulier
désormais impossible, elle peut, comme les veuves, entrer en concubinage,
conditioi discréditée sans doute, mais tenue pour légale, au moins par certains
auteurs. Les smrti admettent que la fenme de celui qui s'est fait religieux
mendiant peut contracter un second mariage, vraisemblablement d'une nature
inférieure et productif d'elle ts légaux moins complets que le mariage propreque' ment dit- Mais il paraît douteux cette solution puisse s'appliquer à la
femme du religieux bouddhiste. La pravrajyâ brahmanique, en effet, en dépit
d'une correspondance évidente au point de vue religieux, diffère profondé
ment de l'institution bouddhique du même nom et il paraît impossible, sans
faire violence à celle-ci, d'y attacher les effets reconnus à la première. La
pravrajyâ est une véritable mort civile qui rompt définitivement toute attache
avec le monde laïque, et la loi, sans le restituer dans son ancienne condition,
punit sévèrement l'ermite ou le mendiant qui rompt ses vœux (2). Au con
traire, l'ordination bouddhique ne conduit pas à un état définitif, le mendiant
bouddhiste peut toujours et sans déshonneur retourner à la vie mondaine, et
ce caractère .révocable des vœux est de l'essence même du monachisme
bouddhique, une condition indispensable à l'efficacité de la vocation. Consi-
(1) Que la condition de la veuve. aux temps bouddhiques ait bien été celle que nous
connaissons par les smrti brahmaniques, cela résulte des stances où Maddï. dans le
Vessantarajataka, exprime sa résolution de suivre son mari dans la forêt (E. B. Cowell,
The Jàtaka, VI, p. 263). : ' -
(2) Nàrada, V. 35; Visnu, V, 152 ; Mayne, Hindu Law and Usage, f édit., p. 8oi
et 816. -. VlNAYA ET DROIT LAÏQUE 417
dérer le mariage comme dissous ou seulement meiiacé, c'est faire peser sur
la volonté de celui qui va se faire ou s'est fait bhikkhu, une contrainte incomp
atible avec le but de l'ordination bouddhique qui est, non pas d'enfermer le
religieux dans sa résolution une fois prise, mais de l'amener progressivement
au renoncement définitif. C'est seulement après que l'expérience a confirmé
sa volonté, après qu'il est parvenu à l'état d'arhat, qu'on peut considérer ses
attaches avec le monde comme irrévocablement rompues, et que la société peut
traiter la femme abandonnée comme une veuve, ou comme h femme d'un
ermite. A la rigueur, on concevrait que la coutume eût introduit une période
de probation pendant laquelle le sort du mariage aurait été laissé en suspens,
à l'imitation des périodes prévues par la loi pour le cas d'absence prolongée
ол pour le cas de départ motivé par un devoir pieux. Mais on ne trouve
aucune indication qu'un tel système ait été pratiqué dans l'Inde. Au contraire,
nombre de ré-its dans la littérature bouddhique font penser que la femme,
séparée de fait, n'obtenait jamais la permission de se remarier. On y voit les
femmes délaissées essayer toutes les ruses et tous les moyens de séduction
pour arracher leurs maris à la vie religieuse. La femme de Punnamâsa à la
mort de leur unique enfant, vient supplier son mari de revenir avec'elle, pour
éviter que leurs biens, faute d'héritier, n'aillent au roi (1). Plus entreprenantes,
les femmes de Cullakâla profitent d'une visite que leu

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