Voyageurs anglais en France (1590-1610) - article ; n°1 ; vol.60, pg 75-87
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Description

Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance - Année 2005 - Volume 60 - Numéro 1 - Pages 75-87
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michel Bideaux
Voyageurs anglais en France (1590-1610)
In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°60, 2005. pp. 75-87.
Citer ce document / Cite this document :
Bideaux Michel. Voyageurs anglais en France (1590-1610). In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et
la renaissance. N°60, 2005. pp. 75-87.
doi : 10.3406/rhren.2005.2700
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhren_0181-6799_2005_num_60_1_2700Voyageurs anglais en France (1590-1610)
A la charnière de deux siècles, en moins d'une vingtaine d'années,
quatre voyageurs anglais visitent la France; mais elle n'est pas le but
exclusif d'un déplacement au cours duquel ils auront aussi découvert
l'Italie. La tradition britannique du Grand Tour n'est pas encore établie et
on perçoit, dans les quatre relations que nous allons considérer, un implic
ite pesant: la comparaison entre la France et l'Italie1. Quelle image nos
quatre témoins donnent-ils du royaume d'Henri IV2?
Quatre voyageurs
John Eliot publie à son retour de France The Survay or topographical
Description of France: [...] collected out of sundry approved Authors: very
amply, truly, and historically digested, for the pleasure of those who desire
to be throughly acquainted in the state of the kingdom and dominion of
France (Londres, John Wolfe, 1592) et, l'année suivante, chez le même édi
teur, son Ortho-epia Gallica. Eliots Fruits for the French, dialogues péda
gogiques pour l'apprentissage du français. A son interlocuteur du deuxième
dialogue (« De la dignité des Orateurs, et de l'excellence des Langues »), qui
lui demande « ou vous avez aprins la langue françoise », il répond : « A Paris
en France, où j'ay esté nourry trois ans entiers au College de Montaigu.
J'ay aussi régenté un an en Orleans, au college des Africains, et vescu dix
mois à Lyon ». Il connaît Notre-Dame de Paris, plus longue de cinq pas que
Saint-Paul de Londres (« je les ay mesuré toutes deux ». Il a aussi passé
« quatre ou cinq jours » à Amiens. Il déclare (p. 52) enfin avoir vu les uni
versités (ou collèges) de Paris, Orléans, Bourges, Reims, Pont-à-Mousson,
Verdun, Genève, Tournon, Poitiers, Angers, Toulouse, Montpellier : mais ici
l'énumération incolore trahit le catalogue.
A sa sortie de l'Université de Cambridge, Robert Dallington enseigne
quelque temps afin de se procurer les ressources pour un long voyage
1. Le Tasse en avait fourni le modèle dans un célèbre parallèle (« Lettera a Ercole de' Contran »,
1572, in Prose, éd. 1959, vol. I, 751-761).
2. Nous ne retiendrons pas ici les propos sur la vie quotidienne, la table, l'hôtellerie, déjà expo
sés dans divers ouvrages anciens, dont P. Bonnaffé, Voyages et voyageurs de la Renaissance
(1892) et E. S. Bates {Touring en 1600, New York, 1911). Il faut regretter qu'ils n'aient pu faire
leur profit de cette perspective visionnaire de J. Eliot (Ortho-epia Gallica (p. 78) : « Je m'ebaï que
le Roy de France ne fait pas faire un beau pont pour passer d'un pais à l'autre »... MICHEL BIDEAUX 76
d'agrément en France. The View of France tardera à paraître, et le fera
sous la forme de l'édition piratée3 d'un ouvrage presque achevé en 1598, qui
avait circulé en manuscrit. Dallington protesta dans l'introduction de l'o
uvrage qu'il fit imprimer presque aussitôt sous un nouveau titre (A Method
for Travel. Shewed by taking the View of France. As it stoode in the yeare of
our Lord 1598. London. Printed by Thomas Creede). Le livre est une heu
reuse association de compilation historique, d'expérience personnelle et de
réflexion critique. Il apparaît, dans sa deuxième édition, comme la mise en
pratique d'un art de voyager, tout comme l'ouvrage que Dallington consa
cra peu après à la Toscane (A Survey of the Great Dukes state of Tuscany,
in the yeare of our Lord 1596, Londres, 1605).
Mais il est difficile de voir en lui, comme le fait W. P. Barrett un « tra
vel book » (le terme ne vaudrait guère que pour la partie intitulée « Method
of travell »), ou de s'étonner que son auteur ne jouisse pas, comme écrivain
de voyage, de la popularité de Fynes Moryson: Dallington n'est pas un
« writer on travel » et il n'a pas articulé son livre comme le récit d'un voya
ge particulier. Mais il l'a doté des riches manchettes qui, dans une compi
lation historique, signalent les auctoritas et dans sa première phrase, on
peut lire « Caesar in his Commentaries », qui est aussi la première autori
té alléguée par la « Preface to the reader » du Survay de J. Eliot4 : tant il
est difficile de séparer la bibliothèque de la pérégrination.
Les deux témoins qui suivent s'affichent, eux, résolument comme des
voyageurs: il est vrai que leur expérience viatique est infiniment plus
riche.
Des nombreux pays visités par Fynes Moryson5, la France est proba
blement celui dont il a gardé la connaissance la plus superficielle6. Au
retour de son premier voyage, il n'a que traversé la Champagne, la région
parisienne et l'Ile-de-France (début 1595); l'image qu'il conserva d'Henri
IV entrevu à Fontainebleau n'effaça pas le souvenir d'une mauvaise ren-
3. The View ofFraunce, Symon Stafford, London, 1604; repr. et introd. W. P. Barrett, Oxford U.
P., 1936.
4. Et lorsque Coryat met pied à Calais « which Caesar calleth Ictius portus »...
5. Le plus riche est celui qui, de 1591 à 1595, le conduit à travers toute l'Europe : n'échappent
guère à sa prise que la Scandinavie, la Russie et la péninsule ibérique, alors fermée aux réfor
més, notamment anglais. Il en réunira l'essentiel de ses observations avec celles qu'il fera un peu
plus tard sur la Turquie et sur l'Irlande dans un volumineux et tardif Itinerary (1617).
6. Charles Hugues, qui édita les notes manuscrites que Moryson n'avait pas utilisées pour son
Itinerary de 1617 (Shakespeare's Europe: A Survey of the condition of Europe at the end of the
16th century. Being unpublished chapters of Fynes Moryson's Itinerary; London, 1903; repr.
1967, New York, Benjamin Bloom) observait déjà p. 471 : « Moryson is never satisfactory when
writing about France », et le seul passage qu'il avait pu reproduire de ce qui devait être le livre
TV, chapitre II de Moryson était, alors qu'il parlait de la France, un développement (p. 641) où il
trouvait l'occasion de louer Oxford et Cambridge... ANGLAIS EN FRANCE 77 VOYAGEURS
contre: celle des soudards qui le dévalisèrent entre Metz et Chalon. Ses
observations sur la France sont donc bien loin d'avoir l'acuité ordinaire du
regard qu'il porte sur les choses et sur les hommes. Ajoutons qu'il avait
sans doute pleine conscience de cette lacune; sa traversée du pays étant
rapide et partielle, Moryson comble par des artifices l'insuffisance de son
information : des redondances fastidieuses, le recours à des anecdotes sans
grand relief, à quoi s'ajoute la composition ordinairement touffue de son
livre, qui bluffe le lecteur.
Thomas Coryat, enfin. William M. Schutte tient ses Crudities7 pour le
premier vrai guide de voyage imprimé en Angleterre et suggère que le titre
a pu être inspiré par la préface de Dallington :
Our memories are so surcharged with the multiplicity of [...] books, and our
understanding so weakened with their unaseasoned crudities (like stomacks
with rawe fruités), that we are not able to digest them into any good blood
either of knowledge or vertue.
Coryat a certainement connu Dallington, gentilhomme de la chambre
privée du prince Henri de Galles, dont il était lui-même un familier, tenant
dans son entourage un emploi informel de bouffon. Cinq mois de voyage (du
14 mai au 3 octobre 1608) accomplis pour l'essentiel à pied8 pour aller de
Londres à Venise et revenir par la Suisse, l'Allemagne et les Pays-Bas n'au
torisaient (à l'exception des six semaines passées à Venise) que de brefs
séjours dans les villes traversées: moins de six jours pour Paris, deux pour
Lyon. D'autre part, tout en se défendant d'être un « scholar », Coryat était
bon connaisseur du latin et du grec (il envisagea même de traduire en cette
première langue l'ensemble de son livre, afin de se rendre utile aux lettrés
d'Europe). En revanche, il n'était nullement versé dans les langues verna-
culaires:

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