Comparaison des processus de régionalisation : revue analytique de la littérature - article ; n°155 ; vol.39, pg 505-528

Claire Mainguy, Nicolas Blancher

Description

Tiers-Monde - Année 1998 - Volume 39 - Numéro 155 - Pages 505-528
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: TIERS-MONDE
• Publié le: 01 janvier 1998
• Nombre de lectures: 59
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Nicolas Blancher
Claire Mainguy
Comparaison des processus de régionalisation : revue
analytique de la littérature
In: Tiers-Monde. 1998, tome 39 n°155. pp. 505-528.
Citer ce document / Cite this document :
Blancher Nicolas, Mainguy Claire. Comparaison des processus de régionalisation : revue analytique de la littérature. In: Tiers-
Monde. 1998, tome 39 n°155. pp. 505-528.
doi : 10.3406/tiers.1998.5259
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_1998_num_39_155_5259I /LES TRAJECTOIRES COMPAREES
DES PROCESSUS DE RÉGIONALISATION
COMPARAISON DES PROCESSUS
DE RÉGIONALISATION
EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE
ET EN ASIE ORIENTALE.
REVUE ANALYTIQUE
DE LA LITTÉRATURE
par Nicolas BLANCHER et Claire MAINGUY*
Cette revue de la littérature tente de prendre en compte, dans un premier temps,
les analyses récentes des différentes formes de la régionalisation tant en Afrique de
l'Ouest et du Centre qu'en Asie de l'Est et du Sud-Est. Elle intègre, dans un
deuxième temps, les travaux sur la mesure des flux qui sous-tendent la
régionalisation et sur les analyses théoriques qui s'y appliquent. Dans un troisième
temps, elle restitue les processus de régionalisation dans la dynamique internationale
actuelle caractérisée d'un côté par les enjeux multilatéraux et de l'autre par la
constitution de blocs centrés autour des principaux pays industrialisés.
Ce travail cherche à mettre en évidence les grands thèmes abordés
dans la littérature économique ayant trait à la régionalisation en
Afrique et en Asie, de les situer les uns par rapport aux autres en pre
nant en compte les principaux auteurs ayant récemment contribué au
sujet.
La première partie s'organise autour de l'analyse comparative des
différents processus de régionalisation économique, accords, institu
tions officielles notamment, puis autour d'acteurs qui, indépendants
* Assistant du Directeur France au fmi et maître de conférences à l'Université R. Schuman, Stras
bourg. Les auteurs remercient Sheila Page et les membres du groupe régionalisation du cered pour leurs
relecture et commentaires.
Revue Tiers Monde, t. XXXIX, n° 155, juillet-septembre 1998 506 Nicolas Blancher, Claire Mainguy
des processus institutionnalisés, peuvent cependant jouer un rôle pré
pondérant. La seconde partie caractérise les processus de régionalisa
tion à la fois en termes de flux quantitatifs (commerciaux,
d'investissements...) et, sur un plan plus analytique, selon les diverses
grilles de lectures disponibles dans la théorie économique. Enfin, la
troisième partie tente de mettre en perspective la régionalisation des
pays africains et asiatiques dans le cadre des transformations du
contexte international.
I. NATURE DES PROCESSUS REGIONAUX A L'ŒUVRE
1 . 1 . Bilan des institutions régionales
Les organisations régionales sont beaucoup plus nombreuses en
Afrique qu'en Asie1 où il existe, en revanche, des accords aux implica
tions régionales tels que les triangles de croissance. On observe égal
ement l'existence de « clubs » qui, sans constituer véritablement des ins
titutions, représentent cependant des lieux importants de concertation.
Histoires comparées
Les processus régionaux sont anciens tant en Afrique qu'en Asie ; ils
sont liés aux particularités géographiques mais ont aussi des motifs
stratégiques. Les grands commerçants sont les principaux acteurs des
relations intra-africaines, notamment avec l'essor du commerce trans
saharien du virau xvie siècle. L'arrivée des Européens modifie les struc
tures commerciales en accentuant les relations extérieures à l'Afrique et
en introduisant une certaine spécialisation des circuits commerciaux
selon les produits2. La colonisation vient donc bouleverser des évolu
tions de longue période mais ce sont effectivement les indépendances
qui contribuent à la « balkanisation » de l'Afrique3. Le manque de
concertation et la non-coordination des investissements conduisent par
la suite à la mise en place de systèmes productifs et de politiques écono
miques concurrents. Cependant, la taille n'est pas forcément un facteur
limitant et en relativisant par le fait que les modes de transport étaient
évidemment moins rapides, il apparaît qu'avant la période coloniale les
produits circulaient plus facilement à l'intérieur de l'Afrique4.
1. Les termes « Afrique » et « Asie » dans la suite du texte feront référence respectivement à
l'Afrique subsaharienne et à l'Asie du Sud-Est.
2 Barry/Harding, 1992.
3. Hugon. 1991.
4. Igue, 1994. des processus de régionalisation 507 Comparaison
En Asie, le commerce est depuis longtemps focalisé autour du pôle
chinois. Jusqu'au XIXe siècle, il est très réglementé. Par l'intermédiaire
d'ambassades, des pays partenaires de la Chine envoient un « tribut »
en échange duquel ils reçoivent des biens produits par la Chine. Les
échanges de cette dernière avec l'extérieur bénéficient des facilités de
circulation offertes par la voie maritime et des relations établies par les
colons chinois émigrés dans l'archipel du Sud-Est asiatique. Finale
ment, en Asie, les relations commerciales se sont développées en réac
tion au « système de tribut »'. Les pays asiatiques ont aussi pour la
plupart connu la colonisation et acquis leur indépendance au cours des
années 1940 à 1960.
L'éclatement des pays africains, leur petite taille, faisait apparaître
la nécessité d'une coordination qui s'est concrétisée de façon formelle
au travers d'institutions régionales. En Asie, les pays qui formeront
I'asean présentaient des situations économiques offrant des similitu
des avec celles des pays africains dans les années 60 : des économies
très dépendantes des matières premières, des PNB par habitant faibles
bien que meilleurs pour les Philippines, la Malaisie et Singapour. Met
tons tout de même l'accent sur une différence qui apparaissait dès lors
entre les deux groupes de pays : la future asean comportait un poids
lourd, l'Indonésie, alors que les futurs membres de la ceao et de
I'udeac n'incluaient pas le pays le plus important de la région, le
Nigeria ; Singapour constituait une exception au sein de I'asean et les
groupements institutionnels africains n'incluaient pas de pays ayant un
niveau de développement comparable. Les structures économiques de
la plupart des pays des trois groupes étaient plus concurrentes que
complémentaires. On pouvait, a priori, espérer une évolution écono
mique favorable autant en Afrique qu'en Asie.
Au cours des premières années qui ont suivi l'institutionnalisation,
les résultats obtenus ont été peu convaincants en termes de flux. Les
échanges au sein de I'asean n'ont pu se développer qu'après qu'un
certain niveau de développement et de diversification économique ait
été atteint ; Singapour y joue un rôle déterminant2.
Sur le plan monétaire, les situations sont difficilement comparables
car la zone franc n'a pas son équivalent en Asie. Les évolutions des
cours des changes montrent que certains pays asiatiques ont, jusqu'à
récemment, choisi le dollar, monnaie de leur principal partenaire comm
ercial, comme référence. La zone franc présente une expérience inha
bituelle avec une coopération monétaire qui fut antérieure à la coopé-
1. Hamashita. 1994.
2 Besson/Lantéri, 1994. 508 Nicolas Blancher, Claire Mainguy
ration commerciale. Les estimations réalisées à l'aide d'un modèle de
gravité semblent montrer l'importance de cette séquence1. Les contre-
performances enregistrées à partir du milieu des années 80 ont des
motifs internes tels que le non-respect ou le contournement des règles
de fonctionnement de la zone franc2, mais également d'autres motifs
liés à l'inadaptation aux évolutions du contexte international, autre
ment dit à la baisse du dollar et des cours des matières premières.
Les essais d'évaluation des institutions régionales montrent, dans
un premier temps, que les mesures qui devaient être prises dans le
but d'accroître la régionalisation ont rarement été entièrement appli
quées. Parfois, elles ne l'ont ét&#