Condamnés à vivre ensemble sur une planète devenue petite - article ; n°28 ; vol.7, pg 671-690
21 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Condamnés à vivre ensemble sur une planète devenue petite - article ; n°28 ; vol.7, pg 671-690

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
21 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Tiers-Monde - Année 1966 - Volume 7 - Numéro 28 - Pages 671-690
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Émile Benoit
Condamnés à vivre ensemble sur une planète devenue petite
In: Tiers-Monde. 1966, tome 7 n°28. Désarmement et développement. pp. 671-690.
Citer ce document / Cite this document :
Benoit Émile. Condamnés à vivre ensemble sur une planète devenue petite. In: Tiers-Monde. 1966, tome 7 n°28. Désarmement
et développement. pp. 671-690.
doi : 10.3406/tiers.1966.2297
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1966_num_7_28_2297CONDAMNÉS A VIVRE ENSEMBLE
SUR UNE PLANÈTE
DEVENUE PETITE (1)
par Emile Benoit
Dans le monde où nous vivons, les hommes sont si proches que
quelques minutes seulement de communication, de mise en orbite ou
de lancement les séparent, et ce monde n'est qu'un minuscule tremplin
pour commencer l'exploration de l'univers. Cependant, nous essayons
encore de nous accommoder d'un système de relations internationales
basé sur le passé — système où pouvaient se sentir à l'aise des dizaines
d'États « indépendants » et centrés sur eux-mêmes. Chacun s'arrogeait
les droits d'un « souverain » machiavélique pour agir selon ses propres
intérêts, pour se retirer ou ignorer des accords préalables selon sa
convenance, ne se sentant lié que par son propre jugement dans les
querelles internationales, même lorsque celles-ci concernaient le sens
des promesses et des accords faits par lui.
(i) A l'origine de ce travail est une étude comprise dans le programme de Recherche
sur les Aspects économiques internationaux du Désarmement et du Contrôle des Armements
(RIEDAC : Program/» of Research on the Internationa/ Economie of Disarmament and Arms Control
entrepris par la Graduate School of Business de l'Université de Columbia. La Fondation Ford
subventionne ce programme. Tout d'abord cet article a été utilisé en guise d'introduction
à une conférence internationale sur les Aspects économiques du Désarmement et de l'Inte
rdépendance mondiale qui s'est tenue du 29 août au Ier septembre 1965 à Oslo, sous les auspices
de la RIEDAC et de l'Institut pour la Paix (Oslo) et à laquelle ont participé, entre autres :
Jan Tinbergen, Robert Triffin, Pierre Uri, Abram Bergson, François Perroux, Angus Mad-
dison, Vincent Rock, Arthur Barber, Alva Myrdal, Abba Lerner; le Columbia Journal of
World Business l'a fait paraître sous une forme abrégée dans son numéro du printemps 1966.
Il paraîtra également dans un recueil d'articles, rédigés pour la conférence d'Oslo, publié
par le Universitets Forlaget à Oslo sous le titre : Disarmament and World Economie Interdé
pendance. La Columbia University Press le diffusera aux Etats-Unis, au Canada et en Grande-
Bretagne.
671 EMILE BENOIT
Le principal drame de notre époque provient de la tension entre
deux mondes : le vaste monde de groupements humains « indépendants »
et querelleurs, et l'autre, plus petit, qu'unit étroitement, bon gré mal
gré, la technologie moderne. On ne peut imaginer voir coexister long
temps encore ces deux conceptions du monde. L'univers des entités
politiques soi-disant souveraines est voué à la disparition, au fur et
à mesure que l'homme apprend à comprendre les données fondamentales
de son interdépendance, et à forger des outils politiques plus appropriés
à ces données. Cette interdépendance est à la fois militaire et non
militaire. On a insisté en général sur l'interdépendance militaire, mais,
même dans ce domaine, le caractère et la force des liens qui unissent
l'humanité ont été imparfaitement compris.
En réalité peu de gens comprennent qu'il existe actuellement entre
nos adversaires et nous un état étrange de dépendance mutuelle. C'est
de la révolution actuelle dans la technologie militaire qu'est née cette
situation paradoxale. Contrairement à l'adage rassurant d'Alfred Marshall,
la nature fait des bonds; ils sont rares; mais lorsqu'ils se produisent,
un nouveau système naît qui ne peut être ni compris, ni prévu par les
lois qui gouvernaient le système antérieur.
Il est inutile d'exposer ici les principaux aspects de la révolution
militaire actuelle. Malheureusement, comme le sait aujourd'hui tout
écolier, la bombe d'Hiroshima fut mille fois plus puissante que les
armes utilisées jusqu'alors, et la première bombe à hydrogène encore
mille fois plus puissante que celle d'Hiroshima. Ces explosifs nucléaires,
dont l'efficacité s'accroît sans cesse, furent alors incorporés aux missiles
pouvant accomplir une dévastation au moins quarante fois plus rapide
que les avions de la deuxième guerre mondiale. Autre facteur important
qui, à son tour, améliora leur efficacité : l'élaboration de systèmes d'auto-
et téléguidages capables de diriger les missiles droit sur leur cible avec
une incroyable précision. Lorsqu'on sut mettre en place un dispositif
de défense actif contre les missiles, des pièges et des systèmes de brouillage
furent rapidement placés dans les missiles qu'on lançait, afin de réduire
au maximum leurs chances d'être interceptés. Comme dernière précaut
ion, des lance-missiles ont été renforcés, dispersés, camouflés ou main
tenus en état de fonctionnement sous les océans ou dans l'air, de sorte
qu'il y a peu d'espoir qu'une attaque préventive puisse empêcher un
nombre décisif d'entre eux de fonctionner.
Tout ceci équivaut à un véritable bond de quantum qui se chiffre
672 CONDAMNÉS A VIVRE ENSEMBLE SUR UNE PLANÈTE DEVENUE PETITE
en centaines de millions, voire en milliards. Dans l'expérience cosmique,
des changements d'une pareille importance sont relativement rares.
On peut les comparer à l'accumulation des forces qui font exploser un
astre, ou à la mutation qui, au cours du processus de l'évolution, fit
naître le cerveau humain. Il est certain que l'importance de l'actuelle
révolution des armements réduit à d'infimes proportions l'invention
de la poudre, des canons et des mousquets qui, à leur époque, détrui
sirent les fondements du féodalisme. A la lumière de cette récente évolut
ion, on s'étonne de constater que tant de gens pensent qu'un système
politique comptant sur la guerre pour résoudre les querelles import
antes puisse continuer à fonctionner comme par le passé.
En réalité, la guerre à grande échelle a perdu sa fonction clef :
servir de moyen d'arbitrage. Une guerre entre les puissances nucléaires
ou leurs alliés ne peut être gagnée qu'à la condition que l'une des parties
préfère la défaite à l'escalade. Si toutes deux préfèrent l'escalade, elles
sont toutes deux vaincues. Ce que l'on peut espérer de mieux d'un
point de vue réaliste est de ne pas perdre, c'est-à-dire d'arriver à un
accord basé sur le statu quo ante. Mais cela exige la coopération de l'advers
aire. En effet, cette coopération est nécessaire pour éviter de se trouver
dans une situation où même des sacrifices considérables n'aboutissent
qu'à une impasse. On dépend tout autant de la coopération de l'adver
saire pour mettre fin au jeu de l'escalade une fois qu'il est déclenché.
Et même l'aventure militaire terminée, on se retrouve dépendant complè
tement de la raison, du bon sens et de l'humanité de l'adversaire pour
protéger ce à quoi on tient le plus.
En réalité, ce qui s'est produit est un immense échange d'otages,
abandonnant les populations des plus grandes villes du monde à être
exposées au massacre-surprise déclenché par un gouvernement hostile.
C'est l'interdépendance à un niveau d'intensité sans précédent : jusqu'à
un degré incroyable et sinistre, tous les pays sont actuellement tribu
taires de la raison, de l'esprit de logique et de l'équilibre mental des
dirigeants des autres nations. Il suffit d'imaginer quelle serait la situation
aujourd'hui si Hitler et le parti nazi pouvaient disposer d'une force
militaire comparable à celle des États-Unis ou de l'U.R.S.S., pour
apprécier dans quelle mesure nous comptons désespérément les uns
et les autres sur la raison et l'humanité des dirige

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents