Conflit de culture et délinquance. Interroger l'évidence - article ; n°3 ; vol.22, pg 235-262

Françoise Tulkens, Fabienne Brion

Description

Déviance et société - Année 1998 - Volume 22 - Numéro 3 - Pages 235-262
Few criminological theories are as popular as subcultural theories which try to explain immigrant criminality over the generations. Few are also so badly misinterpreted. The article provides a re-reading of Culture, Conflict and Misconduct by L. Wirth and of Culture Conflict and Crime and Conflits culturels et criminalité, by T. Sellin. Returning to a cultural perspective, it then asks not what makes immigrants and their children more delinquent, but what makes us think them so. Following A. Sayad, we pursue the hypothesis that the way in which we think about the criminality of immigrants and their children is the fruit of state-based thinking.
Wenige kriminologische Theorien sind zur Erklarung kriminellen Verhaltens von Immigranten und ihrer Kinder so popular wie der Kulturkonflikt; wenige werden so verkannt wie diese. Dieser Artikel schlägt im ersten Teil eine erneute Lektüre von Culture Conflict and Misconduct, von L. Wirth und von Culture Conflict and Crime und Conflits culturels et criminalité von T. Sellin vor. Im zweiten Teil wird die kulturelle perspektive umgedrecht, und es wird nicht gefragt, warum die Kultur bei Immigranten und ihren Kindern zu vermehrter Delinquenz führen soll, sondera warum in unserer Kultur dieses geglaubt wird. In der Folge von A. Sayad wird die Hypothese entwickelt, dass die Art, wie wir über das kriminelle Verhalten von Immigranten und ihren denken, das Ergebnis « staatlichen Denkens » ist.
Weinig criminologische theorieën zijn zo populair als deze van de cultuurconflicten die de criminaliteit van immigranten en hun afstammelingen verklaren; weinig theorieën zijn echter zo miskend. Het artikel dat volgt biedt, in een eerste, een herlezing van Culture Conflict and Misconduct van L. Wirth, van Culture Conflict and Crime en Conflits culturels et criminalité van T. Sellin. Een tweede deel draait de culturalistische stelling om, en stelt zich niet de vraag wat in de cultuur van immigranten en hum afstammelingen tot criminaliteit aanspoort, maar veeleer wat er, in onze cultuur, aanleiding toe geeft om hen als delinquent te beschouwen. Net als A. Sayad maakt men de hypothèse dat de manier waarop wij de criminaliteit van immigranten en hun afstammelingen zien, het gevolg is van een «staatsdenken» (pensée d'Etat).
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: DEVIANCE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 1998
• Nombre de lectures: 161
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Fabienne Brion
F. Tulkens
Conflit de culture et délinquance. Interroger l'évidence
In: Déviance et société. 1998 - Vol. 22 - N°3. pp. 235-262.
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Brion Fabienne, Tulkens F. Conflit de culture et délinquance. Interroger l'évidence. In: Déviance et société. 1998 - Vol. 22 - N°3.
pp. 235-262.
doi : 10.3406/ds.1998.1664
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1998_num_22_3_1664Abstract
Few criminological theories are as popular as subcultural theories which try to explain immigrant
criminality over the generations. Few are also so badly misinterpreted. The article provides a re-reading
of Culture, Conflict and Misconduct by L. Wirth and of Culture Conflict and Crime and Conflits culturels
et criminalité, by T. Sellin. Returning to a cultural perspective, it then asks not what makes immigrants
and their children more delinquent, but what makes us think them so. Following A. Sayad, we pursue
the hypothesis that the way in which we think about the criminality of immigrants and their children is the
fruit of state-based thinking.
Zusammenfassung
Wenige kriminologische Theorien sind zur Erklarung kriminellen Verhaltens von Immigranten und ihrer
Kinder so popular wie der Kulturkonflikt; wenige werden so verkannt wie diese. Dieser Artikel schlägt im
ersten Teil eine erneute Lektüre von Culture Conflict and Misconduct, von L. Wirth und von Culture
Conflict and Crime und Conflits culturels et criminalité von T. Sellin vor. Im zweiten Teil wird die
kulturelle perspektive umgedrecht, und es wird nicht gefragt, warum die Kultur bei Immigranten und
ihren Kindern zu vermehrter Delinquenz führen soll, sondera in unserer Kultur dieses geglaubt
wird. In der Folge von A. Sayad wird die Hypothese entwickelt, dass die Art, wie wir über das kriminelle
Verhalten von Immigranten und ihren denken, das Ergebnis « staatlichen Denkens » ist.
Weinig criminologische theorieën zijn zo populair als deze van de cultuurconflicten die de criminaliteit
van immigranten en hun afstammelingen verklaren; weinig theorieën zijn echter zo miskend. Het artikel
dat volgt biedt, in een eerste, een herlezing van Culture Conflict and Misconduct van L. Wirth, van
Culture Conflict and Crime en Conflits culturels et criminalité van T. Sellin. Een tweede deel draait de
culturalistische stelling om, en stelt zich niet de vraag wat in de cultuur van immigranten en hum
afstammelingen tot criminaliteit aanspoort, maar veeleer wat er, in onze cultuur, aanleiding toe geeft om
hen als delinquent te beschouwen. Net als A. Sayad maakt men de hypothèse dat de manier waarop wij
de criminaliteit van immigranten en hun afstammelingen zien, het gevolg is van een «staatsdenken»
(pensée d'Etat).et Société, 1998, Vol. 22, No 3, pp. 235-262 Déviance
CONFLIT DE CULTURE ET DELINQUANCE.
INTERROGER L'ÉVIDENCE
F. BRION*, F. TULKENS*
Peu de théories criminologiques sont aussi populaires que celle qui explique par le
conflit de culture la criminalité des immigrants et de leurs enfants; peu sont aussi méconnues.
L'article qui suit propose, dans une première partie, une relecture de Culture Conflict and
Misconduct, de L. Wirth, et de Culture Conflict and Crime et Conflits culturels et criminal
ité, de T. Sellin. Dans une seconde partie, retournant la perspective culturaliste, ses auteurs
se demandent, non ce qui, dans la culture des immigrants et de leurs enfants, les déterminer
ait à être plus délinquants, mais ce qui, dans notre culture, nous détermine à les penser ainsi.
A la suite de A. Sayad, on fait l'hypothèse que la manière dont nous pensons la criminalité
des immigrés et de leurs enfants est le fruit de la «pensée d'Etat».
Mots-clés: Immigration - Conflit de culture - Wirth - Sellin - Sayad
Peu de théories criminologiques sont aussi populaires que celles qui proposent d'ex
pliquer la criminalité des immigrants et de leurs enfants par le conflit de culture ; peu de
textes criminologiques sont aussi méconnus que ceux qui en ont donné la formulation pre
mière. Sorte de reconnaissance doublée de méconnaissance, l'une et l'autre nourries de la
proximité des propositions de la théorie et du sens commun: tout se passe comme si l'év
idence même de l'explication faisait obstacle à ce que soit aperçu et reconnu l'effort de
construction d'objet consenti par les sociologues - L. Wirth, T. Sellin - qui les premiers,
l'ont soumise à discussion ou discutée. Conjuguée à l'actualité du propos, cette reconnais
sance-méconnaissance suffirait à justifier une relecture attentive de leurs écrits. L'exercice
a paru d'autant plus utile que les textes proposés par ces auteurs, qui visent à problémati-
ser la relation entre culture et délinquance davantage qu'ils ne prétendent en avoir accomp
li la théorie, s'avèrent soit plus nuancés soit plus critiques que de nombreux textes
contemporains qui s'en réclament.
L'article qui suit comprend deux parties. La première est, pour reprendre un mot de
S. Pfohl, un texte à propos d'autres textes et de leur contexte1. On y relit un article de L. Wirth
daté de 1931, Culture Conflict and Misconduct2, et deux ouvrages de T. Sellin, Culture
Conflict and Crime3, rapport de recherche publié en 1938, et Conflits culturels et criminalité,
traduction de deux conférences données à Bruxelles en I9604. Le parti de méthode est celui
d'une histoire intentionnelle [...] qui, étant donné un ensemble de textes et de travaux, essaie
* Université Catholique de Louvain, Faculté de Droit, Département de criminologie et de droit pénal.
1 Pfohl, 1985, xi.
2 Wirth, 1931, 484-492.
3 Sellin, 1938 ; 1984.
4 Sellin, 1960, 815-833 et 879-896. Déviance et Société 236
de discerner le sens, et le sens légitime, de ces travaux5. Les présentations sont précédées
d'une double introduction, qui doit permettre de situer textes et problématisations dans le
contexte politique et théorique de leur élaboration. La seconde partie ébauche une critique
des théories du conflit de culture en criminologie, arrimée aux usages auxquels elles se prê
tent dans des sociétés qui hiérarchisent les individus et les groupes sociaux en fonction de
leur identité culturelle supposée et mènent, sous cette bannière, la guerre à certains d'entre
eux qu'elles ont constitués en ennemis intérieurs. Après avoir rappelé les objections qui
sont adressées à ces théories au titre de la raison scientifique, elle interroge les «raisons tr
ibales »6 qui, dans les sociétés démocratiques, tendent à leur conférer leur « évidence ».
I. Conflit de culture et délinquance : flash sur les origines...
Les propositions de L. Wirth et T. Sellin sur les rapports du conflit de culture et du
crime sont des discours en situation, sinon de circonstance : la manière dont ils ont traité de
cet objet et l'ont construit n'est pas indépendante des termes dans lesquels la question de
l'immigration était alors posée et s'est en partie imposée à eux. Loin d'être considérée
comme une qualité de l'homme privé, l'origine nationale est aux Etats-Unis l'un des prin
cipes d'organisation politique et sociale. La concurrence entre anciens et nouveaux immig
rants, l'incidence de l'immigration sur la répartition des sièges au Congrès entre partis et
Etats en ont, au début du siècle, fait l'enjeu de violentes luttes politiques et sociales, avant
de l'ériger en critère de sélection des «nouveaux» immigrants. Rendre compte des dis
cours qui contribuèrent alors à la reformulation de la question migratoire : cet effort nous
semble devoir présider à la recherche du sens qu'avaient pour L. Wirth et T. Sellin leurs
travaux sur la relation entre conflit de culture et criminalité des immigrants.
1. Des années tribales7
La sociologie comme discipline instituée est contemporaine, aux Etats-Unis, des pre
mières mesures visant le contrôle et la restriction de l'accès des nouveaux immigrants au
territoire américain. Selon A. Bastenier et F. Dassetto, elle s'y construit dans la confronta
tion à la question des migrations8 - autant dire, à cette époque comme aujourd'hui: dans
la confrontation à la double question de l'accès à ce qui figure le monde des biens d'une
part, du partage de ces biens d'autre part.
Du Vieux Continent, les prétendants affluent, poussés par le désir d'améliorer une
condition souvent misérable: les données du recensement font état de trente-et-un mil
lions d'hab