Dans l Espagne du XIIe siècle, les traductions de l arabe au latin - article ; n°4 ; vol.18, pg 639-665
28 pages
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1963 - Volume 18 - Numéro 4 - Pages 639-665
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Richard Lemay
Dans l'Espagne du XIIe siècle, les traductions de l'arabe au latin
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 18e année, N. 4, 1963. pp. 639-665.
Citer ce document / Cite this document :
Lemay Richard. Dans l'Espagne du XIIe siècle, les traductions de l'arabe au latin. In: Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations. 18e année, N. 4, 1963. pp. 639-665.
doi : 10.3406/ahess.1963.421033
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1963_num_18_4_421033L'ESPAGNE DU XII' SIÈCLE DANS
LES TRADUCTIONS
DE L'ARABE AU LATIN
présence savoir qui Tout aurait arabe de historien été la à fondée, fameuse l'Occident, qui ou légende s'intéresse, du au moins xne de Г de siècle, protégée, « École nos se jours, des voit favorisée, traducteurs trop à la souvent par transmission l'archevêque de Tolède mis du en »,
Raymond, archevêque de Tolède de 1124 à 1151. La légende remonte
vraisemblablement à l'érudit A. Jourdain г, à l'admiration qu'il professe
envers les traducteurs qui travaillèrent dans l'entourage de Raymond.
Certes, il existe' dès le Moyen Age toute une tradition littéraire tendant
à exalter le rôle de Tolède, postérieurement à sa reconquête, comme le
centre européen de connaissances et d'activités scientifiques au contact
de la culture arabe. Dès les xine et xive siècles, certains auteurs a décri
vaient l'Espagne, principalement Tolède, comme la patrie de la nécro
mancie, du savoir exotique, même ésotérique. Et cette tradition remonte
au moins jusqu'à Gerbert, au xe siècle. L'expression admirative d'A.
Jourdain ne vient donc qu'apporter une confirmation moderne, appa
remment fondée sur des observations d'une plus rigoureuse exactitude
scientifique, à, la légende ancienne concernant le rôle de Tolède dans
la transmission de la science arabe à l'Occident.
Déjà, au début du siècle actuel, С H. Haskins faisait observer 3 qu'il
serait inexact de limiter à Tolède, ou à la contribution des seuls traduc
teurs qui s'y rattachent, l'impulsion donnée au mouvement scientifique
au début du xne siècle. L. Thorndike à son tour faisait assez peu de cas
de Г « École de Tolède » comme telle, et paraissait enclin à la reléguer
au musée des mythes4. Depuis lors, les recherches comme celles de
1. A. Jourdain, Recherches critiques sur les plus anciennes traductions latines
ďAristote, 1819 ; reprises, avec quelques additions, par son fils, Ch. Jourdain, Recherches
critiques sur Vâge et Vorigine des traductions latines ďAristote et sur des commentaires
grecs ou arabes employés par les docteurs scolastiques, nouvelle édition revue et aug
mentée, Paris 1843.
2. Césaire d'Heisterbach ; F. de la Pena, dans le Directorium Inquisitorum
de F. N. Eymeric. Venise, 1607, p. 317-1 (Pars. II, qu. 28, comment. 53).
3. Romanic Review, II, 1911, p. 2.
4. A History of Magic and Experimental Science, vol. II, New York, 1923.
639 ANNALES
Mlle M.-Th. d'Alverny, ont montré l'aspect fragile de la croyance à une
tradition scientifique espagnole au xne siècle limitée exclusivement à
Tolède. Néanmoins, il se rencontre encore des historiens nostalgiquement
attachés, sinon à la thèse, du moins au prestige scientifique d'une école
tolédane. Par exemple, bien qu'il se défende d'admettre absolument
l'existence de l'École des traducteurs tolédans, entretenue par l'arch
evêque Raymond, Angel Gonzàlez-Palencia г reste fortement partisan de
l'idée d'une influence prépondérante de l'archevêque Raymond dans le
travail scientifique des traducteurs. De même G. Théry 2 et M. Alonso 8.
Le problème de la transmission de la science arabe à l'Occident,
même à ne considérer que l'œuvre accomplie en Espagne au xne siècle,
et abstraction faite de de l'École de Salerne au xie siècle, ou,
encore des premiers contacts entre Lorraine et Espagne au temps de
Gerbert, et enfin de l'activité scientifique de traduction patronnée par
Alphonse le Sage ou par Frédéric II au xine siècle — , cette contribution
de l'Espagne des premières générations après la Reconquista offre un
champ encore vaste d'enquêtes qui demanderaient à être poursuivies
plus systématiquement et méthodiquement qu'on ne l'a fait jusqu'ici,
si l'on veut dépasser le stade un peu mythique de notre connaissance.
Il n'y va pas seulement d'un épisode quelconque, quelque attrayant qu'il
soit, de la vie intellectuelle en Espagne au xne siècle ; ni même seulement
de l'état de la pensée scientifique occidentale à une époque donnée. Ce
qui est en jeu c'est la description précise d'un stade caractérisé dans
l'évolution organique totale de l'esprit scientifique en Occident : l'i
njection, à un moment défini de l'histoire culturelle de l'Europe, des
germes porteurs du développement de la science, au sens moderne du mot.
Car la science moderne, par delà le corps de notions exactes et de prises
sur le réel objectif de la nature, — instruments qui vont se perfection
nant sans cesse — consiste avant tout dans un « esprit ». Un exemple
fera saisir ce que nous entendons par là : les données recueillies dans le
réel par un Teilhard de Chardin, les méthodes qu'il a pu utiliser, sont ед
nette avance sur celles de Darwin ; mais, des deux savants, Darwin se
place résolument dans la ligne de cet « esprit » scientifique dont nous
parlons, tandis que Teilhard de Chardin tend (comme Sir James Jeans,
ou encore Sir Arthur Eddington, au dire de Bertrand Russel 4), à propre
ment nullifier cet « esprit » ; l'un regarde, observe le réel et enregistre ses
perceptions dans le seul but de les classer et de les ordonner selon des
critères pris les objets eux-mêmes ; l'autre « aspire » à suggérer des
■« visions » du monde non immédiatement inscrites dans le réel observé.
1. El arzobispo Don Raimondo de Toledo, 1942, pp. 117-119.
2. Tolède, grande ville de la renaissance médiévale, Oran, 1944.
3 . « Notas sobre los traductores toledanos Domingo Gundisalvo y Juan Hispano »,
dans Al-Andahis, VIII, 1943, pp. 155-188.
4. Voir B. Russel, L'esprit scientifique et la science dans le monde moderne, trad.
Jankélévitch, Paris, 1947, pp. 97-114.
640 DE L'ARABE AU LATIN
Or donc, ce qui est en jeu dans l'épisode historique de la transmission
du savoir arabe aux Latins par l'Espagne du xne siècle, c'est, nous
semble-t-il, l'arrêt, le terme d'une phase biologique et l'accession à un
certain plan de développement mental, dont la science contemporaine
ne forme qu'un des multiples paliers. Entre la science antique et la science
de l'Europe moderne, il y eut comme une longue coupure, une aliénation
même : de Saint Augustin à la première Croisade, la prépondérance
exclusive, en Occident latin, d'un idéal individuel et social qui aspire à
l'état surnaturel de « citoyens du ciel », en même temps que l'absence
totale de points de repère extérieurs, fournis par une tradition antérieure,
ou par un contact étranger (avantage dont bénéficia l'Islam durant les
premiers siècles de son évolution), une telle situation rendit pratiquement
inopérante la disposition, pourtant incoercible, des hommes à se situer
en relation avec le cosmos réel. Le mythe chrétien de la Rédemption orienta
cette disposition foncière vers des conceptions où la nature était toujours
prise à rebours, parce que déchue. Ce fut là une nette condition d'infé
riorité pour la connaissance de la nature, en regard de la science antique,
et aussi du monde culturel du haut Moyen Age extra -européen, qui se
trouvait alors représenté par la culture islamique. Le contact avec l'I
slam qui résulta des premiers grands succès de la Reconquista, mit fin à
cet état d'isolement et d'infériorité de la pensée occidentale latine. Ce
que les premiers adeptes de la science arabe en Occident recueillirent de
ce contact importe moins par le contenu même des théories, ou par les
méthodes nouvelles, que par la mise en train de facultés jusque-là paral
ysées. Ils commencèrent à évaluer avec de plus en pl

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