Dans l intertexte de Baudelaire et de Proudhon : pourquoi faut-il assommer les pauvres ? - article ; n°45 ; vol.14, pg 57-77
22 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Dans l'intertexte de Baudelaire et de Proudhon : pourquoi faut-il assommer les pauvres ? - article ; n°45 ; vol.14, pg 57-77

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
22 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Romantisme - Année 1984 - Volume 14 - Numéro 45 - Pages 57-77
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gretchen van Slyke
Dans l'intertexte de Baudelaire et de Proudhon : pourquoi faut-il
assommer les pauvres ?
In: Romantisme, 1984, n°45. pp. 57-77.
Citer ce document / Cite this document :
van Slyke Gretchen. Dans l'intertexte de Baudelaire et de Proudhon : pourquoi faut-il assommer les pauvres ?. In: Romantisme,
1984, n°45. pp. 57-77.
doi : 10.3406/roman.1984.4702
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1984_num_14_45_4702Gretchen van SLY KE
Dans l'intertexte de Baudelaire et de Proudhon
Pourquoi faut-il assommer les pauvres ?
Comment faut-il aborder « Assommons les pauvres ! » ? Les lectures
de ce texte se limitent souvent à une analyse des tendances sado-maso-
chistes du vieux poète. Jeffrey Mehlman y découvre l'archéologie du
phantasme sadique (1) ; et Léo Bersani y déchiffre une leçon complexe
de pouvoir absolu, de liberté idéale, et un narcissisme triomphal qui
déclenche une épidémie de masochisme primaire (2). Subrodonnant le
texte à une lecture exclusivement psychanalytique, de telles études
semblent partir de deux suppositions, qui prédominent encore dans les
études baudelairiennes : en premier lieu, que l'engagement politique de
Baudelaire avant le Second Empire fut le fait d'un dilettante, motivé
par son tempérament d'artiste et ses frustrations œdipales ; et, en s
econd lieu, qu'après le coup d'état de Louis-Napoléon en décembre 1 85 1 ,
sinon à la suite de l'insurrection de juin 1848, Baudelaire renonça déf
initivement au socialisme et flirta désormais avec la réaction bourgeoise.
Il suffit pourtant de faire un détour dans l'intertexte de Baudelaire
et de Proudhon (3) pour s'apercevoir que ces suppositions ne résistent
(1) Jeffrey Mehlman, « Baudelaire with Freud/Theory and Pain », Diacritics,
Spring 1974, p. 7-13.
(2) Leo Bersani, Baudelaire and Freud, Berkeley, University of California Press,
1977, p. 148.
(3) Ce sujet a déjà été abordé par plusieurs critiques, dont l'inventaire exhaustif
serait long à faire.
L'article de Claude Pichois, « Baudelaire en 1 847 » {Revue des Sciences Hu
maines, 1958, p. 121-138) a ouvert la voie aux investigations sur le socialisme de
Baudelaire. Soulignant l'unité des considérations esthétiques et sociales avant la r
évolution de 1848, Pichois dresse une liste des réformateurs qui ont pu influer sur la
pensée de Baudelaire.
Les articles de Marcel Ruff, « La pensée politique et sociale de Baudelaire »
{Littérature et société : Recueil d'études en l'honneur de Bernard Guyon, Paris,
Desclée de Brouwer, 1973) et de Lois Вое Hyslop, « Baudelaire et « 'Le Reniement
de saint Pierre' » {French Studies, vol. 30, no. 3, 1976, p. 273-286) donnent un
aperçu de l'influence de Proudhon sur l'œuvre de Baudelaire. Hyslop a consacré à ce
sujet un chapitre de son livre, Baudelaire, Man of his Time (New Haven, Yale Uni
versity Press, 1980).
Dans un article qui s'intitulait d'abord « Baudelaire tra Fourier e Proudhon »
{Critica Storica, no. 4, 1973, p. 591-659), ensuite remanié et repris dans Baudelaire:
L'Armonia e la discordanza (Rome, Bulzoni, 1980), Ivanna Bugliani examine non
seulement l'influence de ces deux penseurs sur l'œuvre de Baudelaire, mais aussi les 58 Gretchen van Sly ke
pas à l'étude. Se concentrant sur les rapports entre Baudelaire et Prou-
dhon pendant la Seconde République et dans les dernières années du
Second Empire, ce détour nous ramènera finalement au texte d'« As
sommons les pauvres ! », où le nom du socialiste fait retour. Rappelons
que la manuscrit portait l'apostrophe, « Qu'en dis-tu, citoyen Prou-
dhon ? » Cette invite au dialogue avec Proudhon nous engage à notre
tour à situer le texte au terme de l'itinéraire que parcourt l'idée de révo
lution pendant tout le siècle.
La Seconde République
La révolution de 1848 précipita Baudelaire dans l'arène politique.
Après être descendu des barricades de février 1848, Baudelaire assuma
un rôle important dans trois journaux plutôt éphémères : La Salut Pu
blic (27 février - 1er mars), La Tribune Nationale (mi-avril - 6 juin) et
Le Représentant de l'Indre (20 octobre). En parcourant les articles at
tribués à Baudelaire (4), on constate que l'euphorie née de l'espoir en
un ralliement national à la révolution se dissipa assez rapidement, mais
non sans regret (5). Deux facteurs contribuèrent à cette désillusion : à
l'intérieur du gouvernement, le conflit entre la majorité libérale et la
minorité socialiste, et, chez Baudelaire, la conscience de plus en plus
aiguë que le Gouvernement provisoire et, plus tard, l'Assemblée Natio-
déformations qu'il fait subir à leur pensée. Nous regrettons, d'une part, que son
champ d'investigation se limite à la seule année 1846, et, d'autre part, qu'elle ne
rende pas suffisamment compte de la dimension ironique de quelques-uns de ces
textes. Ce trait est surtout inquiétant dans la version de 1980 où, après avoir tenté
de dégager dans ces textes un parallélisme voulu par l'auteur entre la bourgeoisie et
l'artiste Delacroix, elle conclut brusquement que Baudelaire fait en réalité de la
subversion prolétarienne.
Dans son livre, The Absolute Bourgeois : Artists and Politics in France 1848-
1851 (London, Thames & Hudson, 1973), T. J. Clark étudie l'évolution politique
de Baudelaire et de Delacroix sous la Seconde République. Il souligne la divergence
de leurs vues à propos de Proudhon qui, après les journées de Juin, fut censé incar
ner le socialisme révolutionnaire. En 1849, la pensée de Proudhon n'inspire qu'un
triste dédain à Delacroix qui recule d'épouvanté devant la perspective d'une révolu
tion prolétaire.
La bibliographie allemande consacrée à ce sujet est particulièrement important
e. Voir Oskar Sahlberg, Baudelaire 1848 : Gedichte der Revolution, Berlin, Klaus
Wagenbach, 1977 ; Wolfgang Fietkau, Schwanengesang auf 1848. Rendezvous am
Louvre : Baudelaire, Marx, Proudhon und Victor Hugo, Reinbeck bei Hamburg,
Rowohlt, 1978 ; Dolf Oehler, Pariser Bilder I (1830-1848) : Antibourgeoise Âsthe-
tik bei Daumier und Heine, Frankfurt, Suhrkamp, 1979 ; et Hartmut
Stenzel, Der historische Ort Baudelaires, Munchen, Fink, 1980. Nous ferons référen
ce à ces ouvrages au cours de notre étude.
(4) La première collection des articles journalistiques attribués à Baudelaire fut pu
bliée par Jules Mouquet et W.T. Bandy, Baudelaire en 1848, Paris, Émile-Paul,
1946. Plus récemment Claude Pichois a révisé cette collection dans son édition de
Charles Baudelaire, Oeuvres complètes, 2 vol., Paris, Pléiade, 1976. Toutes nos réfé
rences à l'œuvre de Baudelaire sont tirées de cette édition.
(5) Voir l'article de dans Le Représentant de l'Indre (II, 1061) : « Mais
il importe avant tout de bien constater ce fait, c'est qu'une fois, une seule fois peut-
être dans l'histoire de l'humanité, un mouvement s'est produit, qui a rallié en un
faisceau toutes les opinions primitivement existantes, et qu'une époque, une jour
née, une heure a existé, dans le temps, où les sentiments divers de tant d'individus
ne furent plus qu'une immense espérance ». Baudelaire et Proudhon 5 9
nale ne pouvaient ni ne voulaient répondre aux besoins du peuple, par
ticulièrement dans le domaine du droit au travail. Dès les premiers jours
de la République, la question sociale fut à l'origine de tergiversations
continuelles au niveau gouvernemental, ce qui se traduisit dans le pays
par un divorce progressif entre les intérêts du capital et du travail, entre
la République bourgeoise et le peuple.
Au lendemain de la Révolution de Février, Le Salut Public exhorte
le peuple et le gouvernement républicain à la confiance réciproque.
L'image paternelle domine ; conçu sur les barricades, le gouvernement
est issu des entrailles du peuple comme un enfant de son père. Quarant
e-cinq jours plus tard, La Tribune Nationale ne reconnaît plus ce fils
qu'elle juge coupable de trahison envers son père. Le problème du droit
au travail se trouve à l'origine de la désaffection dont La Tribune Na
tionale témoigne à l'égard du gouvernement républicain :« La République
n'aurait rien fait pour nous, qui ne répondrait

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents