De l utopie à la société « pragmatique » : conséquences sociales des réformes économiques en Europe de l Est - article ; n°1 ; vol.6, pg 107-141
38 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

De l'utopie à la société « pragmatique » : conséquences sociales des réformes économiques en Europe de l'Est - article ; n°1 ; vol.6, pg 107-141

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
38 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue d’études comparatives Est-Ouest - Année 1975 - Volume 6 - Numéro 1 - Pages 107-141
La fin de la seconde guerre mondiale a vu naître un nouvel ordre politique dans les pays est-européens : un ordre qui, en raison de ses fondements idéologiques et de son accent posé sur la transformation de l'homme et de la société, peut être qualifié d' « utopique ». Une première expression de cette utopie s'est concrétisée dans l'économie administrative de type soviétique, exportée de son pays d'origine et greffée sur les nouveaux Etats socialistes.
Dans cet article, qui traite des principales conséquences sociales de la réforme économique dans les pays de l'Est, on considère la réforme comme un processus de démantèlement de l'économie administrative — un processus rendu nécessaire depuis que l'on a reconnu la fausseté de l'utopie promise et l'incapacité des méthodes économiques qui lui sont liées à répondre aux besoins économiques actuels des Etats socialistes. Tout comme les conséquences sociales de l'économie administrative ont, dans une grande mesure, modelé la vie quotidienne en Europe de l'Est, de même les conséquences de la réforme promettent de transformer cette vie. L'article se concentre essentiellement sur la réforme hongroise — le Nouveau mécanisme économique — entreprise depuis 1968. Elle est considérée comme un «cas» intéressant éventuellement les autres pays socialistes dont les réformes ne sont pas encore allées aussi loin.
En Hongrie comme ailleurs, l'économie administrative s'est caractérisée par un niveau de vie peu élevé, un certain égalitarisme des salaires versés accompagné d'une sécurité de l'emploi, une offre insuffisante de biens de consommation et de services et un problème chronique du logement. La logique de la réforme — et il s'agit peut-être de l'un de ses effets les plus critiques — met en danger l'égalita- risme (encore qu'à ce niveau peu élevé des salaires moyens) et la sécurité de l'emploi (fondée sur la tolérance d'un sous-emploi déguisé et une faible productivité du travail), qui ont suscité la plus grande part du soutien, quel qu'il soit, apporté aux régimes est-européens par la classe ouvrière. La menace d'une différenciation accrue des revenus, des critères d' «efficience», s'élève contre une forme «populiste» d'égalitarisme répandue au sein de la classe ouvrière qui semble accorder plus d'importance à l'égalité des résultats qu'à l'égalité des chances. Ces phénomènes de même que d'autres conséquences de la plus grande liberté octroyée aux lois d'un quasi-marché (par exemple, un accroissement des revenus paysans par l'augmentation des prix des produits, une différenciation des conditions de logement à mesure que ce dernier tend à devenir un bien « marchand » et non plus « social », etc.) entraînent des transformations dans la situation des couches sociales, jusqu'ici relativement stable.
Ces changements sont matière à controverse et la réforme a aussi bien ses partisans (les économistes qui en sont à l'origine, l'intelligentsia et certains autres groupes conscients de ses avantages futurs) que ses détracteurs. Ces derniers forment un groupe extrêmement varié, comprenant de nombreux fonctionnaires de l'administration et des chefs d'entreprise qui se sentent menacés par l'introduction de nouvelles exigences et de nouveaux critères de succès auxquels ils ne sont pas habitués ; de simples ouvriers qui voient dans la réforme une menace envers leur situation matérielle relativement privilégiée et leur rôle esymbolique ; et peut-être la « nouvelle gauche », c'est-à-dire une partie de l'intelligentsia opposée au pragmatisme régnant, qui semble tendre vers une « société de consommation » socialiste.
Il est indéniable que la réforme a eu des conséquences, du moins en Hongrie. Que celles-ci soient devenues irréversibles est un autre problème. Le sort de la réforme économique, déjà très avancée en Hongrie mais beaucoup moins dans les autres Etats membres du Pacte de Varsovie, dépend non seulement de l'équilibre interne des forces politiques en ce qu'il influence le consensus sur les conséquences sociales de la réforme, mais aussi de l'attitude de PU.R.S.S. Jusqu'ici les Soviétiques n'ont pas réagi de manière défavorable. Cependant, l'indice d'un mécontentement des autorités envers certaines conséquencee du Nouveau mécanisme économique, exprimé lors du plénum du parti socialiste ouvrier hongrois en mars 1974, pourrait refléter une préoccupation non seulement des responsables hongrois, mais aussi du gouvernement soviétique, face aux résultats potentiels de l'abandon de l'utopie au profit du pragmatisme.
The outcome of World War II brought a new political order to the nations of Eastern Europe : an order which, due to its ideological bases and emphasis on transformation of man and society, may be called Utopian. A primary expression of this Utopia was the Soviet-style command economy, transported from the land of its invention and grafted onto the new socialist states.
This essay, which deals with the broad social consequences of economic reform in East Europe, views reform as a process of dismantling the command economy — a process called forth by the recognition that the promised Utopia is false, and that the economic arrangements linked with its attainment fail to meet the contemporary economic needs of the socialist states. Just as the social consequences of the command economy have shaped, to a significant degree, everyday life in East Europe, so do the consequences of reform promise to change that life. The main focus of the essay is on the Hungarian reform — the New Economic Mechanism — in effect since 1968, as a case with potential relevance for other socialist states whose reforms have not yet gone so far.
The command economy, in Hungary as elsewhere, was marked by low living standards, a certain amount of egalitarianism in economic rewards combined with job security, an underprovisioning of the service and consumer goods sectors, and chronic problems of housing shortage. Perhaps most critically of all its impacts, the logic of reform challenges the egalitarianism (though at low average pay levels) and job security (rooted in a tolerance for disguised underemployment and low labor productivity) which have provided much of whatever working-class support exists for the East European regimes. The threat of increased income differentials, of efficiency criteria, confronts a populist form of egalitarianism widespread among the working class, to whom equality of opportunity seems not so important as equality of result. These, and other consequences of allowing freer play to quasi-market mechanism (such as increased peasant incomes via higher produce prices, differentiation in housing as it moves toward becoming a market rather than a welfare item, etc.) imply changes in the hither to relatively stable positions of social strata.
Such changes are matters of controversy, and reform has both its defenders (reform economists themselves, the professional intelligentsia and certain other groups who perceive benefits forthcoming) and its opponents. The latter is an especially mixed group, encompassing numerous political functionaries and enter- prise managers who see their positions threatened by the introduction of new demands, and new and unfamiliar performance criteria, as well as rank-and-file workers who see reform as a threat to their relative material and symbolic status, and, perhaps, New Left intelligentsia as well, opposed to a pragmatism which seems to aim at a socialist consumer society.
The consequences of reform, in Hungary at least, are real : whether they are, as yet, irreversible is another question. The fate of economic reform, already far advanced in Hungary, less so in the other Warsaw Pact states, depends not only on the internal balance of political forces as it affects the consensus on reform's social consequences, but also on the position of the USSR. The Soviet attitude has thus far been benign, but indications of official discontent with some consequences of the NEM, at the March 1974 HSWP plenum, may indicate not only domestic, but also Soviet, concerns with the potential results of replacing Utopia with pragmatism.
35 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1975
Nombre de lectures 52
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Walter D. Connor
De l'utopie à la société « pragmatique » : conséquences
sociales des réformes économiques en Europe de l'Est
In: Revue d'études comparatives Est-Ouest. Volume 6, 1975, N°1. pp. 107-141.
Citer ce document / Cite this document :
Connor Walter D. De l'utopie à la société « pragmatique » : conséquences sociales des réformes économiques en Europe de
l'Est. In: Revue d'études comparatives Est-Ouest. Volume 6, 1975, N°1. pp. 107-141.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_1975_num_6_1_1946Résumé
La fin de la seconde guerre mondiale a vu naître un nouvel ordre politique dans les pays est-européens
: un ordre qui, en raison de ses fondements idéologiques et de son accent posé sur la transformation de
l'homme et de la société, peut être qualifié d' « utopique ». Une première expression de cette utopie
s'est concrétisée dans l'économie administrative de type soviétique, exportée de son pays d'origine et
greffée sur les nouveaux Etats socialistes.
Dans cet article, qui traite des principales conséquences sociales de la réforme économique dans les
pays de l'Est, on considère la réforme comme un processus de démantèlement de l'économie
administrative — un processus rendu nécessaire depuis que l'on a reconnu la fausseté de l'utopie
promise et l'incapacité des méthodes économiques qui lui sont liées à répondre aux besoins
économiques actuels des Etats socialistes. Tout comme les conséquences sociales de l'économie
administrative ont, dans une grande mesure, modelé la vie quotidienne en Europe de l'Est, de même
les conséquences de la réforme promettent de transformer cette vie. L'article se concentre
essentiellement sur la réforme hongroise — le Nouveau mécanisme économique — entreprise depuis
1968. Elle est considérée comme un «cas» intéressant éventuellement les autres pays socialistes dont
les réformes ne sont pas encore allées aussi loin.
En Hongrie comme ailleurs, l'économie administrative s'est caractérisée par un niveau de vie peu élevé,
un certain égalitarisme des salaires versés accompagné d'une sécurité de l'emploi, une offre
insuffisante de biens de consommation et de services et un problème chronique du logement. La
logique de la réforme — et il s'agit peut-être de l'un de ses effets les plus critiques — met en danger
l'égalita- risme (encore qu'à ce niveau peu élevé des salaires moyens) et la sécurité de l'emploi (fondée
sur la tolérance d'un sous-emploi déguisé et une faible productivité du travail), qui ont suscité la plus
grande part du soutien, quel qu'il soit, apporté aux régimes est-européens par la classe ouvrière. La
menace d'une différenciation accrue des revenus, des critères d' «efficience», s'élève contre une forme
«populiste» d'égalitarisme répandue au sein de la classe ouvrière qui semble accorder plus
d'importance à l'égalité des résultats qu'à l'égalité des chances. Ces phénomènes de même que
d'autres conséquences de la plus grande liberté octroyée aux lois d'un quasi-marché (par exemple, un
accroissement des revenus paysans par l'augmentation des prix des produits, une différenciation des
conditions de logement à mesure que ce dernier tend à devenir un bien « marchand » et non plus «
social », etc.) entraînent des transformations dans la situation des couches sociales, jusqu'ici
relativement stable.
Ces changements sont matière à controverse et la réforme a aussi bien ses partisans (les économistes
qui en sont à l'origine, l'intelligentsia et certains autres groupes conscients de ses avantages futurs) que
ses détracteurs. Ces derniers forment un groupe extrêmement varié, comprenant de nombreux
fonctionnaires de l'administration et des chefs d'entreprise qui se sentent menacés par l'introduction de
nouvelles exigences et de nouveaux critères de succès auxquels ils ne sont pas habitués ; de simples
ouvriers qui voient dans la réforme une menace envers leur situation matérielle relativement privilégiée
et leur rôle esymbolique ; et peut-être la « nouvelle gauche », c'est-à-dire une partie de l'intelligentsia
opposée au pragmatisme régnant, qui semble tendre vers une « société de consommation » socialiste.
Il est indéniable que la réforme a eu des conséquences, du moins en Hongrie. Que celles-ci soient
devenues irréversibles est un autre problème. Le sort de la réforme économique, déjà très avancée en
Hongrie mais beaucoup moins dans les autres Etats membres du Pacte de Varsovie, dépend non
seulement de l'équilibre interne des forces politiques en ce qu'il influence le consensus sur les
conséquences sociales de la réforme, mais aussi de l'attitude de PU.R.S.S. Jusqu'ici les Soviétiques
n'ont pas réagi de manière défavorable. Cependant, l'indice d'un mécontentement des autorités envers
certaines conséquencee du Nouveau mécanisme économique, exprimé lors du plénum du parti
socialiste ouvrier hongrois en mars 1974, pourrait refléter une préoccupation non seulement des
responsables hongrois, mais aussi du gouvernement soviétique, face aux résultats potentiels de
l'abandon de l'utopie au profit du pragmatisme.
Abstract
The outcome of World War II brought a new political order to the nations of Eastern Europe : an order
which, due to its ideological bases and emphasis on transformation of man and society, may be called
"Utopian". A primary expression of this Utopia was the Soviet-style command economy, transportedfrom the land of its invention and grafted onto the new socialist states.
This essay, which deals with the broad social consequences of economic reform in East Europe, views
reform as a process of dismantling the command economy — a process called forth by the recognition
that the promised Utopia is false, and that the economic arrangements linked with its attainment fail to
meet the contemporary economic needs of the socialist states. Just as the social consequences of the
command economy have shaped, to a significant degree, everyday life in East Europe, so do the
consequences of reform promise to change that life. The main focus of the essay is on the Hungarian
reform — the New Economic Mechanism — in effect since 1968, as a "case" with potential relevance for
other socialist states whose reforms have not yet gone so far.
The command economy, in Hungary as elsewhere, was marked by low living standards, a certain
amount of egalitarianism in economic rewards combined with job security, an underprovisioning of the
service and consumer goods sectors, and chronic problems of housing shortage. Perhaps most critically
of all its impacts, the logic of reform challenges the egalitarianism (though at low average pay levels)
and job security (rooted in a tolerance for disguised underemployment and low labor productivity) which
have provided much of whatever working-class support exists for the East European regimes. The
threat of increased income differentials, of "efficiency" criteria, confronts a "populist" form of
egalitarianism widespread among the working class, to whom equality of opportunity seems not so
important as equality of result. These, and other consequences of allowing freer play to quasi-market
mechanism (such as increased peasant incomes via higher produce prices, differentiation in housing as
it moves toward becoming a "market" rather than a "welfare" item, etc.) imply changes in the hither to
relatively stable positions of social strata.
Such changes are matters of controversy, and reform has both its defenders (reform economists
themselves, the professional intelligentsia and certain other groups who perceive benefits forthcoming)
and its opponents. The latter is an especially mixed group, encompassing numerous political
functionaries and enter- prise managers who see their positions threatened by the introduction of new
demands, and new and unfamiliar performance criteria, as well as rank-and-file workers who see reform
as a threat to their relative material and symbolic status, and, perhaps, "New Left" intelligentsia as well,
opposed to a pragmatism which seems to aim at a socialist "consumer society".
The consequences of reform, in Hungary at least, are real : whether they are, as yet, irreversible is
another question. The fate of economic reform, already far advanced in Hungary, less so in the other
Warsaw Pact states, depends not only on the int

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents