De la Contradiction sauvage - article ; n°3 ; vol.14, pg 5-58
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Description

L'Homme - Année 1974 - Volume 14 - Numéro 3 - Pages 5-58
54 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Extrait

Claudine Vidal
De la Contradiction sauvage
In: L'Homme, 1974, tome 14 n°3-4. pp. 5-58.
Citer ce document / Cite this document :
Vidal Claudine. De la Contradiction sauvage. In: L'Homme, 1974, tome 14 n°3-4. pp. 5-58.
doi : 10.3406/hom.1974.367476
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1974_num_14_3_367476DE LA CONTRADICTION SAUVAGE
par
CLAUDINE VIDAL
Nous présentons ici l'analyse de quelques mythes répandus au Rwanda et
dans les régions avoisinantes.
Les missions que nous avons effectuées sur le terrain, au Rwanda, avaient
pour objet l'histoire des structures politiques précoloniales et l'étude des pratiques
religieuses traditionnelles. Au cours des premières enquêtes, une recherche sur
la mythologie rwandaise ne nous paraissait pas indispensable. La présence de
traditions à caractère historique, leur richesse et leur diversité nous orientaient
plutôt vers une sociologie de la mémoire collective1. De plus, la vitalité des
croyances anciennes qu'une longue période de répression politique et religieuse
n'avait pas réussi à étouffer et qui, depuis l'Indépendance, sortaient peu à peu
de la clandestinité, nous invitait à mettre au premier plan le rôle joué par les
cultes indigènes dans la résistance au pouvoir étranger. Par ailleurs, nos info
rmateurs présentaient spontanément la continuité de la religion traditionnelle
comme un fait politique.
Une autre raison qui nous incitait à délaisser la mythologie était que les
mythes associés aux rituels traditionnels se trouvaient, le plus souvent, inconnus
des adeptes ou réduits à des résumés vagues et contradictoires. Ce fait ne provenait
pas de l'effacement général des traditions orales, encore bien conservées au Rwanda.
En réalité, ces mythes ne sont détenus que par quelques-uns, non comme savoir
ésotérique, mais comme genre littéraire — celui des ibitekerezo, récits épiques
soigneusement mémorisés — pratiqué par le groupe restreint des informateurs
qui ont eu accès à la culture aristocratique. En tout cas, la connaissance de
ces mythes n'apparaissait pas indispensable aux adeptes des cultes anciens2.
1. Claudine Vidal, « Enquête sur le Rwanda traditionnel : conscience historique et
traditions orales », Cahiers d'Études africaines, 1971, XI (44) : 526-537.
2. Par ailleurs, des recherches ont déjà été engagées sur la mythologie rwandaise. Citons
la plus importante, celle de Luc de Heusch : Le Rwanda et la civilisation interlacustre. Études
d'anthropologie historique et structurale, Bruxelles, Institut de Sociologie de l'Université Libre,
1966. A bien des égards, l'ouvrage de L. de Heusch nous a facilité la tâche. Si nous reprenons
L'Homme, juil.-déc. 1974, XIV (3-4), pp. 5-58. CLAUDINE VIDAL 6
Mais des informateurs nous ont donné la possibilité d'accéder à des rituels
dont la méfiance à l'égard d'un étranger et l'obligation religieuse de ne rien révéler
à des non-initiés nous avaient longtemps écartée. Cette connaissance directe
nous a fait apprécier l'importance des représentations mythiques dans le dérou
lement du rituel. Toutefois, nous ne pouvions différencier, dans les gestes et les
paroles des acteurs, les éléments qui dépendaient des règles propres au rituel
de ceux qui relevaient de l'ordre du mythe. La discussion générale consacrée par
Claude Lévi-Strauss à ce problème, dans le « Finale » des Mythologiques, nous en
a révélé la complexité3. Aussi avons-nous décidé de procéder par étapes, d'élucider
en premier lieu la structure des mythes qui fondent explicitement le rituel, avant
d'analyser les représentations qui l'accompagnent et d'entreprendre enfin l'étude
des conduites ritualisées elles-mêmes. Voici les résultats de la première étape.
I. — Les dangers de la forêt
La geste de Ryangombe (Mi)4 est le mythe qui fonde le kubandwa, rituel
rwandais d'initiation associé au culte des ancêtres5. Très long, ce mythe se présente
souvent sous la forme d'épisodes narrés isolément. Nous respecterons les coupures
introduites par les conteurs, mais nous adopterons un ordre chronologique dont,
en général, ils ne se soucient pas6.
Voici le récit de la jeunesse de la mère de Ryangombe.
Une jeune fille, nommée Karimurore, gardait le troupeau de son père.
Un jour elle se transforma en lion, dévora quelques veaux, puis reprit
certaines de ses analyses dans une perspective explicitement structurale, c'est que, depuis 1966,
l'étude des mythes a connu de tels progrès qu'elle s'est transformée. L. de Heusch a lui-même
contribué, pour une large part, à ce renouvellement par de nombreux textes consacrés à
la défense critique et à l'illustration de l'anthropologie structurale (cf. Pourquoi l'épouser ?
et autres essais, Paris, Gallimard, 1971).
3. Claude Lévi-Strauss, Mythologiques IV. L'Homme nu, Paris, Pion, 1971 : 596-611.
4. Cf. bibliographie des mythes, infra, p. 57.
5. Le kubandwa existait pratiquement dans tous les royaumes de l'aire interlacustre.
Cette initiation pouvait être subie par les hommes, les femmes et les enfants sans distinction
d'âge. Elle était prescrite par la divination, afin d'apaiser les esprits des ancêtres grâce à
l'entremise des Imandwa, héros qui formaient la suite de Ryangombe. Au cours de la céré
monie, les officiants jouaient le rôle des Imandwa, tandis que l'un d'entre eux, l'initiateur,
représentait Ryangombe.
6. Nous avons enregistré sur le terrain plusieurs versions du mythe de Ryangombe.
Nous nous réservons de les publier plus tard et d'en analyser les variantes. Aussi n'utiliserons-
nous ici que des versions déjà publiées, pour que le lecteur désireux de connaître les textes
originaux puisse s'y reporter. Nous ne ferons appel à nos enregistrements que lorsque les
récits que nous avons recueillis permettent d'éclairer un détail ou apportent une précision
complémentaire. Nous donnons dans la bibliographie (p. 57) les indications concernant les
sources que nous avons utilisées. CONTRADICTION SAUVAGE 7
sa forme humaine. La même scène se répéta plusieurs fois. Inquiet de
la disparition de ses bêtes, son père l'épia et surprit les agissements de
sa fille. Il ne dit rien et se contenta de lui retirer la garde des troupeaux,
sous prétexte qu'elle était devenue trop âgée. Il engagea un berger pour
la remplacer. Au bout de quelque temps, celui-ci demanda la main de
Karimurore. Elle lui fut accordée, mais son beau-père, sans lui révéler
le secret de sa fille, lui recommanda de se tenir sur ses gardes.
Le jeune couple eut un fils. Au bout d'un an, le berger demanda à sa
femme de lui révéler son secret. Elle refusa longtemps. A la fin, lassée de
son insistance, elle se décida. Elle lui demanda de bien fermer la hutte,
et se transforma alors en lionne. Terrifié, son mari perdit connaissance.
Le lendemain matin, il s'en fut chez son beau-père, lui dit qu'il refusait
désormais de vivre avec Karimurore et disparut pour toujours.
Plus tard, Babinga, fils de Nyundo et roi des Imandwa, demanda la
main de Karimurore. Son père l'agréa comme gendre et lui recommanda de
se tenir sur ses gardes. Babinga s'y engagea. Le soir du mariage, il dit à
Karimurore qu'elle s'appellerait désormais Nyiraryangombe. Elle accoucha
d'un garçon, Ruhanga, qui mourut en bas âge. Elle accoucha ensuite d'un
autre Ryangombe. Arrivé à l'âge adulte, Ryangombe se maria et
nomma son premier fils Ruhanga, en souvenir de son frère mort. (Arnoux)
La version enregistrée par Johanssen présente quelques différences :
Karimurore se prénomme également Nyabirezi. Après avoir, par mégarde,
bu de l'urine de lion, elle se transforma en lion. La suite de l'histoire est
la même, sinon qu'elle eut de son premier mariage une fille, Nyabirungu.
Lorsque son mari lui demanda de lui révéler son secret, il la brutalisa.
Elle lui demanda alors de convoquer tous ses parents, paternels et
maternels. Une fois son mari et la famille de celui-ci réunis au grand
complet, elle se changea en lion et les dévora tous. Par la suite, elle
épousa Babinga. (Johanssen)
Abordons le détail des séquences qui composent cet épisode. Elles relatent

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