De la crise financière à la crise alimentaire : l Indonésie en 1997-1999 - article ; n°162 ; vol.41, pg 411-430
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De la crise financière à la crise alimentaire : l'Indonésie en 1997-1999 - article ; n°162 ; vol.41, pg 411-430

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Tiers-Monde - Année 2000 - Volume 41 - Numéro 162 - Pages 411-430
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Françoise Gérard
De la crise financière à la crise alimentaire : l'Indonésie en 1997-
1999
In: Tiers-Monde. 2000, tome 41 n°162. pp. 411-430.
Citer ce document / Cite this document :
Gérard Françoise. De la crise financière à la crise alimentaire : l'Indonésie en 1997-1999. In: Tiers-Monde. 2000, tome 41
n°162. pp. 411-430.
doi : 10.3406/tiers.2000.1397
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2000_num_41_162_1397LA CRISE FINANCIÈRE DE
À LA ALIMENTAIRE :
L'INDONÉSIE EN 1997-1999
par Françoise Gérard*
La crise alimentaire indonésienne de 1998 est bien plus le résultat de
la crise financière - qui a touché le pays lors de l'été 1997 et s'est tra
duite dès 1998 par une division par 3 de la valeur de la monnaie -, que
de la crise climatique. L'augmentation du prix des vivres, difficilement
évitable pour les biens échangeables lors d'une forte dépréciation monét
aire, est au cœur de la crise sociale, qui vient amplifier la crise écono
mique en handicapant fortement le fonctionnement des marchés. La crise
alimentaire est la résultante de la forte récession économique.
Après trente années d'un développement économique remarquable,
l'Indonésie, touchée comme ses voisins par la crise financière de
l'été 1997, sombre en 1998 dans un brutal marasme économique. Alors
que la sécurité alimentaire de ce pays de 200 millions d'habitants semb
lait acquise depuis le milieu des années 1980, 1998 est marquée par
une crise grave alimentaire. Comment en est-on arrivé là? Quelles
leçons pouvons-nous en tirer? C'est à ces questions que nous tente
rons de répondre. Nous décrirons d'abord la crise alimentaire et son
impact sur la majorité des Indonésiens (section 1) avant de nous inter
roger sur les causes de cette crise, en examinant les performances du
secteur agricole. Certes, la production a été fortement affectée par les
difficultés climatiques et économiques de 1997-1998, mais la disponibil
ité alimentaire globale n'a que peu varié (section 2). C'est donc ail
leurs qu'il convient de rechercher les causes de cette crise alimentaire :
dans l'effondrement de l'ensemble du système économique indonésien.
La diffusion de la récession à l'ensemble de l'économie, depuis les sec-
* CIRAD AMIS ECOPOL.
Revue Tiers Monde, t. XLI, n° 162, avril-juin 2000 412 Françoise Gérard
teurs directement affectés par la crise financière (construction et finan
ces), et la manière dont la crise financière s'est transformée, en moins
d'une année, en une crise économique et institutionnelle profonde en
Indonésie sont ensuite analysées (section 3). L'augmentation du prix
des vivres, en dépit de la tentative de stabilisation, va jouer un rôle
catalyseur dans la crise politique et renforcer la détresse des populat
ions urbaines (section 4). Enfin, si la crise alimentaire est bien le
résultat de la crise financière, le débat sur ses origines et ses
implications en termes de politique économique est loin d'être clos
(section 5).
1. FLAMBÉE DES PRIX ET CRISE ALIMENTAIRE
En Indonésie, la crise financière prend rapidement des proportions
dramatiques, avec la division par 3 de la valeur de la monnaie et se
traduit par une crise économique profonde.
Le riz, le maïs et le soja constituent la base de l'alimentation des
Indonésiens. Le riz fournissait en moyenne, avant la crise, entre 35 et
67 % des calories et entre 32 et 60 % des protéines, en fonction du
niveau de revenu. Pour les plus pauvres, le maïs et le manioc jouaient
un rôle encore important dans l'alimentation. Pour tous, le soja
garantissait un apport majeur en protéines (11 % en moyenne), la
consommation de viande, quoiqu'en augmentation rapide, étant
encore faible. Entre septembre 1996 et septembre 1998 les prix
moyens du riz au détail augmentent de plus de 230 %, ceux du soja
de 187%, ceux du manioc de 174% et ceux du maïs de 124%
(fig. 1)1. Pendant la même période, les salaires nominaux n'ont aug
menté que de 20 à 50% selon les secteurs tandis que le chômage
croissait d'environ 20%. Si l'on sait que les dépenses alimentaires
représentaient plus de 80 % des dépenses totales pour un large groupe
de la population, on réalise aisément les difficultés générées par ces
augmentations de prix et l'importance de la crise alimentaire. Ainsi,
la situation des plus pauvres est bien résumée par un indicateur du
bit : le salaire journalier minimum reste inchangé entre janvier 1997
et mi-juin 1998, mais son pouvoir d'achat est fortement déprécié :
alors qu'il permettait d'acheter 6,3 kg de riz en début de période, il
n'offre plus que 2,6 kg dix-huit mois plus tard2.
1. Ces augmentations sont calculées à partir des moyennes mensuelles de prix, elles masquent ainsi
la variabilité intramensuelle, particulièrement importante, et les variations d'un marché à l'autre.
2. ILO, 1998. L'Indonésie en 1997-1999 413
5000
4000
sucre
maïs — - -manioc
Fig. 1. — Prix à la consommation
La plupart des consommateurs, ruraux comme urbains, vont éno
rmément souffrir de cette situation. Alors que les dévaluations profitent
classiquement au secteur exportateur, grâce à un regain de compétitiv
ité, seules quelques productions - café, cacao, épices - généreront une
augmentation substantielle de revenus en Indonésie1. Au contraire,
tous les petits producteurs vivriers dont l'exiguïté des surfaces cultivées
n'assurait pas Fautosuffisance en riz et dont les activités extra-agri
coles étaient indispensables avant la crise, ont connu une baisse dra
matique de leur revenu. C'est le cas de nombreux ménages ruraux,
dans les îles extérieures2 comme à Java3. En effet, la crise économique
a fortement réduit les occasions d'emplois extra-agricoles offertes aux
ruraux. Par ailleurs le prix des intrants importés a triplé dès le début
de la crise tandis que les engrais, toujours subventionnés, devenaient
introuvables, souvent détournés par les agents gouvernementaux
locaux au bénéfice des grandes plantations. La production, surtout
dans la zone pluviale, a été fortement réduite par les conditions clima
tiques. Enfin, les producteurs de denrées vivrières ont été handicapés
par la politique menée, minimisant l'augmentation des prix pour ne
pas exacerber la tension sociale. Malheureusement pour la plupart
d'entre eux, l'augmentation des prix, conséquence de l'échec de la
régulation (voir section 4), a été trop tardive de sorte qu'ils n'ont pu
en bénéficier pour la récolte principale. Toutefois, le retard des pluies
au cours de la saison agricole 1998 a permis aux producteurs les mieux
lotis (zone irriguée, surface suffisante) de profiter de la hausse des prix
et d'améliorer leurs revenus4.
1. Ruf et al, 2001a et b.
2. Levang et al., 2001.
3. Gérard et Marty, 1999.
4. Bourgeois et Gouyon, 2001. 414 Françoise Gérard
Ainsi, même les zones rurales ont été durement touchées par la
crise économique. La pauvreté a augmenté de manière dramatique,
concernant environ 100 millions de personnes, soit la moitié de la
population à la fin 19981. En mai 1998, le ministère de la Consommat
ion estimait à 50 millions le nombre d'Indonésiens vivant dans des
districts classés en situation d'insécurité alimentaire2.
L'augmentation des prix des vivres va se traduire par une modifi
cation du régime alimentaire, le maïs et le manioc remplaçant le riz,
ce qui signifie un retour à des habitudes ď « avant la croissance »,
ramenant le pays vingt à trente ans en arrière, avec une hausse de la
prévalence de la malnutrition. D'après une enquête menée à Java
Central3, l'anémie chez les enfants de moins de 3 ans a augmenté de
25 % et 30 % des femmes sont touchées. Le prix des médicaments,
pour la plupart importés, a triplé et la mortalité infantile a très fort
ement augmenté.
La vente d'actifs est une stratégie couramment utilisée par 3 fa
milles rurales sur 4 et par plus des 4/5 des urbains d'après une enquête
du bit4. Ces « ventes de détresse » s'effectueront à des niveaux d

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