De la louange collective à l angoisse du salut individuel: étude du Ms. 3 de la bibliothèque de Catalogne à Barcelone - article ; n°1 ; vol.22, pg 111-129
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De la louange collective à l'angoisse du salut individuel: étude du Ms. 3 de la bibliothèque de Catalogne à Barcelone - article ; n°1 ; vol.22, pg 111-129

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Description

Mélanges de la Casa de Velázquez - Année 1986 - Volume 22 - Numéro 1 - Pages 111-129
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 20
Langue Français

Extrait

Dominique Lavedrine de
Courcelles
De la louange collective à l'angoisse du salut individuel: étude
du Ms. 3 de la bibliothèque de Catalogne à Barcelone
In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 22, 1986. pp. 111-129.
Citer ce document / Cite this document :
Lavedrine de Courcelles Dominique. De la louange collective à l'angoisse du salut individuel: étude du Ms. 3 de la bibliothèque
de Catalogne à Barcelone. In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 22, 1986. pp. 111-129.
doi : 10.3406/casa.1986.2463
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230X_1986_num_22_1_2463DE LA LOUANGE COLLECTIVE
A L'ANGOISSE DU SALUT INDIVIDUEL:
ETUDE DU MS. 3 DE LA BIBLIOTHEQUE DE CATALOGNE A BARCELONE
Par Dominique LA VEDRINE DE COURCELLES
Membre de la Section Scientifique
Le manuscrit 3 de la Bibliothèque de Catalogne de Barcelone est un
livre en papier, d'une écriture homogène que les paléographes s'accordent à
dater du milieu du XVe s. Parfaitement conservé, il comporte quatre-vingt-
onze feuillets foliotés récemment. Il mesure 200 mm, sur 135 mm; sa
justification approximativement 170 mm, sur 100 mm. Le texte est écrit à
l'encre brune sur une seule colonne, à raison d'une vingtaine de lignes par
page. Il n'y a aucune rubrication ni aucune décoration, donc pas d'image.
A la fin du XIXe s., le manuscrit est catalogué comme "chansonnier de
vies de saints". Et en effet il s'agit bien d'un recueil de textes hagiographiq
ues. Les vingt-quatre compositions sont intitulées "cobles", c'est-à-dire
"couplets" faits à la louange de tel ou tel saint. Parmi elles — et c'est ce qui
constitue l'un des intérêts et aussi l'attachant mystère du recueil — , dix-huit
s'apparentent de façon très remarquable au type des "goigs" ou "joies", qui
sont encore chantés aujourd'hui, à la fin du XXe s., en Catalogne. Les goigs
classiques, imprimés en grand nombre au XVIIe et surtout au XVIIIe s., ont
de huit à douze strophes de huit vers heptasyllabiques introduites par une
entrada ou introduction de quatre vers et séparées et conclues par une
tornada ou refrain de quatre vers également. Les dix-huit "cobles" ou "joies"
du manuscrit 3 de la Bibliothèque de Catalogne sont pour leur part
beaucoup plus longues, puisqu'elles ont entre onze et dix-neuf strophes ;
toutes leurs strophes contiennent huit vers qui ne sont pas toujours
heptasyllabiques ; elles ne possèdent pas toujours à la fois une entrada et une
Mélanges de la Casade Velazquez. (M.C.V.), 1986, tXXII, p.111-129. 1 12 DOMINIQUE LA VEDRINE DE COURCELLES
tornada. Les autres textes du recueil, beaucoup moins nombreux, ont des
strophes de dix vers décasyllabiques ; l'absence de refrains ou de formules
répétées qui les caractérise leur donne une configuration plus abstraite, plus
sèche.
Les textes ainsi écrits sont parmi les plus anciens conservés en
Catalogne, le recueil nous livre donc pratiquement le premier ensemble de
"joies" en langue vernaculaire connues, avant toute transformation simplifi
catrice due à l'imprimerie et à ses dispositifs typographiques '. Les ex-libris
indiquent seulement deux propriétaires. Le premier, sur le feuillet 1, porte
"De la libreria mayansiana". Le manuscrit a donc appartenu au grand érudit
et humaniste du XVIIIe s., G. Mayans (1699-1781), "champion de cet
humanisme à la fois chrétien et laïc capable d'en remontrer aux théologiens
et aux prédicateurs"2. G. Mayans comme Erasme, était partisan d'une piété
plus intérieure; mais il s'en prenait aux subtilités et aux aberrations des
clercs savants autant qu'aux superstitions du peuple dues à son ignorance.
Quel usage faisait-il d'un tel recueil? Le second ex-libris consiste en une
inscription en lettres d'or, placée sur le plat extérieur en carton couvert de
cuir de la reliure: "Biblioteca de Salvà", entourant deux mains qui se
joignent. P. Salvà était un collectionneur érudit de la seconde moitié du
XIXe s. Son fils a publié en 1872 un Catâlogo de la biblioteca de Salvà dans
lequel il attribue au manuscrit le numéro 541 3. Le recueil n'est-il plus à cette
époque qu'un objet de curiosité? Autant de questions sans réponses, de
même qu'il est impossible de savoir comment ce manuscrit, copié pour être
lu assurément, a été possédé et médité du XVe s. à la fin du XVIIe s.
1 — La louange et la poétique
Au carrefour de la religion, de la création littéraire et de la sensibilité,
les "cobles" du manuscrit 3 de la Bibliothèque de Catalogne constituent
peut-être les traces du passage de la forme primitive orale à une forme codée
graphique et, en ce sens, ils sont à la fois transformation et mémoire d'une
1. Voir Roger Chartier, "Du livre au lire", dans Pratiques de la lecture, 1985, Paris, p. 80-82.
2. Joël Saugnieux, Cultures populaires et cultures savantes en Espagne du Moyen Age aux
Lumières, Paris, éd. du CNRS, 1982, p. 108.
3. Pedro Salva y Malien, Catâlogo de la Biblioteca de Salvà..., Valencia, impr. de Ferrer de
Orga, 1872. DE LA LOUANGE COLLECTIVE A L'ANGOISSE DU SALUT INDIVIDUEL 1 1 3
tradition hagiographique, poétique et chantée4. Le montage du recueil pose
évidemment des problèmes complexes, difficiles à résoudre. Le lieu et la date
exacte de composition, le milieu de circulation, le rapport entre l'oral des
chants 5 et l'écrit qui le reproduit sont mal définis. Selon J. Massô Torrents,
le manuscrit pourrait avoir été copié à Valencia; ce n'est en fait qu'une
hypothèse, peu verifiable, mal fondée6. Faut-il parler également d'unité
d'auteur? La cohésion, les thèmes analogues des poèmes prouvent surtout
l'homogénéité de leur milieu de genèse. Pierre Bourdieu a bien montré que
des artistes à un moment donné peuvent développer un nouveau mode
d'expression, sans l'avoir consciemment voulu ni élaboré et sans avoir
délibéré des choix qu'ils font parmi l'éventail existant de toutes les possibili
tés d'expression ; ce n'est qu'a posteriori qu'on passe à la "catégorisation" et
que se forme un code de lecture de ces œuvres, c'est-à-dire un "système
historiquement constitué et fondé dans la réalité sociale"7. Cette analyse
s'applique complètement à la forme des "joies" qui, somme toute, ne
représente qu'un mode d'expression parmi d'autres du chant religieux mais
connaîtra une durable efficience collective.
Les mots "loar" et plus rarement "recitare" qui apparaissent dans les
introductions des "cobles" indiquent peut-être la coexistence des deux
systèmes musical 8 et linguistique. Les deux mots ont en effet dans le catalan
du Moyen Age le sens de "chanter", "déclamer en psalmodiant", "célébrer"9.
4. En fait, il n'est pas facile de savoir dans quel sens s'effectue le passage. La tradition orale
peut se mettre en place à partir de l'écrit. Paul Zumthor dans La poésie et la voix dans la
civilisation médiévale, Paris, 1984 (Essais et conférences, Collège de France), distingue
deux types d'oralité caractéristiques de la poésie médiévale : une oralité mixte, selon
laquelle l'influence de l'écrit demeure partielle et retardée, et une seconde qui se
recompose à partir de l'écriture.
5. L'emploi du mot chant est sans doute ici préférable à celui de cantique, plus ambigu. En
effet, la définition du cantique comme chant religieux en langue vernaculaire est
relativement récente; généralisée dans le cadre de la production posttridentine, elle
s'impose parmi d'autres termes dans le courant du XVIIIe siècle.
6. Jaume Masso Torrents, Repertori de l'antiga literatura catalana, Barcelone, 1932, vol. I
La Poesia, Ie les manuscrits.
7. Pierre Bourdieu, "Eléments d'une théorie sociologique de la perception artistique", dans
Revue internationale des sciences sociales, vol. XX (1968), nQ 4, p.648.
8. Le concept de système musical implique celui d'échelle musicale, difficile à évaluer dans le
seul mot "recitare".
"recitare" et même "cantar" 9. Toute l'ambiguité subsiste cependant : les verbes "loar",
indiquent surtout que la voi

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