Déchirure. Variations sur le sacré - article ; n°1 ; vol.42, pg 83-95
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Description

Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique - Année 1994 - Volume 42 - Numéro 1 - Pages 83-95
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 51
Langue Français

Extrait

Charly Hedrich
Déchirure. Variations sur le sacré
In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°42, 1994. pp. 83-95.
Citer ce document / Cite this document :
Hedrich Charly. Déchirure. Variations sur le sacré. In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°42, 1994. pp. 83-
95.
doi : 10.3406/chris.1994.1683
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1994_num_42_1_1683SIGNES
DECHIRURE
Variations sur le sacré, à partir de la
déchirure du voile du temple de Jérusalem
à la mort de Jésus.
Charly Hédrich
J'ai travaillé trente ans dans la Mission Populaire Evangélique. Et
ma démarche dans cette Mission aurait pu se traduire par ces vers
d'Arthur Rimbaud : « Je m' en allais les poings dans mes poches cre
vées. Mon paletot aussi devenait idéal. » Et peu à peu, naïvement
peut-être, s'était ancrée en moi la conviction que le sacré à été défini
tivement écarté par l'humanité, la liberté, la proximité de Jésus, que la
Bonne Nouvelle de l'Evangile est pour tous, et qu'elle peut se vivre au
quotidien pour tout être humain. Nulle hiérarchie, nulle suprématie
n'était nécessaire, chacun pouvait s'approprier la joie de la promesse
et en vivre.
Mac Ail était venu en 1871 pour « évangéliser les ouvriers de
Paris ». Un ouvrier l'avait apostrophé : « Dans notre quartier où
vivent des dizaines de milliers de travailleurs, nous sommes contre
toute Eglise, mais si quelqu'un nous apportait une religion de liberté
et de vérité, nous serions prêts à l'écouter ! » Cette interpellation,
comparable à l'appel du Macédonien pour l'apôtre Paul (Actes 16, 9),
est à l'origine de l'ouverture des salles de la Mission Populaire Evan
gélique ; elle m'est apparue comme une porte ouverte pour tous les
hors-les-murs, les marginaux, ceux qu'on ne rencontre jamais dans les
Eglises : ils sont devenus mes compagnons de vie ; j'ai lu l'Evangile
Charly Hédrich est pasteur (ERP).
83 avec eux, ils m'en ont fait découvrir des dimensions nouvelles, éclairé
des espaces jusque là restés dans l'ombre.
« Vous les receleurs de la grande espérance, rendez-la nous ! »
Cette parole de Garaudy semble bien exprimer le danger d'un sacré
pour privilégiés, d'une mainmise sur un message qui est pour tous,
comme si les sages, les puissants, les religieux, les Eglises l'avaient
catalogué et enfermé. Et convaincu du « tout est à vous, mais vous
êtes au Christ, et le Christ est à Dieu » (1 Corinthiens 3, 22-23), fo
rmule lapidaire de l'abolition du sacré, «je m'en allais les poings dans
mes poches crevées. Mon paletot aussi devenait idéal. » Le doyen
Laurent Gagnebin m'a interpellé : « Le sacré aboli ? Qu'est-ce que
vous croyez ? Allez-y voir de plus près ! » A bien considérer, il a fallu
alors déchanter. Cette libération d'un sacré écrasant, cette possibilité
d'épanouissement, d'accès direct à Dieu existe sans doute. Le voile du
Temple de Jérusalem s'est bien déchiré à la mort de Jésus, ouvrant au
tout venant les lieux les plus réservés. Mais l'être humain, qui semble
avoir besoin du sacré comme une plante a besoin d'eau, a remis en
place tout un système de gestes, de rites, de symboles qui flirtent avec
le sacré. Tout cela suscite une approche de cette notion de sacré sur
laquelle tant de gens se sont déjà penchés.
Déchirure ?
L'intervention de Jésus a effectué une déchirure :
- tout de suite après son baptême par Jean-Baptiste, « // voit les deux
se déchirer et l'Esprit, comme une colombe, descendre sur lui. »
(Marc 1, 10). Le participe grec qui précède ovpauoix:, c'est crxiCojie-
uoiK : les cieux se déchirent comme une étoffe, signe que Dieu inter
vient par l'envoi de l'Esprit Saint ;
- dans une controverse avec les Pharisiens, Jésus raconte cette séquen
ce : « Personne ne coud une pièce de tissu neuf à un vieux vêtement,
sinon le morceau neuf qu'on ajoute tire sur le vieux vêtement et la
déchirure est pire. » (Marc 2, 21) ; le mot grec traduit par « déchi
rure » est axtcrfia ;
- au moment où Jésus avoue devant le Sanhédrin qu'il est le Messie,
« le grand prêtre déchira ses tuniques. » (Marc 14, 63) ; le verbe grec
traduit par « déchira » est ôiappj]GGco ;
- au moment où Jésus meurt, « le rideau du temple se déchira en
deux. » (Marc 15,38) ; le verbe grec crxiCu est le même que dans Marc
1, 10, et de la même racine que le mot traduit par « déchirure » dans
84 Marc 2, 21. Ainsi, l'évangile de Marc est encadré par ce thème de la
déchirure. D'où la puissance de ce symbole : les cieux, le vieux vête
ment, les tuniques du grand prêtre, le voile du temple. Qu'est-ce qu'ils
connotent, qu'est-ce qu'ils signifient, sinon le tissu officiel de la for
mation sociale juive du temps de Jésus, dont l'évangile raconte just
ement la déchirure ? C'est l'intervention de Jésus qui aboutit à la sub
version de ce tissu. Je me limite à la quatrième déchirure, celle du
voile du temple qui est mentionnée par les trois évangiles synoptiques.
Principales interprétations de la déchirure
1. Elle suggérerait la destruction totale et irrémédiable du Temple
de Jérusalem.
2. Elle serait l'annonce de la desecration du sanctuaire et de la
transformation de l'ancienne Alliance.
3. Elle révèle aux humains tous les mystères de Dieu transcendant.
4. Tout être humain, le païen comme le juif, peut désormais « pénét
rer au-delà du voile, là où est entré pour nous, en précurseur,
Jésus. » (lettre aux Hébreux 6, 19-20).
5. C'est le Christ lui-même, « traversant la tente plus grande et plus
parfaite, qui n' est pas faite de main d'homme, c'est-à-dire qui n'est
pas de cette Création-ci, qui entra une fois pour toutes dans le Sanct
uaire. » (lettre aux Hébreux 9, 11-12).
Toutes ces interprétations sont pertinentes ; elles s'appuient sur le
projet de chacun des trois évangiles synoptiques. C'est la lettre aux
Hébreux et le livre d'Andrew Murray (1) qui me permettent de tran
cher entre ces diverses interprétations et de dire quel est pour moi le
sens de ce récit dont je fais librement une lecture symbolique. Je
penche plutôt vers les 3, 4 et 5. Le déchirement du
rideau ouvre le Saint des Saints à tous.
De quel voile s'agit-il ?
Quelle était, à l'époque de la mort de Jésus, l'aptitude de ce voile à
être vraiment un symbole ? C'est un signe à décoder à l'aide du Pre
mier Testament. Il y avait deux voiles dans le Tabernacle, puis dans le
Temple :
1. un rideau extérieur (KaXvfifia) qui séparait le parvis du Taber
nacle et qui cachait l'ensemble des lieux consacrés, de leurs mobiliers
et des rites qui s'y accomplissaient ;
85 un rideau intérieur (KaTaneraafia) qui cachait le Saint des 2.
Saints, et, bien que depuis 581 avant Jésus-Christ l'Arche de l'Allian
ce et ses accessoires aient disparu aux mains des Babyloniens, ce lieu
vide demeurait le seul lieu sacré qu'Israël avait conservé : le Très
Saint. Le jour du Grand Pardon, Yom Kippour, était le seul jour de
l'année, en automne, où le Grand Prêtre pénétrait derrière ce rideau
pour faire le rite d'absolution en sa faveur et en faveur de tout le
peuple, avec le sang du taureau sacrifié (Lévitique 16, 1 1-14).
De ces deux voiles, lequel s'est déchiré de haut en bas ? On peut
penser à l'un et à l'autre. Et, puisque, de toute évidence, ce déchire
ment est autre chose qu'un fait divers sans portée, il y a lieu de se
demander s'il prend sa signification seulement du rideau, ou aussi du
dessin qui était représenté sur ce rideau.
Or il y avait une déchirure partant du Ciel sur le dessin du rideau.
Elle se propageait d'un trait ininterrompu sur la Terre, la forçant à
s'ouvrir en ce qu'elle a de plus dur : des rochers, et de plus inviolable :
des tombeaux. Pour Philon d'Alexandrie, le Saint des Saints, demeure
de l'Eternel, corresp

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