Des réfugiés en Espagne: les religieux français et les décrets du 29 mars 1880 - article ; n°1 ; vol.17, pg 291-319
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Mélanges de la Casa de Velázquez - Année 1981 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 291-319
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 46
Langue Français
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Extrait

M. Jean-Marc Delaunay
Des réfugiés en Espagne: les religieux français et les décrets du
29 mars 1880
In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 17, 1981. pp. 291-319.
Citer ce document / Cite this document :
Delaunay Jean-Marc. Des réfugiés en Espagne: les religieux français et les décrets du 29 mars 1880. In: Mélanges de la Casa
de Velázquez. Tome 17, 1981. pp. 291-319.
doi : 10.3406/casa.1981.2350
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230X_1981_num_17_1_2350DES REFUGIES EN ESPAGNE : LES RELIGIEUX
FRANÇAIS ET LES DECRETS DU 29 MARS 1880.
Par Jean-Marc DELAUNAY
Membre de la Section Scientifique
L'équilibre subtil et complexe, entre mondes laïcs et ecclésiastiques, dans
l'Occident chrétien, a interféré en permanence sur la vie internationale. D'une
part, à cause de la "pyramide extra-territoriale" de l'organisation catholique,
c'est-à-dire de son unicité même; d'autre part à cause des luttes entre
organisations étatiques et groupes religieux nationaux qui ont provoqué de
nombreux mouvements migratoires, au-delà des frontières. Hérétiques,
schismatiques et représentants d'un centre supranational, d'inspiration
surnaturelle, ont subi depuis le Moyen Age, autant d'ostracismes que les
adversaires politiques ou les minorités étrangères, face à des pouvoirs établis
affirmant leur originalité nationale et idéologique.
La France et l'Espagne, par la nature même de leurs formes de
gouvernement, ont été, à ce sujet, de remarquables "vases communicants",
depuis la Révolution Française jusqu'à la Seconde République Espagnole.
Ainsi, entre les deux pays, les persécutions -selon les uns- les opérations de
salut public -selon les autres- ont provoqué de nombreuses vagues
d'émigration :
- vers le Sud à partir de 17911 et de 1828 à 18342,
- vers le Nord, en L835 et 18683,
- vers le Sud, en 1880 et à partir de 19014,
- vers le Nord, en 19325 et 19366.
1 Cf. L. Sierra Nava, "Emigration du clergé français en Espagne, 1791-1800", art, in vol 1 des
Actes du 94e Congrès National des Sociétés Savantes (Pau, 1969). Section d'Histoire Moderne
et Contemporaine, p. 219-242.
2 Cet exil ne concerna que la Compagnie de Jésus (ordonnance de Charles X, 16 juin 1828).
3 Sur les mesures anticléricales des gouvernements espagnols cf. J.M. Castells, Las asociaciones
religiosas en laEspana contemporânea 1767-1965, Taurus, Madrid, 1973, p. 1 18-147 et 221-242.
4 Les exils du début du XXe siècle feront l'objet d'un second volet, à paraître dans les Mélanges
de la Casa de Velâzquez (1982). La bibliographie relative aux décrets et lois anticléricales en
France serait ici fastidieuse, cf. J.M. Mayeur, L'Histoire religieuse de la France (XIXe-XXe s.)
Problèmes et méthodes, Paris, 1975, et surtout P. Chevallier, La Séparation de l'Eglise et de
l'Ecole, Paris, 1981.
5 Décret d'expulsion et de dissolution des Jésuites (24 janvier 1932).
6 Départ de la quasi-totalité des religieux et religieuses étrangers à cause du déclenchement de la
guerre civile. 292 JEAN-MARC DELAUNAY
Nous nous attacherons uniquement -dans ce bref article- au mouvement de
1880, de plus faible ampleur que ceux de la Révolution Française et du début
du XXe s. et, partant, moins bien connu.
1. LES JESUITES, HORS-D'OEUVRE DU MENU ANTICLERICAL.
Dans leurs programmes électoraux de 1869, Gambetta et Jules Ferry, têtes
de file du républicanisme, annonçaient déjà leur volonté ferme d' œuvrer en
vue d'établir une séparation nette des Eglises et de l'Etat1. Après la guerre
franco-allemande et l'écroulement du Second Empire, l'adoption des lois
constitutionnelles de 1875 et l'impressionnante série de victoires républicaines
aux diverses consultations des années 1876-1879 acculèrent Mac-Manon à la
démission, le 30 janvier 1879. Avec la mise en place d'un gouvernement
affranchi des menaces monarchistes, eut lieu une vague de révocations de
fonctionnaires, de magistrats, de militaires, de diplomates. Les religieux
semblaient ne pas avoir eu à pâtir de ces mesures d'épuration immédiate, mais
le ton montait fortement depuis 18772. Issue du ministère de l'Instruction
Publique dirigé par Jules Ferry, la première attaque vint d'un projet de loi,
dont l'article 7 excluait du droit de collation des grades les enseignants
congréganistes. Il fut adopté le 9 juillet 1879 à la chambre des Députés, mais
repoussé le 9 mars 1880 par le Sénat, dont la majorité avait quelque peu
dérapé. A l'issue d'un nouvel affrontement entre les deux assemblés, le
gouvernement coupa court à toute hésitation, par la publication de deux
décrets, le 29 mars. Le premier prononçait la dissolution, dans un délai de trois
mois3, de la Compagnie de Jésus, considérée comme l'instrument idéal de la
Papauté et de l'ultramontanisme contre le nouveau régime.
Le second obligeait d'autres congrégations à déposer une demande
d'autorisation légale dans le même délai. Le lendemain, les supérieurs des
principales congrégations masculines, réunis chez les Oratoriens de Paris, se
déclarèrent, à l'unanimité, solidaires des Jésuites et refusèrent de déposer
quelque document de demande de reconnaissance que ce fût4.
1 Cf. P. Barrai, Les fondateurs de la Hle République, Paris, A. Colin, 1968, p. 65-70.
2 Cf. P. op. cit..., p. 177-181. "Nous sommes la Contre-Révolution irréconciliable]"
(Albert de Mun au pèlerinage des cercles catholiques à Chartres, août 1878). "Le péril social,
le voilà (le cléricalisme)!" (Gambetta à Romans, le 18 septembre 1878.
3 Avec un délai supplémentaire de trois mois pour les établissements d'enseignement. Sur la
"jésuitophobie" au XIXe s., cf. L. Poliakov, La casualité diabolique, coll. "Liberté de l'Esprit",
Paris, Calmann-Lévy, 1980. p. 61-69.
4 Cf. E. Lecanuet, L'Eglise de France sous la Hle République, 2e éd, Paris, 1931, p. 46-100. La
situation légale des congrégations fort complexe, laissait apparaitre de très nombreuses
tolérances.
Cf. aussi A. Rivet, Traité des congrégations, Paris, 1944, p. 22-23. DES REFUGIES EN ESPAGNE : LES RELIGIEUX FRANÇAIS 293
Dès le mois de mai, dans l'attente de l'exécution des décrets, l'ambassadeur
de France à Madrid, l'amiral Jaurès, prit contact avec le président du conseil,
Canovas del Castillo. Il lui fit part de la crainte du gouvernement français de
voir s'établir, aux portes même du territoire de la République, des membres de
congrégations non autorisées, capables de susciter impunément de sérieuses
résistances au régime en place à Paris1. Par exemple, les Dominicains du Tiers-
Ordre enseignant, de l'école Saint-Elme d'Arcachon, par la voix de leur
supérieur, le P. Baudran, avaient déjà demandé, sans succès, une autorisation
d'établissement à Pasajes de San Juan, en Guipûzcoa. Canovas rassura le
diplomate français : l'Espagne était trop "bonne voisine" de la France pour
favoriser ce mouvement : pas question de permettre des installations dans les
provinces limitrophes de la frontière2. Quelques jours après, Jaurès exprimait
sa grande satisfaction : "Canovas a tenu parole au sujet de l'établissement des
religieux sur la frontière"*. Il joignait à sa dépêche le texte d'un Real Orden du
ministre de Grâce et de Justice, Alvarez Bugallal, en date du 1er juin4: en
fonction des récents décrets français et du concordat signé en 1851 entre le
Saint-Siège et l'Espagne, les autorisations ne seraient accordées qu'avec
parcimonie. L'article 1 excluait toute installation dans la nouvelle zone ci-
dessus définie. 2 exigeait le dépôt d'une demande officielle auprès du
gouvernement espagnol5. Les deux dernières dispositions affirmaient la totale
souveraineté des autorités civiles en la matière. Le souvenir de l'aide française
-longtemps demandée en vain par Madrid- pour réprimer les menées des
républicains de Ruiz Zorilla et des carlistes, à partir du territoire français, en
1878-1879, ne fut pas étranger à cette acceptation du gouvernement Canovas6.
Témoin du durcissement des esp

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