Développement des biotechnologies et biotechnologies pour le développement au Mexique, l'impossible appropriation - article ; n°188 ; vol.47, pg 721-737
Tiers-Monde - Année 2006 - Volume 47 - Numéro 188 - Pages 721-737Depuis le début des années 1980, le Mexique aspire à développer une recherche en biotechnologie dans la perspective de l’utiliser comme «levier» pour le développement du pays. Malgré le potentiel du pays (biodiversité, réseau public de recherche), la recherche biotechnologique mexicaine est trop isolée vis-à-vis des institutions politiques et du secteur privé pour pouvoir passer facilement de la recherche fondamentale à la recherche appliquée. De plus, les objectifs de développement national s’avèrent trop flous et décalés vis-à-vis du courant de globalisation. Dans ces conditions, les biotechnologies ont difficilement pu servir d’instrument de développement et la dépendance technologique et économique tend au contraire à s’accroître dans ce secteur. Since the beginning of the 1980’s, Mexico has aspired to develop its research in biotechnologies as a leverage for the country’s development. In spite of Mexico’s biodiversity and public research network potential, Mexican biotechnological research remains too isolated from political institutions and the private sector to evolve easily from fundamental research to applied research and to propose interesting inventions. In addition, the national objectives for development remain unclear when considering the trends of globalization. Under such conditions, biotechnologies have served as instruments of development only with considerable difficulty and the trend of techno-economic dependence tends to increase in this sector. 17 pages Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.
DÉVELOPPEMENT DES BIOTECHNOLOGIES ET BIOTECHNOLOGIES POUR LE DÉVELOPPEMENT AU MEXIQUE, L’IMPOSSIBLE APPROPRIATION
Jean FOYER*
Depuis le début des années 1980, le Mexique aspire à déve lopper une recherche en biotechnologie dans la perspective de l’utiliser comme « levier » pour le développement du pays. Malgré le potentiel du pays (biodiversité, réseau public de recherche), la recherche biotechnologique mexicaine est trop isolée visàvis des institutions politiques et du secteur privé pour pouvoir passer facilement de la recherche fondamen tale à la recherche appliquée. De plus, les objectifs de déve loppement national s’avèrent trop flous et décalés visàvis du courant de globalisation. Dans ces conditions, les biotechno logies ont difficilement pu servir d’instrument de développe ment et la dépendance technologique et économique tend au contraire à s’accroître dans ce secteur.
Innovation technique et scientifique radicale, les biotechnologies représentent aussi un tournant dans la manière dont s’organise la recherche. Elles ont en effet contribué à faire émerger un modèle de recherche intégré dans lequel s’articulent les soutiens financiers et institutionnels (publics et privés) avec les acteurs de la recherche (là encore publics et privés) et les objectifs des entreprises industrielles et commerciales. Cette recherche postmoderne (CALLONet FORAY, 1997 ; GIBBONS, 1994) ne se ferait plus uniquement dans les laboratoires, mais formerait une chaîne, ou plutôt un réseau, intégrant des acteurs et des logiques a priori diffé rents, dans le même but de développer des produits commerciaux. Dans ce modèle, les distinctions entre recherche fondamentale et recherche appliquée, entre recherche publique et privée et, plus largement, entre science, politique et économie, tendent à s’estomper (LEBAS, 1999). Cette nouvelle organisation, fondée sur ce que certains appellent la « triple hélice des relations université industriegouvernement » (ETZKOWITZet LEYDESDORFF, 1997), a été érigée en modèle à suivre ; et on a vu, à la fin des années 1980, se développer dans les pays
* Doctorant et attaché temporaire d’enseignement et de recherche, Institut des HautesÉtudes de l’Amérique Latine (IHEAL), Paris III.
o N 188 OCTOBREDÉCEMBRE 2006 p. 721737 REVUE TIERS MONDE