Djetó ! Fais attention ! - article ; n°1 ; vol.67, pg 123-133
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Description

Journal des africanistes - Année 1997 - Volume 67 - Numéro 1 - Pages 123-133
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 18
Langue Français

Extrait

Daniela Bognolo
Djetó ! Fais attention !
In: Journal des africanistes. 1997, tome 67 fascicule 1. pp. 123-133.
Citer ce document / Cite this document :
Bognolo Daniela. Djetó ! Fais attention !. In: Journal des africanistes. 1997, tome 67 fascicule 1. pp. 123-133.
doi : 10.3406/jafr.1997.1127
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1997_num_67_1_1127Des arts d'Afrique
Daniela BOGNOLO
Djetó ! fais attention !
Le « chemin de la sculpture » chez les Lobi du Burkina Faso
Nombre des pratiques à la base de la pensée religieuse lobi ont pour trait
commun l'utilisation d'objets anthropomorphes dont l'iconographie est très
variée. La présence de ces objets sur la scène rituelle nous renseigne sur la
manière dont les Lobi conçoivent leurs relations avec la société des esprits et des
puissances qui les entourent. Ceux-ci sont désignés par le terme générique de
thûa. Les sculptures anthropomorphes permettant d'entrer en contact avec un thtt
sont différenciées en thttbià et en bùthiba. Par thttbià, on désigne habituellement
les petites statuettes qui font partie de l'ensemble hétérogène
d'objets nécessaires à la construction d'un autel domestique. Ces statuettes sont
toujours réalisées en position figée et statique. Enfoncées dans le monticule de
terre de l'autel, elles sont consacrées à l'esprit d'un ancêtre protecteur éloigné
à l'identité vague. Les thttbià sont souvent exécutés par des gens qui ne pratiquent
que rarement la sculpture, ce qui explique leur aspect parfois fruste et sommaire.
En revanche, presque toutes les statuettes de dimensions variables figurant une
attitude ou un thème particuliers (scène d'accouplement, femme avec enfant,
femme avec poterie sur la tête, homme avec fusil...) appartiennent à la catégorie
des bùthiba, des sculptures dont la fabrication s'appuie sur une symbolique
précise se référant à la situation particulière qu'un individu singulier est en train
de vivre. La fabrication des bùthiba est demandée par le devin en vue,
généralement, de la guérison d'un état malheureux provoqué par un thtt de nature
inconnue. L'utilisation de ce type de statuettes exige le recours à un sculpteur
capable de bien représenter le geste et d'en rendre la valeur symbolique dans la
matière requise, et qui soit également en mesure de faire face au danger que la
réalisation d'un tel objet comporte. Toute création d'artefact destiné à établir un
lien avec une puissance est en effet un acte dangereux : le sculpteur qui n'utilise
pas le « médicament » adéquat pour se protéger pendant son travail est censé
pouvoir être « attrapé » par le thtt, alors attiré par la forme de l'objet sculpté.
En dehors des thttbià et des bùthiba, la sculpture lobi comprend également
des effigies réalisées pour les thtta des ancêtres dont le nom est resté dans la
mémoire. Celles-ci sont le siège de puissances ancestrales dont la protection
s'étend à tous les membres du groupe domestique. Ces effigies, de moyenne et
grande dimension, sont situées dans le thttduù, chambre sacrée de la maison, lieu
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où, au fil des générations, est rendu le culte aux ancêtres. Ce type de statue, sculpté
dans le bois spécifique du matriclan de l'ancêtre, comprend tous les attributs
nécessaires à son identification par l'esprit de cet ancêtre : la coiffure, les
tatouages et l'expression gestuelle rappelant éventuellement un de ses savoir-faire
particuliers. Son style doit pouvoir se conformer aux traits morphologiques qui
caractérisent la majorité des sculptures déjà présentes dans le thttduù. Ces règles
nécessitent l'intervention de sculpteurs pouvant garantir la perpétuation du style
de ces effigies. Dans la plupart des cas, il s'agit de thíteldaár, sculpteurs accomplis
qui jouissent d'une certaine notoriété et qui ont déjà travaillé dans ce but. A la
mort d'un sculpteur, la conservation de son style est assurée par celui qui sera
reconnu comme son successeur. Le rôle de remplaçant officiel participe d'un
système de transmission des styles et des rôles entre sculpteurs. L'homogénéité
stylistique que l'on peut observer dans le thttduù est commentée par les Lobi de
la manière suivante : les thila cherchent à fréquenter uniquement ce qu'ils
connaissent. Autrement dit, pour rétablir un rapport privilégié avec les thtta de
ses ancêtres, il faut avoir recours à des statues réalisées dans un style identique
à celui utilisé par ses propres ascendants.
L'adoption d'un style précis par un groupe donné, ainsi que les précautions
dont est entourée la réalisation de certains objets, m'a fait supposer que la pratique
de la sculpture chez les Lobi ne relevait pas d'une activité menée au gré de
l'inspiration personnelle de chaque sculpteur et dépourvue de règles comme
certains auteurs (comme Piet Meyer dans Kunst und religion der Lobi) ont pu
l'avancer. En outre, l'évolution de la conception formelle propre aux objets
présents dans les thttduù m'a fait présumer l'existence de foyers stylistiques. Sur
ces indices, j'ai conduit mes recherches auprès de plus de cent trente sculpteurs
traditionnels afin de comprendre les mécanismes de transmission des styles et de
cerner les corrélations possibles entre les différentes œuvres de ces sculpteurs et
entre leurs rôles spécifiques. Mon travail s'est surtout appuyé sur les informations
reçues chez les thttdârà, prêtres du thtt, et chez les thiteldârà, sculpteurs
accomplis dont le style sauvegarde les caractéristiques d'une « école » renommée.
Avec eux, j'ai pu mettre à jour l'ensemble des règles à suivre pour devenir
sculpteur chez les Lobi. La nature de ces règles m'a permis de saisir comment
le style de certains sculpteurs s'est perpétué et a pu s'enraciner dans une zone
spécifique, donnant ainsi naissance à une aire stylistique.
Les nécessités rituelles et d'apprentissage auxquelles un sculpteur débutant est
soumis, quelles que soient les motivations de son choix, favorisent ses liens avec
un sculpteur réputé chargé de l'initier au « chemin de la sculpture ». Seul un accompli peut, notamment, lui donner le « médicament » à prendre pour
la réalisation d'objets anthropomorphes exécutés à des fins rituelles. Mais avant de
parvenir à cette étape, l'apprenti devra tout d'abord être instruit des interdits à
respecter quant au choix du bois, quant aux mots à prononcer avant de le couper
Journal des Africanistes 67 (1) 1997: 123-141 arts d'Afrique 125 Des
et aux règles qu'il aura, à son tour, à observer dans la transmission des
connaissances acquises. Les conseils du maître sculpteur se bornent souvent à un
seul mot : djetó, « fais attention » ; l'élève imite naturellement les traits significatifs
du style de son maître en l'observant lorsqu'il travaille, et souvent y apporte des
variations minimes dans la résolution de certains détails, qui peuvent cependant
révéler une conception formelle tout à fait personnelle. Ce type de pratique permet,
d'un côté, la perpétuation des principales caractéristiques d'un style donné et, de
l'autre, la naissance de variantes. C'est ainsi qu'apparaissent des sortes de foyers
stylistiques à l'intérieur d'une « école » fondée par un grand thíteldaár.
Le sculpteur dont la renommée croît au fur et à mesure que son nom, autant
que son style, sont connus et perpétués par ceux qui ont mené leur apprentissage
chez lui, doit transmettre les connaissances relatives à son rôle de thíteldaár à
celui qui pourra le mieux garantir la conservation de son style. Une fois le
thíteldaár décédé, son successeur officiel n'échappera jamais au style appris. Il
garantira aux générations suivantes, à l'intérieur d'un groupe donné, la possibilité
de toujours disposer d'objets ayant les mêmes caractéristiques formelles que ceux
déjà utilisés par leurs aïeux.

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