Et l image, en fin de conte ? Suites, fantaisies et variations sur les contes de Perrault dans l imagerie - article ; n°78 ; vol.22, pg 103-126
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Et l'image, en fin de conte ? Suites, fantaisies et variations sur les contes de Perrault dans l'imagerie - article ; n°78 ; vol.22, pg 103-126

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Description

Romantisme - Année 1992 - Volume 22 - Numéro 78 - Pages 103-126
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Annie Renonciat
Et l'image, en fin de conte ? Suites, fantaisies et variations sur
les contes de Perrault dans l'imagerie
In: Romantisme, 1992, n°78. pp. 103-126.
Citer ce document / Cite this document :
Renonciat Annie. Et l'image, en fin de conte ? Suites, fantaisies et variations sur les contes de Perrault dans l'imagerie. In:
Romantisme, 1992, n°78. pp. 103-126.
doi : 10.3406/roman.1992.6082
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1992_num_22_78_6082Annie RENONCIAT
Et l'image, en fin de conte ?
Suites, fantaisies et variations sur les contes de Perrault dans l'imagerie
Les premières feuilles d'images consacrées aux contes de Perrault apparaissent
chez les imagiers de la rue Saint- Jacques à Paris à la fin du X Ville siècle \ Leur
développement, leur diversification, leur succès iront dès lors croissant, liés à la
spécialisation enfantine progressive de l'imagerie et à l'intérêt renouvelé que
suscite le conte dans la culture — savante ou populaire — de cette époque 2 . Les
contes de Perrault inspirent en effet la plupart des grands centres imagiers français
tout au long du XIXe siècle, constituant tout à la fois un classique de leur
répertoire, un atout de leur production en temps de crise économique, un thème-
refuge sous les régimes de forte censure et, comme il apparaîtra dans cet article,
une importante source de profits.
L'examen de ces feuilles, publiées entre 1790 environ et 1914, met en
évidence l'existence de deux grandes familles de représentations 3. La plus
nombreuse manifeste l'effort des imagiers pour transcrire le texte de l'académicien,
avec plus ou moins de bonheur, dans le système qui leur est propre : les
modalités de ces adaptations ont jusqu'ici capté toute l'attention des spécialistes 4.
L'image populaire, médium de transmission nouveau pour les contes, est en effet
une forme traditionnelle des arts graphiques dont les caractéristiques formelles leur
imposent de fortes contraintes 5. Dans un précédent article consacré au Petit
Poucet 6, nous avons analysé les solutions formelles, artistiques et techniques
élaborées par les imagiers en réponse aux problèmes posés par leur support pour
transcrire ce récit en images, et souligné plus particulièrement le conformisme de
leurs créations, dominées par l'esprit de tradition et des habitudes ancestrales
d'imitation et de copie. Le conte en images y apparaît, dès le milieu du XIXe
siècle, comme un produit stéréotypé, résumé, au sein d'une production
standardisée, en quelques formules-clichés.
A la même époque cependant, la concurrence est vive entre les centres
imagiers français qui, tous, exploitent le filon des contes de Perrault. Le public
enfantin, que l'on s'applique à conquérir, apparaît certes comme un vaste marché
potentiel, mais les livres, les albums, les journaux illustrés se multiplient à son
intention, et l'image en couleurs, jusqu'alors privilège des feuilles volantes, y fait
son apparition. Il faut relancer l'intérêt, trouver de nouvelles formes de séduction :
l'adoption de la lithographie, qui autorise toutes les libertés de trait et de mise en
page, le recours à de nouveaux artistes, formés à l'école de la caricature et de
l'illustration, conduisent aux premières ruptures qui ébranlent les structures
traditionnelles de la feuille d'images et favorisent le renouvellement et la
diversification des feuilles consacrées aux contes ; elles se libèrent de la tutelle de
l'académicien pour folâtrer, explorant tous leurs possibles, exerçant tous leurs
pouvoirs, dans un irrespect délibéré du chef-d'œuvre littéraire. C'est à cette
ROMANTISME n°78 (1992 - IV) 104 Annie RENONCIAT
branche, hétéroclite et peu connue, des fantaisies — littéraires ou artistiques —
inspirées des contes de Perrault qu'on voudrait aujourd'hui prêter attention. Elles
ont été jusqu'ici doublement négligées par les spécialistes, n'étant, pour les uns,
qu'un écho abâtardi du texte de référence et, pour les autres, qu'une forme décadente
de l'imagerie après l'introduction de la lithographie (synonyme d'industrialisation
de la production). L'importance quantitative de ces feuilles, qui se développent
plus particulièrement au cours de la seconde moitié du siècle, n'est pourtant pas
négligeable : si nous n'en avons retrouvé aucune pour les contes de Griselidis, La
Belle au bois dormant, Les Souhaits ridicules, Les Fées ou Riquet à la houppe,
nous avons collecté plus de cinquante compositions différentes (dont les rééditions
attestent le succès) inspirées de Barbe-Bleue (9), Cendrillon (12), Le Chat botté
(3), Peau d'Ane (2) Le Petit Chaperon rouge (10), Le Petit Poucet (14) et de Ma
Mère Loye (4). Leur diversité, leur attrait, leur humour, leur statut de curiosité
justifient qu'on s'y intéresse, en dépit des mauvais traitements qu'elles infligent au
texte de Perrault et, pour tout dire, en raison même de ces traitements.
Nous voudrions en effet tenter de comprendre ces formes de libertés prises par
les imagiers à l'égard des contes de référence non comme un déplorable avatar de la
Lettre, mais comme un mode spécifique d'appropriation d'un texte hybride, tout à
la fois œuvre d'écrivain et "classique du folklore et de l'oralité" 7, par un artisanat
populaire de l'image qui connaît alors un profond renouvellement de ses publics et
de ses fonctions traditionnelles, voire comme une étape de la récupération par la
culture populaire de son patrimoine propre, exporté par Perrault dans le monde
lettré. Le mode de survie du conte est le réemploi 8 ; il est de sa nature de susciter
une infinité de lectures ou d'appropriations, dont celles des imagiers au XIXe
siècle constitue un exemple qui, pour être spécifique, n'est ni nouveau ni unique,
comme le rappelle Catherine Velay-Vallantin :
La multiplicité des formes de réemploi du conte au XVIIIe siècle témoigne du
bouleversement opéré par l'ingérence des contes de Perrault dans le vivier
préexistant : manuscrits, éditions lettrées et éditions bleues, chansons lettrées
éditées et chansons orales, faits divers, pièces de théâtre, iconographie, rituels,
etc., autant de genres littéraires, ethnologiques, historiques, où se croisent,
s'échangent, s'exploitent tel ou tel thème d'un conte. Nous sommes loin alors de la
duplication rigoureuse et exacte d'une parole magnifiée par la signature d'un auteur
de l'Académie française 9.
C'est pourquoi, pour désigner les modes d'intervention de l'imagerie sur les
contes de Perrault, nous avons préféré aux termes de détournements, subversions,
manipulations, exploitations, trahisons etc., susceptibles de qualifier les accidents
ou avatars d'un chef-d'œuvre littéraire, les notions de suites, fantaisies, variations,
qui situent ces opérations dans les registres sémantiques respectifs (et non
exclusifs) du relais (contes continués), du jeu (réassemblages ludiques ou libres
réemplois de leurs éléments) ou de la composition musicale (broderies sur un
thème, inscrites dans le processus même de l'œuvre 10), plus aptes à suggérer la
fantaisie inventive des imagiers, et à porter l'accent sur leurs stratégies de
diversification des images (et de recherche des profits) à partir d'un texte-matrice
destitué de son statut littéraire. contes de Perrault dans l'imagerie 1 05 Les
En effet ce sont des pratiques systématiques d'intervention sur le thème de
référence qui apparaissent, à l'analyse de notre corpus, susceptibles d'être réparties
en quatre protocoles fondamentaux que nous nous proposons d'exposer : lectures
et usages modernisés des contes (réemplois pédagogiques ou idéologiques) ;
instillation de nouvelles sources (le théâtre et la chanson) ; bouleversement des
structures et des contenus littéraires (suites et réécritures) ; renouvellement des
expressions formelles (jeux d'images). Il s'agit ainsi, dans un même mouvement,
de définir la spécificité des pratiques créatives des imagiers u et de souligner, à
travers leur médiation, l'autorité et l'autonomie croissantes des images dans

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