Être un professionnel de l humanitaire ou comment composer avec le cadre imposé - article ; n°180 ; vol.45, pg 825-840
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Tiers-Monde - Année 2004 - Volume 45 - Numéro 180 - Pages 825-840
Pascal Dauvin — Being a professional of the humanitarian or how to compose with an imposed framework.
This contribution aims at showing how the professionalizing of NGO's is a logic imposed by funding agencies and by the countries beneficiaries of aid. This manner of professionalizing is however not straight forward for expatriates who do not perceive the NGO's as organisations that function according to strict « managerial » terms. Considering actions observed in the field, the actions of NGO's thus appear as determined by trial and error or arrangements depending on the identity of the actors and the contexts of their intervention.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pascal Dauvin
Être un professionnel de l'humanitaire ou comment composer
avec le cadre imposé
In: Tiers-Monde. 2004, tome 45 n°180. pp. 825-840.
Abstract
Pascal Dauvin — Being a professional of the humanitarian or how to compose with an imposed framework.
This contribution aims at showing how the professionalizing of NGO's is a logic imposed by funding agencies and by the
countries beneficiaries of aid. This manner of is however not straight forward for expatriates who do not
perceive the NGO's as organisations that function according to strict « managerial » terms. Considering actions observed in the
field, the actions of NGO's thus appear as determined by trial and error or arrangements depending on the identity of the actors
and the contexts of their intervention.
Citer ce document / Cite this document :
Dauvin Pascal. Être un professionnel de l'humanitaire ou comment composer avec le cadre imposé. In: Tiers-Monde. 2004,
tome 45 n°180. pp. 825-840.
doi : 10.3406/tiers.2004.5530
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2004_num_45_180_5530ETRE UN PROFESSIONNEL
DE L'HUMANITAIRE
OU COMMENT COMPOSER
AVEC LE CADRE IMPOSÉ
par Pascal Dauvin*
Cette contribution vise à montrer que la professionnalisation des ong
humanitaires est une logique imposée par les bailleurs et par les pays
bénéficiaires de l'aide. Cette professionnalisation ne va cependant pas de
soi pour les expatriés car ils ne conçoivent pas l'ONG comme une organi
sation qui fonctionnerait seulement sur le mode « managerial ». Il
convient alors, à partir de l'observation des pratiques sur le terrain, de
voir comment la professionnalisation fait l'objet de bricolage ou d'a
ccommodement en fonction de ce que sont les acteurs et des contextes
dans lesquels ils interviennent.
Les propos qui suivent s'inscrivent dans le cadre de travaux menés
avec Johanna Siméant sur l'humanitaire international1. Dans le prolon
gement de ces travaux, l'idée n'est pas de décrire la manière dont les
humanitaires discutent de la professionnalisation, des différentes défini
tions qu'ils en donnent, ni même d'examiner les conditions sociales dans
lesquelles les porte-parole produisent de la doctrine sur le sujet. L'idée
serait plutôt de « dés-essentialiser » le débat pour montrer ce que
signifie concrètement le travail humanitaire. Aux approches exégéti-
ques, on a donc préféré pour analyser le caractère ambivalent de la pro
fessionnalisation une démarche qui focalise sur les pratiques de terrain2.
• Maître de conférences en science politique. Université de Versailles - Saint-Quentin, CERAPS-Lille
UMR CNRS 8026.
1. Voir, par exemple: Discours humanitaires, mots, CNRS, ENS, avril 2001 ; Le travail humanitaire.
Presses de Sciences Po, avril 2002 ; ONG et humanitaire, Paris, L'Harmattan, 2004.
2. Ce texte s'appuie sur des observations menées dans les missions (Madagascar, Kosovo, Sierra
Leone) de grandes ong internationales (msf, mdm, acf, hi). Cette recherche a été engagée en 1998 dans
le cadre d'une Action concertée incitative blanche (financement du ministère de la Recherche). Elle se
poursuit aujourd'hui au ceraps dans l'axe « militantisme transnational ».
Revue Tiers Monde, t. XLV, n° 180, octobre-décembre 2004 826 Pascal Dauvin
À partir de là, l'objectif de cette contribution est de souligner
d'abord que la professionnalisation est une logique imposée non seul
ement par les bailleurs mais aussi par les pays bénéficiaires de l'aide.
Comme si finalement l'injonction de professionnalisation prenait les
ONG en tenaille, rendant en cela plus indépassable encore le nouveau
référentiel d'action. Le cadre qui s'impose, et c'est le deuxième point,
ne va pas cependant de soi pour les expatriés car ils ne conçoivent pas
l'ONG comme une organisation qui fonctionnerait seulement sur un
modèle managerial. En observant deux « populations témoins », on
verra que la réalité de l'action humanitaire provoque des désajuste-
ments que l'institution tente de combler. Pour cela, elle propose des
justifications qui font cohabiter différentes représentations du métier
en jouant sur le registre du professionnalisme et de l'engagement.
Enfin, dans un troisième temps, il s'agit de montrer que « faire avec »
la professionnalisation n'exclut pas des formes de bricolage ou
d'accommodement liées à ce que sont les acteurs (leur socialisation) et
les contextes dans lesquels ils interviennent (les codes culturels locaux).
LA PROFESSIONNALISATION :
LOGIQUE IMPOSÉE, LOGIQUE QUI S'IMPOSE
Le couple professionnalisation/ONG ne va pas nécessairement de
soi pour le profane, d'où la curieuse impression qui se dégage lors du
premier contact avec le terrain. D'emblée, s'impose une réalité moins
marquée par le geste altruiste (celui qui nourrit les imaginaires) que
par un énorme déploiement logistique et organisationnel. Les missions
des ONG internationales, concentrées dans les quartiers « riches » des
capitales, sont des lieux qui signifient d'abord l'univers de la gestion,
des ressources humaines et du contrôle financier. Les expatriés, soumis
à une division stricte du travail, s'emploient en fonction de leur profil
de poste à administrer la mission et à superviser la mise en œuvre des
programmes. Ces ONG fonctionnent grosso modo sur le même modèle :
le chef de mission définit la politique générale et assure les relations
avec les autorités et le siège, l'administrateur, rivé à son ordinateur,
s'occupe du suivi financier et juridique de la mission, le logisticien
supervise les aspects techniques des programmes. Cette description
sommaire confirme, si besoin était, que les ONG sont devenues sur le
terrain comme dans les sièges de véritables « entreprises ». Derrière
cette qualification, il ne faut pas voir seulement une organisation de Être un professionnel de l'humanitaire 827
type quasi capitaliste qui jouerait un rôle déterminant dans l'économie
locale. Le terme d'« entreprise » renvoie ici à sa définition webérienne,
c'est-à-dire à « une sociation comportant une direction administrative
à caractère continu, agissant en finalité »'. L'intérêt de cette approche
pour notre propos est de souligner que les ong constituent, là où elles
interviennent, des structures bureaucratiques solides et fiables. Autre
ment dit, les ong se rapprocheraient des entreprises parce qu'elles
revendiquent la même rationalité gestionnaire. Ce principe de rational
ité gestionnaire, contesté aujourd'hui seulement à la marge, est, on le
sait bien, un cadre cognitif imposé par les bailleurs et, on le dit moins,
par les partenaires locaux.
Un cadre de référence pour les promoteurs de l'aide
Même si c'est un paramètre essentiel dans la compréhension de la
transformation du champ de la solidarité internationale, on ne parlera
pas ici des « causes endogènes », c'est-à-dire de la tendance « natur
elle », dans un contexte donné, des organisations occidentales à cette
forme particulière d'institutionnalisation qu'est la professionnalisation2.
On voudrait simplement rappeler, au titre des « causes exogènes »,
l'influence des bailleurs publics dans cette mutation3. En imposant des
critères de bonne gouvernance (profils des expatriés, modalités de ges
tion des programmes, évaluation...), ces bailleurs ont défini des règles
auxquelles les ong doivent se plier pour être éligibles aux financements.
Cette pression explique pour une part l'inféodation4 des ong aux finan-
ceurs et l'obligation pour elles de s'aligner sur leurs critères de gestion,
sous peine d'être sorties du jeu. Cette nouvelle donne a fait l'objet, au
début des années 1990, de vives contestations, notamment de la part des
ONG issues du sans-frontiérisme qui voyaient dans l'indépendance finan
cière la garantie de pouvoir agir et parler librement. Cette résistance
doctrinale ne concerne guère plus aujourd'hui que msf car la plupart
1. Max Weber, Économie et société, t. I, Paris, Pocket, « Agora », 1995, p. 94. Pour une approche
pertinente des ONG comme organisation au sens webérien, voir Pascal Dauvin et Johanna Siméant, op.
cit.. avril 2002, p. 235 et s.
2. Pour un exemple d'explication endogène de l'institutionnalisation des ong, voir

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