Étude de métaphysique sur la sensation et l image - article ; n°1 ; vol.11, pg 94-115
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Étude de métaphysique sur la sensation et l'image - article ; n°1 ; vol.11, pg 94-115

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Description

L'année psychologique - Année 1904 - Volume 11 - Numéro 1 - Pages 94-115
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1904
Nombre de lectures 7
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alfred Binet
Étude de métaphysique sur la sensation et l'image
In: L'année psychologique. 1904 vol. 11. pp. 94-115.
Citer ce document / Cite this document :
Binet Alfred. Étude de métaphysique sur la sensation et l'image. In: L'année psychologique. 1904 vol. 11. pp. 94-115.
doi : 10.3406/psy.1904.3669
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1904_num_11_1_3669VI
ETUDE DE METAPHYSIQUE
SUR LA SENSATION ET L'IMAGE
J'avais annoncé, dans la préface du tome X ùe Y Année psycho
logique, qu'une étude de métaphysique paraîtrait dans le
tome XI. Il s'est trouvé que cette étude qui, dans mon intention
première, devait avoir les dimensions d'un article de 20 à
30 pages, s'est étendue au point de devenir un livre. Ce livre
paraîtra dans le courant de 1905 à la librairie Flammarion,
probablement sous le titre de Esprit et Matière. Je veux en
détacher un fragment pour les lecteurs de Y Année; ou plutôt,
je veux traiter ici, d'une manière concise et un peu spéciale
pour les lecteurs de Y Année, une partie du problème de la dis
tinction entre le physique et le mental.
Cette distinction est de celles qui, à première vue, semblent
très claires et très faciles. Quelle opposition n'existe-t-il pas, au
moins en apparence, entre nos pensées et les phénomènes
matériels de la nature? Mais quand on y réfléchit tant soit peu,
et surtout quand on fait de l'analyse, on s'aperçoit que la dis
tinction est compliquée, et qu'en tout cas elle n'est point là
où on croyait d'ordinaire qu'elle était.
Disons d'abord comment la question se présente à nous.
Le fait que nous devons prendre comme point de départ, car il
il est indépendant de toute espèce de théorie, c'est qu'il existe
« du connaissable )>. Non seulement la science, mais la vie
pratique, nos conversations de tous les jours impliquent qu'il
y a des choses que nous connaissons. Et c'est à propos de ces
choses que nous avons à nous demander si quelques-unes font
partie de ce qu'on appelle l'esprit, et si quelques autres de ce la matière.
Supposons par hypothèse que le connaissable soit entièr
ement et absolument homogène, nous serons obligés dès lors
d'écarter cette question préjudiciellement. Là où tout est homog
ène, ü n'y a pas de distinction à faire. Mais cette hypothèse
est démentie par l'observation, chacun le sait. L'ensemble du BINET. — ÉTUDE SUR LA SENSATION ET LIMAGE 9ii A.
connaissable est formé par une agglomération d'éléments
extrêmement variés, parmi lesquels il est facile de faire passer
un grand nombre de divisions. On peut classer les choses
d'après leur couleur, leur forme, leur poids, le plaisir qu'elles
nous procurent, leur qualité d'être vivantes pu mortes, et ainsi
de suite; un classifîcateur zélé n'a que l'embarras du choix.
Puisque tant de coupures sont possibles, à laquelle nous arr
êterons-nous pour dire : voici celle qui correspond exactement
à celle de l'esprit et de la matière?
Le choix n'est point facile à faire; car nous verrons que
certains auteurs mettent la distinction du physique et du
mental en ceci, d'autres la mettent en autre chose, et il y a
ainsi un très grand nombre de distinctions qui ont été propos
ées; le nombre en est même bien plus grand qu'on ne le pense
en général. Puisque nous avons l'intention de nous ériger en
juges de ces distinctions, puisqu'en fait nous repousserons la
plupart d'entre elles, afin d'en proposer une nouvelle, il est à
supposer que nous le ferons au moyen d'un critérium, car sans
cela nous ne serions que des fantaisistes; nous dirions péremp
toirement : « Pour moi, ceci est du mental », et il n'y aurait
pas plus lieu de discuter que lorsqu'on dit : « Je préfère les
romantiques aux classiques, ou je mets la prose au-dessus des
vers ».
Le critérium dont je me suis servi, et que j'ai analysé après
que l'usage que j'en faisais inconsciemment m'eut révélé son
existence, repose sur les deux règles suivantes :
1° Une règle de méthode. — La distinction de l'esprit et de la
matière doit non seulement s'étendre à tout le connaissable,
mais être la plus profonde qui puisse diviser le
et être d'un caractère permanent; a priori rien ne prouve
qu'une distinction ayant ces propriétés existe, il faut la chercher
et la contrôler.
2° Une indication sur le sens où on doit diriger la recherche.
— Tenant compte de la position prise déjà par la plupart des
philosophes, on doit chercher l'expression de l'esprit, s'il
existe, spécialement dans le domaine des faits dont s'occupe
la psychologie, et l'expression de la matière dans le domaine
où travaillent les physiciens.
Je ne me dissimule pas ce qu'il peut y avoir d'arbitraire dans
mon critérium personnel; cet arbitraire, il me paraît imposs
ible de l'éviter.
Donc, il faut s'adresser à la psychologie, et lui demander si 96 MÉMOIRES ORIGINAUX
elle connaît quelque phénomène qui présente un contraste vio
lent, durable, ineffaçable, avec tout le reste du connaissable.
La méthode des concepts et la méthode de l'inventaire. — Bien
des auteurs se sont déjà engagés dans cette recherche; et ils y
emploient une méthode que je crois très mauvaise et très dan
gereuse; c'est la des concepts. Elle consiste à envi
sager les phénomènes réels et concrets sous leur forme la plus
abstraite.
Veut-on étudier par exemple l'esprit, on se sert de ce mot
esprit comme d'une idée générale dans laquelle on suppose que
sont contenus tous les caractères des phénomènes psychiques;
mais on ne s'attarde pas à énumérer ces caractères, à les réa
liser, et on se contente de l'idée extrêmement vague que peut
fournir un concept non analysé. On emploie par conséquent le
mot « esprit » avec l'imprudence d'un banquier qui trafiquerait
d'un effet de commerce sans se rendre compte si ce morceau de
papier correspond à une provision. Ce qui revient à dire que
la discussion des problèmes philosophiques prend surtout un
caractère verbal. Et c'est d'autant plus dangereux que le
concept ainsi manié renferme plus de phénomènes complexes.
Un concept de la couleur rouge n'a qu'un contenu assez simple,
et on peut en l'utilisant se représenter clairement de contenu.
Mais comment réaliser le sens immense du mot esprit, toutes
les fois qu'on s'en sert?
Et voici la conséquence : pour séparer l'esprit du reste du
connaissable, qu'on appellera matière, on raisonne d'ordinaire
de la manière suivante : .« Tout le connaissable qui tombe sous
nos sens se réduit essentiellement à du mouvement; l'esprit,
ce quelque chose qui vit, sent, juge, se réduit à la pensée; pour
comprendre la différence de la matière et de l'esprit, il faut se
demander s'il existe quelque analogie de nature entre le mou
vement et la pensée; or cette n'existe pas; ce que nous
saisissons, au contraire, c'est une opposition absolue. La pensée
n'est pas un mouvement, elle n'a rien de commun avec un
mouvement. Un mouvement n'est jamais autre chose qu'un
déplacement, un changement de lieu subi par une particule de
matière. Quel rapport de ressemblance existe-t-il entre ce fait
et un désir, une émotion, une sensation d'amertume? Loin
d'être identiques, ces deux faits sont aussi distincts que deux
faits peuvent l'être ; et leur distinction est si profonde qu'on l'a
élevée à la hauteur d'un principe, le principe d'hétérogénéité. »
Voilà à peu près quel est le raisonnement que bien des phi- BINET. — ÉTUDE SUR LA SENSATION ET L'IMAGE 97 A.
losophes répètent depuis plusieurs années, sans faire preuve
de beaucoup d'originalité. C'est là ce que j'appelle de la méta
physique de concepts, car elle consiste à jouer avec des idées
abstraites. Au moment où un philosophe oppose la pensée au
mouvement, je me demande ce qu'il peut bien se représenter
par « une pensée » ; je suppose que ce doit être quelque chose
de l

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