Exogamie clanique et Islam : l exemple kobé - article ; n°3 ; vol.15, pg 67-81
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Description

L'Homme - Année 1975 - Volume 15 - Numéro 3 - Pages 67-81
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1975
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marie José Tubiana
Exogamie clanique et Islam : l'exemple kobé
In: L'Homme, 1975, tome 15 n°3-4. pp. 67-81.
Citer ce document / Cite this document :
Tubiana Marie José. Exogamie clanique et Islam : l'exemple kobé. In: L'Homme, 1975, tome 15 n°3-4. pp. 67-81.
doi : 10.3406/hom.1975.367578
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1975_num_15_3_367578EXOGAMIE CLANIQUE ET ISLAM : L'EXEMPLE KOBE
Implications économiques et politiques du renoncement
à l'exogamie en faveur
du mariage avec la fille de l'oncle paternel*
par
MARIE -JOSÉ TUBIANA
Cette étude se propose de montrer comment un groupe chez lequel le système
d'alliances matrimoniales repose sur l'exogamie clanique peut, en se référant à
un modèle idéal — dans notre cas lié à l'Islam — , adopter une pratique, à savoir
le mariage avec la fille de l'oncle paternel, qui est en contradiction avec le système
préexistant.
Nos informations proviennent d'enquêtes menées chez les Zaghawa, popula
tion qui vit dans le Nord-Ouest du Soudan (Nord-Darfour) et le Nord-Est du
Tchad (Nord-Wadday), de part et d'autre de la frontière. Notre analyse porte
plus précisément sur les faits recueillis à l'intérieur de la chefferie kobé. Le groupe
Kobé, en effet, se présente comme une entité remarquable tant du point de vue
numérique (environ 30 000 individus) que du point de vue socio-politique. La
chefferie kobé issue, il y a quelque trois cents ans, d'une association entre clans
autochtones maîtres de la terre et envahisseurs venus de l'est, a su se maintenir
au cours des siècles. Elle a accru son territoire et son influence à tel point que
depuis 1936, et aujourd'hui encore, c'est un Kobé qui, avec le titre de sultan, se
trouve à la tête de l'ensemble des Zaghawa vivant au Tchad. Au Soudan, les Kobé
sont représentés par un petit groupe détaché de l'ensemble à la suite de la compét
ition pour le pouvoir entre deux lignages rivaux appartenant au clan dynastique
Angou /arju/1, au début du xxe siècle. Bien qu'ayant également à leur tête un
sultan, ils ne jouent pas un rôle politique très important.
Les Kobé du Tchad ont pour capitale Iriba /hiid-ba/, au centre du plateau
* Communication présentée au Troisième Congrès international des Africanistes qui
s'est tenu du 9 au 19 décembre 1973 à Addis Ababa (Ethiopie).
1. Nous utilisons une transcription phonologique entre barres obliques qui a été décrite
dans M.-J. Tubiana, Survivances préislamiques en pays Zaghawa, Paris, Institut d'Ethnol
ogie, 1964 : 9 (« Travaux et Mémoires de l'Institut d'Ethnologie » LXVII). Nous n'avons pas
indiqué les tons lorsque nous n'en étions pas sûre.
L'Homme, juil.-déc. 1975, XV (3-4), pp. 67-81. MARIE- JOSÉ TUBIANA 68
zaghawa ; ceux du Soudan sont groupés autour des puits de Tiné, sur la frontière
entre les deux pays.
Nous avons résidé chez les Kobé du Tchad en 1956-57, pendant une dizaine
de mois. Ils nous étaient apparus, pour les raisons évoquées plus haut, comme le
groupe le plus susceptible de nous aider à saisir, lors d'un premier contact, les
mécanismes de la société zaghawa. Par la suite, notre connaissance s'est étendue
à l'ensemble de la population /bèRÎ/ (Zaghawa et Bideyat), à l'occasion de cette
même mission et de celles qui ont suivi, de 1965 à 1970, chez les Zaghawa du Sou
dan. Toutefois, c'est essentiellement par référence aux Kobé que nous avons pu
percevoir la diversité et l'originalité de chaque groupe. Les Kobé ne sont pas repré
sentatifs de l'ensemble du peuple /bèRi/, mais leur étude approfondie nous a per
mis de mettre au jour certains problèmes. C'est celui posé par les changements
intervenus dans les règles de mariage postérieurement à l'adoption de l'Islam
que nous allons examiner ici.
La société kobé se présentait au début du siècle (la colonisation française a
atteint cette région vers les années 1911-1912) comme une confédération politique
assez lâche de clans très fortement individualisés et autonomes. Nous en avons
recensé plus d'une trentaine sans prétendre à l'exhaustivité. Chaque clan rassemble
tous les descendants en ligne patrilinéaire d'un ancêtre commun, le plus fréquem
ment mythique, et porte un nom bien précis. On dit : « les gens de la montagne
Mir /mir/ », « les gens du wadi [oued] Nanou /nanu/ » ou encore « les gens de
l'autruche », « du serpent », « du pou » ou « de l'oiseau angou /anu/ » ; les /nyoRio/
sont « ceux qui ont faim » et les /ha-bayge/ « ceux qui ont donné à la mon
tagne », etc. Chaque clan possède des marques distinctives pour ses chameaux et
respecte un certain nombre d'interdits, le plus souvent alimentaires, qui concer
nent en général la consommation de la chair d'un animal ayant rendu un service
(ou causé un préjudice) au fondateur du clan. Enfin, chaque clan était, mais ce
n'est plus vrai aujourd'hui, concentré autour d'une montagne au flanc de laquelle
il accrochait son village. C'est sur cette montagne, ou au pied d'un arbre situé dans
un wadi, sur le territoire du clan, qu'étaient offerts par le chef de clan, en même
temps chef du village, les sacrifices animaux, les dons, libations et onctions qui
devaient apporter la pluie et la prospérité. Cette montagne ou cet arbre était à
la fois l'ancêtre et la résidence de l'ancêtre fondateur du clan.
On observait d'un clan à l'autre de grandes inégalités numériques : certains
clans ne comptaient que quelques membres, d'autres, au contraire, s'étaient
accrus d'une nombreuse descendance. Les données variaient au cours du temps
en fonction des luttes, des famines ou de conditions démographiques favorables,
et si certains clans grossissaient et se fractionnaient, d'autres en arrivaient à
n'être plus représentés que par quelques membres ou disparaissaient. On obser
vait également des variations dans le rôle politique de chacun : des clans plus EXOGAMIE ET ISLAM 69
importants numériquement, plus riches, ou forts d'un plus grand nombre d'alliés
se subordonnaient des clans voisins ; ou bien des envahisseurs subjuguaient des
clans autochtones, comme cela fut le cas chez les Kobé pour les étrangers Angou.
Entre clans, on imagine donc sans peine des luttes incessantes mais aussi des
alliances, la plus durable de toutes étant l'alliance matrimoniale. Le problème
qui se posait alors n'était pas de renforcer sa propre lignée mais de nouer avec
les clans voisins des liens les plus nombreux possibles pour en faire des amis et non
des ennemis, un clan puissant recherchant l'alliance d'un autre clan puissant ou
d'un plus faible selon les perspectives politiques : d'où un système d'alliances
fondé sur l'exogamie clanique.
Chez les Kobé en effet — la règle était formelle — , on ne se mariait pas à l'inté
rieur de son propre clan et l'on avertissait ainsi ses garçons :
/tènè ki àrà ginôi, dônogô/
« Cette fille est ta parente, ne l'épouse pas ! »2
L'étude de cas concrets et les enquêtes généalogiques que nous avons menées
montrent que tous les mariages kobé, jusqu'à une date très récente, respectaient
cette règle. Un Kobé pouvait épouser une Kobé, mais toujours prise dans un
autre clan. Épouser quelqu'un de son propre clan entraînait la mort d'un des
époux (généralement la femme) ou rendait l'union stérile.
L'exogamie clanique n'était pas la seule règle de mariage chez les Kobé.
Dans un stade antérieur, que nous ne pouvons dater, il semble que les cou
sins au premier degré (cousins parallèles et croisés) ne pouvaient se marier entre
eux ; l'interdiction tombait lorsque la parenté remontait à la troisième générat
ion. Dans un deuxième stade, les mariages entre cousins croisés furent admis
tandis que ceux entre cousins parallèles restèrent interdits.
Telle était la situation jusqu'à ces dernières années. Or, on constate aujour
d'hui que de nombreux Kobé interrogés sur les règles de mariage indiquent comme
souhaitable — on serait tenté de dire «

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