Histoires de Pantar - article ; n°4 ; vol.9, pg 5-23
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Description

L'Homme - Année 1969 - Volume 9 - Numéro 4 - Pages 5-23
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1969
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Annie Hubert-Baré
Histoires de Pantar
In: L'Homme, 1969, tome 9 n°4. pp. 5-23.
Citer ce document / Cite this document :
Hubert-Baré Annie. Histoires de Pantar. In: L'Homme, 1969, tome 9 n°4. pp. 5-23.
doi : 10.3406/hom.1969.367073
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1969_num_9_4_367073s
HISTOIRES DE PANTAR
par
ANNIE LEMOINE
La partie sud-ouest de l'Indonésie est formée par les petites îles de la Sonde.
Ces îles, volcaniques pour la plupart, ont un relief accidenté et Ton n'y circule
qu'avec difficulté. Elles maintiennent un contact assez ténu avec les autres, leur
accès demeurant difficile dans des mers sillonnées de courants dangereux.
Un même éclatement ethnique semble avoir présidé aux destinées de l'homme
dans cette vaste région où l'on voit souvent plusieurs groupes ethniques voisiner
sur une même île. Traditionnellement, les territoires de ces groupes étaient
organisés en petits royaumes ne comprenant parfois que quelques villages. Ces
royaumes furent pour la plupart maintenus par l'administration coloniale hollan
daise qui en reconnut la légitimité. Après l'indépendance de l'Indonésie, ils se
sont survécu de fait sinon sur le plan administratif. Certains d'entre eux présentent
encore une structure politique extrêmement élaborée1.
Il y a quelques siècles, avant la colonisation, ils eurent leurs jours de grandeur,
entretenant des relations commerciales avec les Chinois, les Portugais, la Compag
nie des Indes. De nos jours, ils semblent voués à une disparition prochaine au
fur et à mesure des progrès d'une administration provinciale plus puissante et
plus étendue.
Kupang, dans l'île de Timor, est la capitale administrative de cette région
comprenant, entre autres, les îles de Pantar, Alor, Savu, Sumba, Rôti. Au cours
d'un séjour de recherches avec Clark Cunningham, dans les royaumes Atoni de
l'île de Timor2, j'eus l'occasion, en 1961, de trouver à Kupang le texte de deux
histoires, provenant de Pantar, île voisine d'Alor, au nord-ouest de Timor. Elles
1. Cf. Clark Cunningham, « The Indonesian Princes of Timor », 1964, ms.
2. Mission de recherches à Timor (deux ans et demi), financée par la Ford Foundation.
Voir la thèse de Clark Cunningham, « The People of the Dry Land » (1963), Oxford Univers
ity, Institute of Social Anthropology. 6 ANNIE LEMOINE
étaient rédigées en indonésien et avaient été transcrites à la demande d'un admin
istrateur japonais, pendant l'occupation, par M. Talib qui avait été chargé
d'aller à Pantar pour y recueillir de vieilles histoires. C'est lui qui m'a permis
de travailler à loisir sur son manuscrit.
La petite ville de Kupang comprend de nombreux groupes venus des îles
voisines et rassemblés par ethnies. Ceux de Pantar forment une petite commun
auté qu'il me fut aisé de retrouver. Ne parlant pas la (ou les?) langue (s) de Pantar
(à ma connaissance il n'y a jamais eu d'enquête linguistique dans cette région),
je n'ai pas pu contrôler la version indonésienne. Les Pantarais, dont on ignore
presque tout, forment peut-être une population composite de Malais et de Proto-
Malais. Comme dans beaucoup de groupes sur ces îles, la tradition orale doit
être importante. Il serait intéressant d'en savoir davantage sur eux; ils sont
probablement assez proches des Alorais, étudiés par le professeur Cora Dubois1.
On n'accède à l'île qu'en pirogue à balancier ou à bord des voiliers de pêche qui
alimentent entre les îles un commerce sporadique. Le parcours est rendu périlleux
par la présence de courants dangereux. En somme, tout s'ingénie à rendre les
contacts avec Pantar difficiles et très irréguliers. C'est pourquoi, au moins à titre
provisoire, il ne me paraît pas inutile de faire connaître ces récits.
Comment et quand racontait-on ces histoires ? Nous rentrons ici dans le
domaine des suppositions. Il paraît tout de même vraisemblable que les Pantarais,
comme la plupart des populations avoisinantes, possèdent des bardes ou des
maîtres de rituel, qui, au cours de certaines cérémonies, par exemple funérailles
ou rencontres officielles entre rois, psalmodient les généalogies et l'histoire des
ancêtres, accompagnés par un chœur d'hommes qui reprend le dernier mot ou le
dernier vers d'une série. C'est ici que je regrette de ne pas avoir le texte en pan
tarais pour essayer au moins de reproduire la poésie et la grandeur épique des récits.
De ces deux histoires, la première est certainement un mythe d'origine des
royaumes de Pantar. Il est intéressant de noter que les Pantarais ne font pas
remonter leur origine à la création de l'homme, mais voient leur ancêtre initial
venir de Java, traîtreusement abandonné sur l'île par son frère. Il est sauvé par
une femme-oiseau qui a suivi le voilier et devient sa femme. Elle met ses enfants
au monde d'un seul coup, en pondant et couvant sept œufs. Puis elle enlève sa
« robe d'oiseau » que son mari cache dans un bambou pour qu'elle ne puisse plus
a revêtir et se sauver. Nous avons ici apparemment une autre version non boud
dhique du «vol de la robe de plumes»2.
1. Cora Dubois, The People of A lor, Harvard University Press, 1944 et i960.
2 . Il existe plusieurs versions de cette histoire du « vol de la robe de plumes » . On la retrouve
aux Indes, en Suède, en Chine, au Japon où un No l'a rendue célèbre : « Hagoromo » ;
cf. Arthur Walley, The No Plays of Japan. Le vol de l'enveloppe animale d'un être surnaturel
se retrouve aussi dans certaines histoires de l'île de Lombok ; cf. Hooykaas, en collaboration
avec Van Hoeve, Quelques contes populaires Sasak, 's Gravenhage, 1948. HISTOIRES DE PANTAR 7
L'homme et la femme vivent en bonne entente jusqu'au jour où le mari,
trop tenté par la curiosité, décide d'apprendre par ruse le nom de sa femme. Il
a toujours eu honte de le lui demander. Sa ruse est cruelle car il feint d'être mort.
Sa femme, ainsi que semblent le vouloir les rites du deuil, livre son nom en réci
tant sa généalogie. Quand incapable de poursuivre la farce il se relève en éclatant
de rire, la femme, vexée et peinée, décide de partir. Elle cherche et retrouve sa
« robe d'oiseau » et s'envole pour toujours.
L'homme distribue à ses cinq fils des territoires à coloniser et marie ses deux
filles à des rois. Ce sont les cinq enfants mâles qui deviendront fondateurs de royau
mes et de lignées princières. L'un d'eux a obtenu un territoire sur la grande île
d'Alor et il est possible que par là cette histoire se rattache aux mythes d'origine
de certaines régions d'Alor.
Mais il semble que le rôle créateur appartienne à la femme-oiseau. C'est elle
qui a nommé ses enfants et leur a prédit qu'ils deviendraient rois. Elle a dicté
sa volonté à l'homme, jusqu'à lui imposer une seconde femme stérile et vieille
pour la remplacer après son départ. De l'oiseau et de l'arbre où elle a fait son
nid sont dérivés les tabous héréditaires.
Le thème principal de la deuxième histoire est celui de l'apogée puis de la
destruction complète du royaume de Munaseli par le royaume de Pandai. Ce
récit assez complexe comporte deux parties bien distinctes et l'on a même l'im
pression qu'il y manque un épisode pour bien comprendre comment la deuxième
partie s'enchaîne avec la première. Au début, l'histoire décrit la création du petit
royaume de Wolarang :
Le roi de Munaseli, avant de partir en voyage d'affaires, ordonne à ses femmes
(nous sommes sous le régime de la polygamie) de manger un certain régime de
bananes après son départ. Ceci afin qu'elles deviennent enceintes de lui en son
absence. Les femmes aînées, qui détestent la plus jeune, l'empêchent de manger ces
bananes. Mais elle arrive tout de même à retrouver les peaux et les mange conscien
cieusement. Elle se trouve enceinte et donne naissance à un garçon. Les autres
femmes demeurent stériles ; folles de jalousie, elles rendent aveugle la jeune mère
et la perdent dans la forêt avec l'enfant ; ils survivent par miracle. Une fois grand,
le petit garçon, qui s'appelle Kalepo Mahi (« perdu dans la forêt »), laisse un jour
la vie s

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