Idéologie et Plastique V. Propos sur les monstres - article ; n°1 ; vol.21, pg 685-738
54 pages
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Description

Publications de l'École française de Rome - Année 1974 - Volume 21 - Numéro 1 - Pages 685-738
54 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Idéologie et Plastique V. Propos sur les monstres
In: Idéologie et plastique. Rome : École Française de Rome, 1974. pp. 685-738. (Publications de l'École française
de Rome, 21)
Citer ce document / Cite this document :
Bayet Jean.Idéologie et Plastique V. Propos sur les monstres. In: Idéologie et plastique. Rome : École Française de Rome,
1974. pp. 685-738. (Publications de l'École française de Rome, 21)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-0000_1974_ant_21_1_1656LIMINAIRE NOTE
Nous publions ici un article inédit de Jean Bayet, auquel
il travaillait depuis longtemps, et dont le texte a pu être re
cueilli grâce aux soins de Madame Bayet et de ses deux
filles. L'état du manuscrit, et le degré d'élaboration des notes
laissent à penser qu'il était prêt pour la publication, au moins
jusqu'à la p. 35; si certains développements offrent, dans la
suite, un aspect moins achevé, leur richesse de substance, et
les compléments qu'ils apportent à diverses études antérieures,
nous ont convaincu de l'utilité de les présenter. Dans la qua
trième partie, consacrée aux polymorphismes et aux méta
morphoses, d'autres thèmes devaient être abordés, à en juger
par les dossiers qu'avait rassemblés l'Auteur: Protée et Thétis,
puissances successives d'un être en crise; dissolution du monstre
en éléments viables; le monstre discontinu: insectes, symboles
antiques. Un dernier volet de cette recherche très ample devait
être consacré à l'examen de thèmes psychologiques et plasti
ques, modernes et contemporains.
[685] IDEOLOGIE ET PLASTIQUE
V
PROPOS SUR LES MONSTRES
Monstrumne deusne...
non prodigium, non . . .
fera bellua... (Ovide,
Met., XIII, 923 et 928)
La valeur du mot français « monstre » est incluse dans
la définition que Festus nous donne : « on appelle monstrum
ce qui outrepasse les modes naturels: par exemple, un serpent
avec des pieds, un oiseau à quatre ailes, un homme à deux
têtes, un foie qui se dissout à la cuisson ». Mais cette défini
tion est disparate, rapprochant des monstruosités biologiques,
des représentations factices et une malformation interne re
gardant l'haruspicine. Elle pourrait même, sans être trop sol
licitée, couvrir les interprétations rationalistes qu'en donne
Lucrèce2: d'une part, d'organes disparates qui, nés de la terre
sont destinés à périr tout aussitôt, sans répondre aux foedera
naturai; d'autre part, les images mentales purement oniriques,
qui par l'union d'éléments hétérogènes font croire à l'existence
d'êtres vivants tels que les centaures.
Mais, au surplus, la définition de Festus, en évoquant
comme dernier exemple un prodige, nous reporte à l'origine
religieuse du mot: ce neutre n'évoque aucun être vivant ou
imaginaire; il signifie, au témoignage d'érudits, comme Aelius
1 Fest., 146, 32: monstra dicuntur naturae modum egredientia, ut
serpens cum pedibus, avis cum quatuor alis, homo duobus capitibus, iecur
cum distabuit in coquendo.
2 Lucr., V, 837-854; 878-924.
[687] J. BAYET
Stilo et Sinnius Capito, (cités par le même Festus) 3 , seulement
un « avis » ou « avertissement » des dieux, signalés par une anor-
malité physique, c'est-à-dire qu'il ne spécifie pas, par lui-même,
le caractère composite d'êtres vivants ou imaginaires: le mot a
un sens parfaitement anodin de façon à ne pas susciter un
augure néfaste, qui trahirait la rupture de la « paix des Dieux ».
LES «CIVILISATIONS DE LA CHASSE» ET LEURS SURVIVANCES
GRÉCO-ROMAINES.
A s'en tenir au sens du mot français, on pourrait être tenté
de proposer, comme origine aux représentations monstrueuses,
les phantasmes nés dans l'esprit de populations « primitives »
par la confusion des formes que leur proposait l'apparition
fugace d'animaux divers. Mais, bien entendu, nous ne pou
vons avoir un aperçu cohérent et contrôlable de ce domaine
que par la documentation graphique que nous ont laissée les
populations du Paléolitique supérieur, en particulier dans les
gravures et peintures « magdaléniennes ». Ces monuments ont
pu être récemment datés (grâce à l'analyse au carbone 14)
d'environ vingt-cinq mille ans avant nous. Il se trouve au sur
plus que des populations actuelles vivant de la. chasse, part
iculièrement en Sibérie, nous aident à concevoir les formes
3 Fest., 122, 8: »Ut Aelius Stilo interpretatur, a manendo dictum est,
velut, monstrum. Item Sinnius Capito, quod monstret futurum et moneat
voluntatem deorum». Voir A. Ernout-A. Meillet, Diet, étymol. de la langue
latine, 4e édition, 1960, s. voc, qui rapproche du mot mostellarìa (le fantôme,
en grec phasma) et lustrum (de même suffixe) dont la valeur religieuse
(«purification»), est plus déterminée mais de même tendance que celle de
monstrum.
[688] PROPOS SUR LES MONSTRES
d'esprit de cette préhistoire et s'en trouvent elles-mêmes
éclairées: car (sans même faire valoir la montée vers le nord
des chasseurs paléolithiques à la suite des rennes, leur res
source essentielle, du fait du réchauffement post-glaciaire)
l'équipement, le mode de vie, la forme d'esprit, les nécessités
de l'habitat perpétuent une « civilisation » très archaïque chez
les peuples chasseurs ou pêcheurs du Grand Nord . Et,
d'autre part, dans cet intervalle de temps, moins considérable
qu'on ne se l'imagine, de rares mais curieux témoignages de
l'Antiquité gréco-latine recoupent les données de la préhistoire
et de la sociologie.
En général, on doit convenir que les hommes de ces
civilisations, dès l'âge magdalénien, se représentent les animaux
en toute objectivité, et les rendent graphiquement avec un
plein réalisme. De monstres composites, nous ne connaissons
que très peu d'images, sujettes elles-mêmes à discussion, dans
la période du Paléolithique supérieur. Et ces anciens chasseurs,
comme les Sibériens nos contemporains, semblent avoir été
confirmés dans leur vision réaliste des animaux par l'idée
qu'ils se faisaient des conditions de la résurrection nécessaire
de celui qu'ils avaient tué . Ils s'imaginaient que la conser
vation (plus ou moins complète) des ossements de l'animal
Cf. l'ouvrage de Paul Chalus, VHomme et la Religion: recherches sur
les sources psychologiques des croyances (collection L'Evolution de l'human
ité, série complémentaire), Paris, 1963 et Eveline Lot-Falck, Les rites de
chasse chez les peuples sibériens, Paris, 1953 (L'espèce humaine, 9), chap. XII
(Réconciliation et résurrection, p. 195 à 219).
L'économie de chasse suppose à la fois la destruction alimentaire
du gibier et la sauvegarde des espèces, pour assurer la subsistance ultérieure
des hommes. C'est pourquoi les célèbres sculptures du château d'Anet
représentent d'une part la Diane assise, protectrice d'un grand cerf (autref
ois attribuée à Jean Goujon), d'autre part (dans le haut relief de bronze
de Benvenuto Cellini) la déesse étendue entourée de cerfs, chevreuils,
sangliers... Il est difficile de mesurer les changements idéologiques relatifs
à la survie ou à la résurrection de l'animal tué. P. Chalus suppose sans
preuves suffisantes (op. cit., p. 56) qu'au Magdalénien une sorte de stylisa-
44 [689] J. BAYET
lui permettrait de revivre et de revenir se livrer aux coups
des chasseurs. En ce sens, le crâne de l'animal passait pour
essentiel, comme aussi ses os longs 6. Mais la peau, elle aussi,
pouvait représenter globalement l'animal et pourvoir à sa
« résurrection »; et l'on voit même de nos jours, par régression
symbolique, certains chasseurs sibériens se contenter de garder
par devers eux un morceau de la peau, et de préférence de
celle du nez 7 des animaux dont ils négocient la fourrure.
On peut donc affirmer la continuité de croyances analogues
à travers les millénaires: l'ensemble du squelette ou la peau
garantissant la perpétuité de l'espèce. Il va de soi que certaines
cérémonies pouvaient ou devaient aider cette résurrection. Et

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