Interaction culturelle et communication populaire - article ; n°111 ; vol.28, pg 585-594
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Description

Tiers-Monde - Année 1987 - Volume 28 - Numéro 111 - Pages 585-594
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 15
Langue Français

Extrait

Alfonso Gumucio-Dagron
Interaction culturelle et communication populaire
In: Tiers-Monde. 1987, tome 28 n°111. pp. 585-594.
Citer ce document / Cite this document :
Gumucio-Dagron Alfonso. Interaction culturelle et communication populaire. In: Tiers-Monde. 1987, tome 28 n°111. pp. 585-
594.
doi : 10.3406/tiers.1987.4511
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1987_num_28_111_4511— INTERACTIONS CULTURELLES ///.
ET FORMES DÉCENTRALISÉES
DE COMMUNICATION
INTERACTION CULTURELLE
ET COMMUNICATION POPULAIRE
par Alfonso Gumucio-Dagron*
INTRODUCTION
Bien que les pays latino-américains traversent une période historique com
mune, caractérisée par la dépendance économique et politique et la crise, ils
vivent au plan culturel des phases distinctes, en fonction des divers niveaux de
confrontation sociale interne et de l'incidence de la pression externe qui se
manifeste par les moyens de communication de masse et notamment la télévision1.
Quelle capacité de régénération de la culture populaire les pays latino-améri
cains ont-ils? Quels sont les limites, les facteurs de stimulation et les termes
de négociation à l'aide desquels on pourrait définir la culture traditionnelle et
la culture hégémonique occidentale! Quelles sont, en somme, les caractéristiques
de l'interaction culturelle?2.
Ces réflexions sont inspirées de l'expérience de la Bolivie, dont le processus,
au plan de la culture populaire, est très particulier. Tandis que les autres pays
subissent des pressions très directes, la Bolivie les reçoit par ricochet, acci
dentellement.
Du point de vue de la dépendance économique, pratiquement une équation
* Directeur du cimca, Centre d'Intégration des Médias de Communication Alternative,
La Paz, Bolivie.
1. Entre autres travaux intéressants, citons : Luis Ramiro Beltran et Elizabeth Fox de
Cardona, Comunicacion Dominada (ilet, Mexico, Nueva Imagen), et Javier Estelnou Madrid,
Los medios de y la Construction de la Hegemonia (ceestel, Mexico, Nueva
Imagen, 1983).
2. Ce travail n'a aucune prétention pédagogique. Il réunit des préoccupations, des questions
et des réponses intuitives de l'auteur, qui résultent de diverses expériences menées sur le terrain
avec des moyens de communication.
Revue Tiers Monde, t. XXVIII, ne 111, Juillet-Septembre 1987 586 ALFONSO GUMUCIO-DAGRON
apparaît qui explique l'importance de l'influence externe dans la reformulation
de la culture populaire : si le pays est économiquement « intéressant », il devient
alors un enjeu. Par contre, s'il n'est pas important, il est associé à l'image d'un
territoire provisoirement neutre. La référence militaire n'est pas gratuite si l'on
considère que le processus d'interaction culturelle est présenté de plus en plus,
avec le vocabulaire propre aux conflits armés. Nombreux sont les auteurs qui
utilisent des termes comme « invasion », « pénétration », « occupation »,
« agression », « résistance », dans le contexte des tentatives de domination
culturelle et de la capacité défensive que génèrent les cultures populaires3. Un
fait est certain; quotidiennement des batailles se livrent dont résultent des
processus de remodelage de la culture populaire.
La Bolivie a connu une grande importance et un intérêt économique certain
avant de conquérir l'indépendance. Il faut, pour le comprendre, remonter
au xviie siècle. En 1650, Potosi — capitale de l'industrie minière de l'Amérique —
était plus peuplée que ne l'étaient Londres ou Paris à la même époque.
250 000 habitants y vivaient dans un luxe inouï : les colons recevaient des miroirs
des Flandres, des épées de Tolède, des vêtements de Hollande, des soies de
Calabre ou des cristaux de Venise, tandis que quelques milliers d'indigènes et
d'esclaves africains mouraient au fond d'interminables galeries creusées dans ce
qu'on appelle le Cerro Rico, la « montagne d'argent »4.
Ce qu'il est convenu aujourd'hui d'appeler « culture traditionnelle », en
Bolivie, résulte en grande partie d'un processus d'interaction déséquilibré, qui
s'est déroulé lorsque les colonisateurs ont introduit la religion en tant qu'in
strument de sujétion. Si, au cours du xvne siècle, ce processus signifie la confu
sion des valeurs et la perte de l'identité au sein des populations aymara ou
quechua, il sert aujourd'hui de point de référence face aux mécanismes
modernes d'imposition. La culture populaire préserve ce qu'elle a réussi à
assimiler au cours de l'histoire. Ce qu'elle a déjà perdu ne peut plus servir à
dynamiser sa capacité défensive.
Après des dizaines d'années, la confusion des valeurs culturelles finit par
être assumée par la communauté comme un trait d'identité local, régional ou
national. La reconnaissance de l'interaction culturelle comme un processus faisant
partie de la nature même de l'évolution de l'humanité exprime, en même temps,
la nécessité d'une projection défensive de ce processus.
De l'époque coloniale, la Bolivie a hérité une fête traditionnelle qu'actuel
lement toutes les catégories sociales revendiquent comme l'une des plus signifi
catives de l'expression de la culture populaire et nationale. Il s'agit du Carnaval
de Oruro et en particulier de sa diablada, une danse où l'on exhibe des parures
de luxe et de coûteux masques de diable. Cette manifestation est un produit
3. Voir les travaux de Amilcar Cabrai, Paulo Freire, Frantz Fanon et Babakar Sine, sous
la direction de Hilda Barraza, in Cultura y Resistencia Cultural : una lectura politico (sep, Mexico,
1985).
4. Pour plus de détails se reporter aux chroniques de Bartolomé Arzans de Orsua et Vela.
Voir également Eduardo Galeano, Las venas abiertas de America Latina (xxi* siècle, Mexico). INTERACTION CULTURELLE ET COMMUNICATION POPULAIRE 587
caractéristique de l'interaction culturelle en tant qu'elle révèle, aujourd'hui
même, malgré la distance temporelle, les composantes d'imposition et de lutte
décrites précédemment. Cet exemple vaut qu'on s'y attarde.
La religion a servi à soumettre les Indiens et à leur faire accepter avec
résignation les conditions inhumaines du travail dans les mines. Dehors, à la
surface, la Vierge catholique se dressait, et les mineurs devaient s'incliner devant
elle. Mais ils avaient leurs propres rituels qu'ils accomplissaient à l'intérieur des
galeries où les Espagnols ne s'aventuraient jamais. Là, des Indiens rendaient
tribut — comme quelques-uns le font encore aujourd'hui — à Г « oncle », une
image de démon à laquelle on offrait de l'alcool et des feuilles de coca. En
échange, Г « oncle » devait les protéger des accidents et les orienter vers des veines
riches. Actuellement, une fois par an, à l'occasion du Carnaval d'Oruro, les mineurs
déguisés en diables5 remontent à la surface exécuter une danse dont les princi
pales caractéristiques sont l'énergie et la richesse des couleurs. Après avoir
parcouru, en sautant, les rues centrales d'Oruro, les diables viennent se prosterner
devant la Vierge del Socavon. Les vieilles croyances et les nouvelles imposées
par le colonialisme se sont fondues en une seule, dont l'originalité est indéniable.
L'économie bolivienne se transforme au début de ce siècle lorsque l'argent
est remplacé par l'étain dont la demande croît rapidement dans le monde indust
rialisé. Ainsi, le processus d'interaction sociale acquiert de nouvelles caractéris
tiques car les conditions de dépendance économique et l'organisation sociale ont
elles-mêmes changé. La Bolivie est déjà une nation formellement indépendante
et, si ce n'est pas la panacée pour le peuple, il s'esquisse au moins une occu
pation physique du territoire qui peut agir d'une manière décisive sur le pro
cessus de conformation et de régénération de la culture populaire. Par ailleurs,
sur le plan de l'organisation sociale, la capacité défensive devient évidente
bien qu'inopérante jusqu'à présent. Si l'occupation de l'espace physique a,
au xviie siècle, défini les termes de transaction, depuis les cinquante dernières
années le facteur déterminant est constitu

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