Intervention publique et sociabilité. Essai sur le problème de l'insécurité en France - article ; n°1 ; vol.14, pg 1-16

Sébastien Roché

Description

Déviance et société - Année 1990 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 1-16
L'auteur tente de rapprocher les niveaux micro- et macro-sociaux: l'analyse des réseaux de sociabilité et des interventions publiques en matière de sécurité. Il défend l'idée que le règlement de l'insécurité ne passera pas par la fantasmagorique restauration de communautés mais par la stimulation d'un lien micropolitique en phase avec la mutation des styles de vie. Pour lutter contre l'insécurité, les interventions publiques devraient reconnaître plus complètement la mutation des sociabilités familiale ou de voisinage et doter de moyens les individus qui désirent s'en affranchir sans le pouvoir, plutôt que d'idéaliser ces sociabilités et d'en faire le passage obligé de la cohésion sociale.
This paper is an attempt to link the results of two a priori distinct research areas: interpersonal networks and public intervention. The author claims that the fight against the emergence of insecurity is by no means possible on a community basis: it must take into account the mutation of life-styles. Public intervention should 1/ recognize the transformation of both neighborhood — and family — interpersonal-networks instead of trying to restore fantasmagorie (i.e. ideal and non-real) comunities; 2/ stimulate a micro-political link and not a social link (i.e. total insertion) between the individuals living in problem areas.
Der Autor unternimmt den Versuch, zwei verschiedene Ebenen einander anzunahern: die Analyse des Geflechts zwischenmenschlischer Beziehungen und die des öffentlichen Eingreifens. Er vertritt die Ansicht, dass Massnahmen zur Behebung der Unsicherheit nicht auf einer tnigerischen Wiederherstellung einer Gemeinschaft beruhen durften, sondern auf mikro-politischer Ebene angesiedelt sein und den Veranderungen in der Lebensweise gerecht werden mussten. So mussten derartige Massnahmen in einem ersten Schritt die Ver- änderungen im familialen und nachbarschaftlichen Beziehungsgefûge anerkennen, anstatt die Gemeinschaftsfähigkeit zu idealisieren und als einen notwendigen Bestandteil des sozialen Zusammenhalts darzustellen; weiterhin müssten sie den Personen Hilfestellung leisten, die sich aus dem Gefüge befreien wollten, aber dazu aus eigener Kraft nient in der Lage seien.
De auteur tracht de sociale micro- en macro-niveau's met elkaar te verbinden: de analyse van de sociabiliteitsnetten en de tussenkomsten van de overheid inzake veiligheid. Hij verdedigt de idee dat de oplossing van het onveiligheids- probleem niet te vinden is in een zinsbedrieglijk herstel van gemeenschappen maar in een verandering in levensstijl. Om de onveiligheid te bekampen zouden de tussenkomsten van de overheid de veranderingen inzake sociabiliteit van gezin of buurt tenvolle moeten erkennen en de individuen die er iets willen aan doen voorzien van middelen, veeleer dan de sociabiliteit te idealiseren en er een dwingende overgangsfase naar sociale samenhang van te maken.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: DEVIANCE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 1990
• Nombre de lectures: 41
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Monsieur Sebastian Roche
Intervention publique et sociabilité. Essai sur le problème de
l'insécurité en France
In: Déviance et société. 1990 - Vol. 14 - N°1. pp. 1-16.
Citer ce document / Cite this document :
Roche Sebastian. Intervention publique et sociabilité. Essai sur le problème de l'insécurité en France. In: Déviance et société.
1990 - Vol. 14 - N°1. pp. 1-16.
doi : 10.3406/ds.1990.1167
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1990_num_14_1_1167Résumé
L'auteur tente de rapprocher les niveaux micro- et macro-sociaux: l'analyse des réseaux de sociabilité
et des interventions publiques en matière de sécurité. Il défend l'idée que le règlement de l'insécurité ne
passera pas par la fantasmagorique restauration de communautés mais par la stimulation d'un lien
micropolitique en phase avec la mutation des styles de vie. Pour lutter contre l'insécurité, les
interventions publiques devraient reconnaître plus complètement la mutation des sociabilités familiale
ou de voisinage et doter de moyens les individus qui désirent s'en affranchir sans le pouvoir, plutôt que
d'idéaliser ces sociabilités et d'en faire le passage obligé de la cohésion sociale.
Abstract
This paper is an attempt to link the results of two a priori distinct research areas: interpersonal networks
and public intervention. The author claims that the fight against the emergence of insecurity is by no
means possible on a community basis: it must take into account the mutation of life-styles. Public
intervention should 1/ recognize the transformation of both neighborhood — and family — interpersonal-
networks instead of trying to restore fantasmagorie (i.e. ideal and non-real) comunities; 2/ stimulate a
micro-political link and not a social link (i.e. total insertion) between the individuals living in problem
areas.
Zusammenfassung
Der Autor unternimmt den Versuch, zwei verschiedene Ebenen einander anzunahern: die Analyse des
Geflechts zwischenmenschlischer Beziehungen und die des öffentlichen Eingreifens. Er vertritt die
Ansicht, dass Massnahmen zur Behebung der Unsicherheit nicht auf einer tnigerischen
Wiederherstellung einer Gemeinschaft beruhen durften, sondern auf mikro-politischer Ebene
angesiedelt sein und den Veranderungen in der Lebensweise gerecht werden mussten. So mussten
derartige Massnahmen in einem ersten Schritt die Ver- änderungen im familialen und
nachbarschaftlichen Beziehungsgefûge anerkennen, anstatt die Gemeinschaftsfähigkeit zu idealisieren
und als einen notwendigen Bestandteil des sozialen Zusammenhalts darzustellen; weiterhin müssten
sie den Personen Hilfestellung leisten, die sich aus dem Gefüge befreien wollten, aber dazu aus
eigener Kraft nient in der Lage seien.
De auteur tracht de sociale micro- en macro-niveau's met elkaar te verbinden: de analyse van de
sociabiliteitsnetten en de tussenkomsten van de overheid inzake veiligheid. Hij verdedigt de idee dat de
oplossing van het onveiligheids- probleem niet te vinden is in een zinsbedrieglijk herstel van
gemeenschappen maar in een verandering in levensstijl. Om de onveiligheid te bekampen zouden de
tussenkomsten van de overheid de veranderingen inzake sociabiliteit van gezin of buurt tenvolle
moeten erkennen en de individuen die er iets willen aan doen voorzien van middelen, veeleer dan de
sociabiliteit te idealiseren en er een dwingende overgangsfase naar sociale samenhang van te maken.Claude FAUGERON
Déviance et Société , 1990, Vol. 14, No 1, pp. 1-16
INTERVENTION PUBLIQUE ET SOCIABILITÉ
Essai sur le problème de l'insécurité en France
S. ROCHE*
Le règlement de l'insécurité ne passera pas par la fantasmagorique restaura
tion de communautés mais par la stimulation d'un lien micro-politique en
phase avec la mutation des styles de vie. Pour lutter contre l'insécurité, les inter
ventions publiques devraient reconnaître plus complètement la mutation des
sociabilités familiale ou de voisinage et doter de moyens les individus qui dési
rent s'en affranchir sans le pouvoir, plutôt que de compter sur des sociabilités
idéales en voie de disparition pour stimuler la cohésion sociale. L'Etat, la police
et la justice devraient se rapprocher des populations en tenant compte des for
mes de sociabilité et solidarité existantes. En effet, les individus ne sont plus
ancrés dans un espace: leurs réseaux traversent les lieux, développent des straté
gies. Pour optimiser leurs actions, les collectivités territoriales et l'Etat ont-ils
un autre choix que d'anticiper les stratégies des individus et couches sociales en
globalisant leurs interventions sur la moins mauvaise base de territorialisation,
celle qui approxime le mieux l'espace où se jouent les stratégies et se dévelop
pent les réseaux des individus?
Mais les actions publiques peuvent-elles se mettre au diapason des sociabili
tés? Cette interrogation conduit à se demander si les modes d'action publique
varient avec bonheur suivant l'état des réseaux et sociabilités en direction des
quels ces interventions sont déployées.
Aujourd'hui, les interventions butent sur des solidarités en mutation qui
s'organisent suivant des réseaux labiles et insaisissables. C'est le paradoxe de
l'intervention étatique contemporaine, elle qui se veut légale et rationnelle, que
de buter sur des réseaux souples. Ainsi en vient-on à se demander 5/ les représen
tations que possèdent les agents de l'Etat permettent à ces hommes de tenir
compte efficacement de l'existence des sociabilités et solidarités micro-sociales
dans leurs formes actuelles.
Tout le problème, pour une institution publique, va être d'agir sur cette nouv
elle tissure des réseaux de sociabilité, qu'on ne peut prendre par aucun bout,
qui n'est pas nécessairement destinée à durer, mais qui peut l'être. Comment sai
sir la sociabilité labile, ou au moins en tenir compte? N'y a-t-il pas incompatibil
ité entre la continuité de l'intervention publique sur les collectivités et la labilité
stratégique des solidarités? Pour esquisser une réponse à cette question, il
convient de donner quelques indications sur les sociabilités actuelles.
Université des Sciences sociales, Institut d'Etudes politiques de Grenoble. I. Eléments sur l'état actuel de la sociabilité
Une analyse très succincte sera menée suivant la division classique en sphèr
es: le voisinage, la famille, les partenaires associatifs et de sorties.
La sphère familiale est affectée d'un double mouvement. Les liens prescrits
avec la parentèle se relâchent effectivement: la parentèle devient un réseau de
parenté (Gokalp, 1978), avec sélection des individus comme dans n'importe
quel autre cercle social (Babchuk et Hoyt, 1983 ; Fischer, 1982; Riley, 1983). En
France, l'évolution du choix du conjoint s'affranchit des contraintes territoria
les relevées par Girard (1974). Parallèlement, le foyer est le cadre de multiples
activités liées à l'importation de technologie: du lave-vaisselle au caméscope
(Segalen, 1982). Cette sphère est la plus fréquentée chez les artisans, les ouvriers
et les commerçants.
Le voisinage devient de plus en plus résiduel: un indicateur simple peut être
pris: presque aucun ami n'y est prélevé, presque aucune amitié n'est formée
dans son cadre (Roche, 1986). Il devient une sphère de contacts simples,
d'échanges de services minima. Son utilité croît avec l'âge: lorsque d'autres
sphères sont inatteignables, seul le voisinage reste en lice. On y recherche des
contacts faute de mieux. Le désinvestissement affectif du voisinage est un point-
clé de la socialite urbaine. François Héran montre bien que les ouvriers, eux non
plus, ne sont pas demandeurs d'une sociabilité de voisinage plus intense (Héran,
1987).
Les sphères les plus électives sont les sphères de la sociabilité urbaine. En
milieu rural, le réseau ego-centré forme une grappe plus dense et plus close
qu'en milieu urbain. D'une p»rt les liens prescrits y sont plus nombreux, surtout
les liens de voisinage, et d'autre part les liens généralistes sont plus fréquents
(Lagrange, Roche, 1987).
Au total, la sociabilité urbaine se caractérise par son élection, sa spécialisa
tion (on entretient une activité définie avec une personne, et on cumule donc
peu ses activités avec la même personne, au contraire de ce qui existe pour des
liens généralistes). Les réseaux personnels sont peu denses, très