Introduction  - article ; n°1 ; vol.32, pg 5-9
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Description

Sociétés contemporaines - Année 1998 - Volume 32 - Numéro 1 - Pages 5-9
5 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 11
Langue Français

Extrait

D O R O T H E ER I V A U D - D A N S E T
SERVICE PUBLIC ET SERVICE UNIVERSEL
INTRODUCTION AU DOSSIER
Quel peut être le devenir de la notion de service public à la française» à lheure du service universel promu par la Commission Européenne ? Pour y répon-dre, ce dossier se propose non pas de clarifier la notion de service public à la fran-çaise mais de la questionner en mobilisant plusieurs disciplines. Les enjeux actuels qui sont bien entendu du domaine de la politique, des choix de société, sont égale-ment posés en termes juridiques (régime dexceptionversusde droit com- régime mun comportant des obligations) et économique (monopoleversusconcurrence). En sinterrogeant sur les contributions de la pensée juridique et de la théorie économi-que à la notion de service public, ce dossier ambitionne donc déclairer le devenir de la notion de service public, en France et plus généralement en Europe. Un domaine dactivité est privilégié, celui des services publics organisés en réseau, cest à dire les services dont la fourniture requiert une infrastructure en réseau (énergie, trans-ports, communication, principalement). Ce domaine dactivité publique, considéré comme nétant pas régalien, fait actuellement lobjet dune réglementation commu-nautaire. Des terrains dexpérimentation de la libéralisation sont observés, en parti-culier celui de lélectricité en Grande-Bretagne. La notion de service public véhicule, en France, un ensemble de principes qui sont tenus pour consubstantiels,de jure oude facto. Certains équivalents logiques sont une production de la pensée juridique. Celle-ci assimile service public et entre-prise publique: les pouvoirs publics sont le maître dœuvre, le donneur dordre, quelle que soit la nature juridique du gestionnaire du service. Plusieurs principes, dont les plus familiers sont ceux de continuité du service et dégalité de traitement, simposent à tous les services publics, quel que soit le statut de lentreprise qui en assure la prestation. Pour les juristes français, lobligation de respecter ces principes place le service public en dehors des seules lois du marché, justifiant un régime juri-dique spécifique. Ces principes ont favorisé lémergence de régularités qui tendent elles aussi à être considérées comme consubstantielles à la notion de service public. La continuité du service a facilité lobtention dun statut particulier pour les person-nels concernés ; légalité de traitement, indépendamment, entre autres, de la localisa-tion de lusager, a favorisé un modèle dorganisation, celui de la grande entreprise nationale qui admet pour propriétaire lÉtat et dispose dun monopole. Ce faisant, le
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service public à la française a tendu à se confondre avec le monopole public. Dès lors que principes, régime dexception, entreprise publique, monopole sont supposés être synonymes de service public, toute privatisation ou toute introduction de concurrents menace dentraîner la disparition de tout lédifice, y compris la compo-sante initiale et fondatrice du service public : la reconnaissance, par la collectivité ou tout au moins par ses représentants, dun besoin dintérêt général que linitiative pri-vée seule ne peut satisfaire. Ce dossier se propose donc, pour questionner la notion de service public, de commencer par enquêter sur ses fondements: le droit et/ou léconomie peuvent-ils produire une doctrine qui définirait objectivement les services publics et en délimite-rait lespace ? Pour P. Chrétien, la représentation dun ensemble de services publics aux contours bien délimités, bien distincts des contours du marché ne peut pas être légi-timée par la doctrine juridique du service public. Et pour cause, nous dit P. Chrétien, celle-ci est vide de principes universels définitivement acquis. Le service public est la réponse organisée par la puissance publique à des besoins dintérêt général, lintérêt général étant celui que définissent ici et maintenant les gouvernants. Pour autant, les juristes ne se sont pas bornés à constater la primauté du choix politique. La jurisprudence a produit une doctrine de lintervention fondée sur la carence de linitiative privée. La théorie économique fait largement écho à cette doctrine juridique de lintervention. Certes, comme le rappelle L. Cartelier, les fondements économiques des services publics diffèrent selon la théorie économique privilégiée. La théorie de léquilibre général justifie, elle aussi, lintervention de lÉtat – sous une forme qui peut, le cas échéant, entraîner la création dun service public – par la défaillance du marché. LÉtat doit intervenir lorsque le marché ne peut à lui seul conduire à une situation optimale, cest à dire la plus efficiente possible. Les économistes de tradi-tion keynésienne admettent que la question est politique, que lespace concerné par le secteur public nest pas délimité, puisquils recourent à la notion dintérêt général et plus précisément aux valeurs déquité et de solidarité, pour légitimer linter-vention de lÉtat. Les articles de P. Chrétien et de L. Cartelier montrent – ou suggèrent – que juris-tes et économistes se rejoignent pour constater que la représentation dun ensemble de services publics aux frontières précises ne peut se fonder sur leur doctrine respec-tive. Certes ce constat ne fait pas lunanimité parmi les théoriciens. Pour le juriste Duguit, il existait un fondement objectif à lintervention publique, lintérêt collectif étant conceptualisé comme un ‘donné social qui peut être transformé en une norme juridique et que le législateur se borne à mettre en œuvre. Pour les théoriciens de léquilibre général, la liste des critères de défaillance du marché (biens collectifs, monopole dit naturel, externalités) quils ont élaborée enferme les situations où lÉtat doit intervenir. Mais cette problématique soucieuse dobjectivité ne saurait masquer la plasticité des situations qui appellent lintervention publique. Ainsi, la prise en compte des externalités, cest à dire des coûts ou des avantages qui ne sont pas intégrés dans les calculs privés, ouvre aux pouvoirs publics un domaine dinterventiona priorivaste et changeant. Mais si les juristes français ont tradition-nellement tenu pour vaste le champ dintervention de lÉtat, en revanche, les éco-
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nomistes – en majorité anglo-saxons – qui se référent à la théorie de léquilibre gé-néral supposent que les situations où le marché défaillant requiert une intervention correctrice sont peu nombreuses. Selon la discipline, la figure de lÉtat-interventio-niste-adjuvant du marché est grande ou petite. Létendue des services publics en France à la fin de ce siècle, dans les activités en réseau, doit donc beaucoup aux circonstances, aux nationalisations de laprès-guerre mais aussi au développement de la propriété publique dans les années trente, au poids des ingénieurs issus des grands corps de lÉtat dans ces métiers, mais ceci est une autre histoire... hors de ce dossier. Cependant la notion de service public à la française est aussi un produit des caté-gories mises en place intentionnellement par les juristes. Cette construction juridique est directement questionnée par le droit communautaire. Celui-ci condamne-t-il lensemble de lédifice ? S. Garceries montre comment ces deux constructions juri-diques peuvent être étudiées sous langle de la confrontation mais aussi de la conci-liation. Avec le droit communautaire, émerge, empruntée au législateur américain, la notion de service universel qui concerne certaines activités en réseau, les Télécom-munications et la Poste. Le service universel suppose que les prestataires de service sengagent devant les pouvoirs publics à desservir lensemble dun territoire dans de bonnes conditions de coût et de qualité. Il est donc admis que spontanément les en-treprises concernées nagissent pas dans lintérêt de tous les consommateurs. Le marché doit être corrigé de ses excès, cest à dire du danger de délaisser certains usagers. Les obligations du service universel sont définies sans préjuger ni des pro-blèmes de compétence – lopérateur, pour reprendre la terminologie nouvelle, peut être une personne privée ou publique –, ni des problèmes dorganisation – si la concurrence est le cadre considéré comme normal, le monopole est admis par le droit communautaire. Si les régimes juridiques dexception et le lien organique entre le service et le pouvoir public disparaissent avec le service universel, restent deux référents communs: la Communauté européenne maîtrise la détermination du contenu du service de base et la concurrence doit, pour certains services, être amen-dée par la puissance publique. Le droit communautaire, pour S. Garceries, est dailleurs compatible avec le régime français du service public industriel et commer-cial qui inscrit lintérêt général dans le comportement dentreprises tenues par les exigences de rentabilité. Les contributions des juristes montrent comment le service universel retrouve une logique qui est celle de lintérêt général, avec les considérations classiques sur les défaillances du marché qui conduisent les pouvoirs publics à appliquer à des ac-tivités en principe privées et relevant dune régulation par la concurrence, des règles spécifiques. Les différences entre le droit français et le droit communautaire sont moins abruptes que ne le suggèrent les oppositions idéologiques. Les autres contributions à ce dossier nous montrent que le débat idéologique, en radicalisant les enjeux de société, tend à esquiver des questions économiques impor-tantes (J.-M Glachant et J. Tolledano) ou à minorer des changements dans le com-portement des grandes entreprises publiques dont lorigine doit peu à Bruxelles et à la libéralisation (H. Coing). Dès lors que les pouvoirs publics estiment que lintérêt général les conduit à in-tervenir dans des activités marchandes, se pose le problème de la mise en œuvre de
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leurs intentions. Cette question conduit deux économistes à sinterroger, à partir du cas de lélectricité britannique et de la Poste en Europe, sur le lien qui sest établi entre service public et monopole (public) ou symétriquement sur la compatibilité entre certaines obligations de service public et la concurrence. Le lecteur – attentif – remarquera quen retenant le principe de la péréquation tarifaire, comme traduction des valeurs déquité et de solidarité, un mode dorganisation est privilégié : le mo-nopole intégré (sous-entendu de linfrastructure et de la production jusquà la com-mercialisation). Le monopole intégré permet, en effet, la compensation des activités non rentables par les activités rentables. La concurrence ne le permet pas puisque les nouveaux venus sintéressent aux activités les plus rentables, les gros clients aux-quels ils proposent des tarifs se rapprochant des coûts. Mais la péréquation tarifaire assurée par le monopole intégré coexiste parfois difficilement avec un autre principe du service public, celui de la transparence des comptes. Le législateur britannique tout comme la Commission européenne privilégient la transparence, ce qui a conduit à exclure la péréquation tarifaire du champ des principes définissant le service uni-versel pour la poste. J.-M Glachant étudie le secteur de lélectricité en Grande-Bretagne. Ce secteur traditionnellement intégré de la production à la commercialisation est aujourdhui découpé en différents métiers, ouvert à la concurrence sous sa forme la plus symbo-lique, celle du marché denchères, et privatisé. Pour autant, toute référence au ser-vice public na pas disparu. La banalisation du secteur de lélectricité nest pas to-tale, les contraintes dégalité de traitement des usagers et de continuité du service, ainsi que des clauses spécifiques concernant les usagers handicapés, sont édictées par les pouvoirs publics. Pour illustrer ce noyau dur, J. M. Glachant recourt à la mé-taphore de lautoroute dont laccès est garanti à tous les usagers, tandis que le véhi-cule, le carburant utilisés dépendent des revenus et des préférences de chacun. Mais ces choix politiques impliquent pour être mis en œuvre de corriger le marché. En effet, le respect des contraintes par les entreprises concernées suppose que leur équi-libre financier ne soit pas déstabilisé par la concurrence à laquelle se livrent les dif-férents opérateurs pour sattirer les grands clients, pour linstant les plus rentables mais qui cesseront de dégager des excédents si le marché nest pas réglementé. La Poste est confrontée à une question analogue, selon J. Tolledano. Certes, les changements intervenus dans les pays européens sont dune ampleur bien moindre que dans lélectricité britannique, y compris en Suède, un des pays symboles du mouvement de libéralisation. La directive communautaire postale de 1996, en intro-duisant simultanément la notion de service universel et celle dun secteur réservé (réservé aux prestataires du service universel), devrait permettre de préserver les ob-jectifs de service public et les objectifs dune activité marchande; cette dernière suppose que le prestataire de service réponde à des besoins différenciés, sachant que les entreprises constituent le principal utilisateur final du service postal. Si le com-promis est possible, pour autant J. Tolledano souligne lampleur des questions non résolues et qui souvent ne sont guère débattues alors quelles conditionnent lavenir du secteur public postal. Comment maintenir un équilibre entre les activités renta-bles et les activités non-rentables (les bureaux de poste des petites communes) dès lors que les premières sont exposées à la concurrence ? Comment maintenir le prin-cipe de la péréquation tarifaire, qui fait lobjet dun attachement certain dans la plu-part des pays européens, alors que la Commission européenne nen a pas fait un
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élément du service universel et donc na pas prévu les contreparties financières né-cessaires ? La contribution dun sociologue spécialiste du territoire, H. Coing, montre que lévolution du service public dans les activités en réseau ne peut pas être envisagée en se référant seulement aux directives européennes ou aux expériences de libérali-sation. La décentralisation, la montée des enjeux environnementaux, la différencia-tion des besoins ont également conduit les entreprises de service public à modifier leur relation avec les collectivités locales ; ces relations longtemps tenues pour mar-ginales sont devenues cruciales. La prise en compte des exigences de développement local conduit aussi les entreprises offrant des services publics à se coordonner. Le réseau, entendu initialement comme linfrastructure nécessaire à lexercice dun mé-tier dont la gestion doit être confié à un monopole, selon la logique du monopole na-turel, deviendrait un réseau local associant les élus et des entreprises de compétences diverses investies dune mission de service public. Les contributions réunies dans ce dossier, quelles soient juridiques, économi-ques ou sociologiques, montrent quentre linterventionnisme centralisateur et lultra-libéralisme où le marché serait le seul guide, existe un espace étendu où peuvent se développer des activités intégrant des missions dintérêt général. La référence à ces deux pôles, dailleurs, ne rend pas bien compte des facteurs complexes dévolution du service public: ainsi le développement de la concurrence dans les services pu-blics est favorisé certes par une réglementation européenne soucieuse en priorité de développer les échanges mais aussi par les nouvelles techniques ; de même, le rôle joué par les élus locaux est associé à une plus grande prise en compte par les presta-taires de services publics de lutilisateur final et de lexistence de besoins différen-ciés. Ce dossier est révélateur de lévolution de la conception de lintervention des dirigeants, que traduisent les notions de ‘service public et de ‘service universel. Le service public à la française, avec son régime juridique dexception, qui nest pas sans évoquer une conception régalienne de lÉtat, où les pouvoirs publics assurent la maîtrise du service public et se substituent à linitiative privée, a contribué à légiti-mer lÉtat-interventioniste-centralisateur. Le service universel, avec son régime juri-dique commun, lopérateur considéré comme une personne privée et les pouvoirs publics qui corrigent le libre jeu du marché, se réfère à la figure de lÉtat-régulateur décidant à plusieurs niveaux, selon la conception de lÉtat subsidiaire.
Dorothée RIVAUD-DANSET UFR de Sciences Économiques Université Paris 13 Av. J.-B. Clément - 93430 VILLETANEUSE
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