Introduction. Environnement et développement - article ; n°130 ; vol.33, pg 247-272

Abdellatif Benachenhou

Description

Tiers-Monde - Année 1992 - Volume 33 - Numéro 130 - Pages 247-272
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: TIERS-MONDE
• Publié le: 01 janvier 1992
• Nombre de lectures: 15
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Abdellatif Benachenhou
Introduction. Environnement et développement
In: Tiers-Monde. 1992, tome 33 n°130. pp. 247-272.
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Benachenhou Abdellatif. Introduction. Environnement et développement. In: Tiers-Monde. 1992, tome 33 n°130. pp. 247-272.
doi : 10.3406/tiers.1992.4688
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1992_num_33_130_4688ENVIRONNEMENT ET DEVELOPPEMENT
par Abdellatif Benachenhou*
L'évolution récente des faits et des idées a sensibilisé l'opinion en
faveur d'une action pour la préservation de l'environnement en vue d'un
développement durable.
Si les trois dernières décennies des Nations Unies pour le développe
ment n'ont pas toujours été couronnées de succès, si une certaine lassitude
s'est manifestée dans la perception des acquis, les préoccupations en
matière d'environnement, après la publication du Rapport Brundtland
en 1987, ont renouvelé l'attention portée par la communauté interna
tionale aux perspectives et aux conditions de la croissance et du déve
loppement et en particulier à leur contenu technique et à leur impact sur
l'environnement global. Parallèlement, la conscience grandissante de
l'importance des dimensions culturelles du développement, de la participa
tion et de la démocratie dans les processus de changement social a accentué
cet intérêt nouveau pour le développement. Enfin, l'évolution de la situapolitique internationale, en permettant de libérer des ressources
humaines et financières, est venue conforter l'idée que la lutte contre la pau
vreté et l'amélioration des niveaux de vie sont maintenant du champ des
possibles d'autant plus que la restructuration des économies et des sociétés
des pays de l'Europe de l'Est a mis en évidence l'existence de poches de pau
vreté que le système institutionnel antérieur avait tendance à occulter.
Le développement du mouvement écologiste en Occident, la découv
erte souvent dramatique des problèmes d'environnement dans les pays
de l'Europe de l'Est ainsi que l'émergence de préoccupations dans les
régions en développement constituent autant de facteurs convergents et
positifs en faveur d'actions éventuelles.
Cependant, il ne faut pas cacher le caractère souvent dramatique et
* Professeur, directeur principal de la Division des Etudes sur le Développement à l'Unesco.
Revue Tiers Monde, t. XXXIII, n° 130, Avril-Juin 1992 248 Abdellatif Benachenhou
fragile des informations et des causalités établies, le manque de clarté
des relations entre environnement et développement, qui relèvent plutôt
de généralisations hâtives que d'analyses scientifiques de la réalité éco
nomique, sociale et environnementale des régions en développement
comme des pays développés.
On tentera dans ce numéro de la Revue d'apporter quelques éléments au
débat environnement/développement et à l'analyse des formes d'actions
qui pourraient être menées aux niveaux international, national et local.
I — LE DÉBAT ENVIRONNEMENT/DÉVELOPPEMENT
Pour des commodités de présentation, les éléments d'analyse de ce
débat ont été regroupés en six catégories, mais il est évident que sont pris
en compte implicitement les liens complexes entre les aspects retenus.
1. Niveaux de développement et problèmes environnementaux
II a paru nécessaire d'aborder les problèmes selon
les différents niveaux de développement.
Le premier cas de figure est celui des pays les moins avancés (pma) et
des régions les plus pauvres des pays à revenus intermédiaires : leurs
problèmes d'environnement sont essentiellement liés à l'utilisation et à la
gestion directe des ressources naturelles : terres, eaux, forêts. L'approp
riation de la nature par des communautés à populations plus ou moins
denses et les modèles sociaux et technico-économiques qui déterminent
cette appropriation constituent certains des obstacles à une gestion cor
recte des ressources. Qu'il s'agisse d'un excès ou d'une insuffisance en
particulier qualitative de terres, d'un excès ou d'une d'eau,
d'une insuffisance de sources d'énergie, la question centrale est celle qui
lie taille de la population, structures et mécanismes d'appropriation des
ressources et modèles techniques. Dans ce premier groupe, les problèmes
sont vécus, empiriquement, comme dégradation des terres et des forêts,
comme pollution de l'eau et dégradation massive du cadre de vie : env
ironnement et développement sont une seule et même réalité. La préserva
tion de l'environnement passe par l'établissement d'équilibres nouveaux
entre les trois facteurs cités, mais la lutte contre la pauvreté relève très
exactement de la même analyse et des mêmes politiques. Il s'agit pour
l'essentiel de transformer des modèles sociotechniques dans des écosys
tèmes relativement fragiles, de repenser l'accès aux ressources, y compris
au savoir technique, et de reconstruire dans le temps, de façon ordon- Environnement et développement 249
née, la relation dynamique entre taille des populations et processus de
changement social, en transformant la fécondité par le jeu des autres
variables, parmi lesquelles il faut citer l'éducation.
Le deuxième groupe de pays est constitué par des ensembles
humains à revenus intermédiaires en processus d'urbanisation crois
sante : les structures économiques et sociales y sont déjà fortement
diversifiées avec une production industrielle significative, des classes
moyennes en expansion notable et une évolution des modèles de
consommation vers les modèles prévalant dans les pays développés.
C'est le cas de la plupart des pays d'Amérique latine, des pays d'Asie
du Sud-Est qui ont connu ou connaissent un processus d'industrialisa
tion rapide, de certains pays arabes et enfin, avec quelques nuances,
des régions et pays les plus industrialisés de l'Europe de l'Est, de
l'Asie du Sud ou de la Chine. La question environnementale centrale
est ici liée à la mise en place et au fonctionnement de modèles techni
ques fort consommateurs de ressources naturelles, en particulier
d'énergie, comparativement à l'évolution récente des techniques au
niveau international. Dans la majorité de ces pays, les modèles techni
ques dominants de production et d'utilisation multisectorielle de
l'énergie correspondent, en règle générale, à des normes techniques
antérieures aux années 1970 et utiliseraient en moyenne deux fois plus
d'énergie par unité de produit que dans la des pays de
I'ocde. A cela s'ajoutent les risques technologiques résultant d'une
mauvaise conception et/ou d'une mauvaise utilisation des outils de
production. Pour un style de vie donné, suivant le modèle courant des
pays de I'ocde, la maîtrise sociale et technique de la production et de
l'utilisation de l'énergie et des autres ressources naturelles dans des
contextes technico-économiques internationaux en mutation rapide
constitue le point fort des politiques d'environnement.
Le troisième groupe comprend les pays de I'ocde à l'exclusion de
deux ou trois d'entre eux qui relèvent plutôt de la seconde catégorie. Ici,
la question centrale est celle de l'impact de la croissance économique,
des modèles techniques et des styles de vie dominants sur la gestion des
ressources et espaces communs de l'humanité : atmosphère, couche
d'ozone, ressources marines et minérales de la planète, espaces finis des
communications et télécommunications. Ce problème d'environnement
est lié à l'explosion vertigineuse de la consommation d'énergie et de pro
duits miniers dans les activités économiques et à l'extension rapide
d'une culture de consommation de masse fondée, pour l'essentiel, sur les
transports individuels, le développement très rapide de l'équipement des
ménages et l'extension sociale de l'accès aux loisirs, y compris le tou- 250 Abdellatif Benachenhou
risme international et ses ponctions sur les ressources et espaces locaux
et globaux. Il est établi cependant que, si à dater de 1973 les économies
transectorielles d&#