Irrigation et État en Égypte antique - article ; n°3 ; vol.57, pg 611-623
15 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Irrigation et État en Égypte antique - article ; n°3 ; vol.57, pg 611-623

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
15 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales. Histoire, Sciences Sociales - Année 2002 - Volume 57 - Numéro 3 - Pages 611-623
Irrigation and the State in ancient Egypt In this paper I examine the relationship between irrigation and the ancient Egyptian State. Despite the persistence of the theory of the hydraulic bureaucracy developed by Engels, Marx, and Weber, and the so-called hydraulic hypothesis of Wittfogel, there is no evidence that connects the irrigation system to a despotic form of government in ancient Egypt. The ideology of centralized control must be carefully distinguished from the diffused nature of water control. For most of its history, the exploitation of the land in Egypt was organized in low-lying basins, and irrigation of the fields followed the rhythm of the annual flood and its recession. It was not until the 19th-century CE, with the concept of a mercantilist State and the use of barrages and weirs, and cash crops of cotton and sugar cane, that perennial irrigation became commonplace. Artificial irrigation is known from the beginning of the unified State (ca. 3100 ВСЕ), but its use was limited until Roman times. This general understanding of the relationship of irrigation to the State has important implications for the understanding of the Ptolemaic intervention in Egypt. Despite the earlier central planning or etatist model of the Ptolemaic State, the Ptolemaic agrarian economy, as it was earlier, was reactive rather more than it was planned, and used a localized administrative structure to tax agricultural production.
Joseph G. Manning État et irrigation en Egypte antique Cet article examine la relation entre l'irrigation et l'État égyptien antique. En dépit de la persistance de la théorie de la « bureaucratie hydraulique » développée par Engels, Marx et Weber, et de ce que l'on appelle « l'hypothèse hydraulique » de Karl Wittfogel, il n'y a pas de preuve permettant d'établir un lien entre le système d'irrigation et une forme de gouvernement « despotique » en Egypte antique. L'idéologie du contrôle centralisé doit être soigneusement distinguée de la nature diffuse du contrôle de l'eau. Durant la plus grande partie de son histoire, l'exploitation de la terre, en Egypte, a été organisée dans des bassins inondables, et l'irrigation suivait le rythme annuel des crues et des décrues. Ce n'est qu'à partir du XIXe siècle de notre ère, avec le concept d'un État mercantiliste, et la construction des barrages et déversoirs, la culture de rapport du coton et de la canne à sucre, que l'irrigation permanente est devenue courante. L'irrigation artificielle est connue depuis les débuts de l'État unifié (environ 3100 avant J.-C.) mais, jusqu'à l'époque romaine, son utilisation était limitée. Cette interprétation générale de la relation entre irrigation et Etat a des conséquences importantes pour la compréhension de l'intervention ptolémaïque en Egypte. En dépit de la planification centrale antérieure et du modèle étatiste des Ptolémées, l'économie agraire, comme cela avait été le cas auparavant, était à cette période plus réactive que planifiée, et elle se fondait sur la structure administrative locale pour taxer la production agricole.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Joseph G. Manning
Irrigation et État en Égypte antique
In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 57e année, N. 3, 2002. pp. 611-623.
Citer ce document / Cite this document :
Manning Joseph G. Irrigation et État en Égypte antique. In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 57e année, N. 3, 2002. pp.
611-623.
doi : 10.3406/ahess.2002.280067
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_2002_num_57_3_280067Résumé
Cet article examine la relation entre l'irrigation et l'État égyptien antique. En dépit de la persistance de la
théorie de la « bureaucratie hydraulique » développée par Engels, Marx et Weber, et de ce que l'on
appelle « l'hypothèse hydraulique » de Karl Wittfogel, il n'y a pas de preuve permettant d'établir un lien
entre le système d'irrigation et une forme de gouvernement « despotique » en Egypte antique.
L'idéologie du contrôle centralisé doit être soigneusement distinguée de la nature diffuse du contrôle de
l'eau. Durant la plus grande partie de son histoire, l'exploitation de la terre, en Egypte, a été organisée
dans des bassins inondables, et l'irrigation suivait le rythme annuel des crues et des décrues. Ce n'est
qu'à partir du XIXe siècle de notre ère, avec le concept d'un État mercantiliste, et la construction des
barrages et déversoirs, la culture de rapport du coton et de la canne à sucre, que l'irrigation permanente
est devenue courante. L'irrigation artificielle est connue depuis les débuts de l'État unifié (environ 3100
avant J.-C.) mais, jusqu'à l'époque romaine, son utilisation était limitée. Cette interprétation générale de
la relation entre irrigation et Etat a des conséquences importantes pour la compréhension de
l'intervention ptolémaïque en Egypte. En dépit de la planification centrale antérieure et du modèle
étatiste des Ptolémées, l'économie agraire, comme cela avait été le cas auparavant, était à cette
période plus réactive que planifiée, et elle se fondait sur la structure administrative locale pour taxer la
production agricole.
Abstract
Irrigation and the State in ancient Egypt.
In this paper I examine the relationship between irrigation and the ancient Egyptian State. Despite the
persistence of the theory of the hydraulic bureaucracy developed by Engels, Marx, and Weber, and the
so-called "hydraulic hypothesis" of Wittfogel, there is no evidence that connects the irrigation system to
a "despotic" form of government in ancient Egypt. The ideology of centralized control must be carefully
distinguished from the diffused nature of water control. For most of its history, the exploitation of the
land in Egypt was organized in low-lying basins, and irrigation of the fields followed the rhythm of the
annual flood and its recession. It was not until the 19th-century CE, with the concept of a mercantilist
State and the use of barrages and weirs, and cash crops of cotton and sugar cane, that perennial
irrigation became commonplace. Artificial irrigation is known from the beginning of the unified State (ca.
3100 ВСЕ), but its use was limited until Roman times. This general understanding of the relationship of
irrigation to the State has important implications for the understanding of the Ptolemaic intervention in
Egypt. Despite the earlier central planning or etatist model of the Ptolemaic State, the Ptolemaic
agrarian economy, as it was earlier, was reactive rather more than it was planned, and used a localized
administrative structure to tax agricultural production.Irrigation et État en Egypte antique
Joseph G. Manning
La relation entre l'État égyptien antique et l'hydraulique est un vaste sujet, bien
documenté pour certaines phases de la longue histoire de l'Egypte. Aussi avons-
nous choisi de l'aborder ici, de manière générale, sous l'angle de l'irrigation et de
l'organisation économique plutôt que par l'étude des sources documentaires elles-
mêmes, en nous plaçant dans la perspective d'un modèle « néoclassique » de l'État.
L'une des caractéristiques de ce modèle exigeait du dirigeant qu'il négociât avec
les élites locales, échangeant ressources contre loyauté1. Or, en Egypte, il existait
assurément un «principe centralisateur»2 et un pouvoir idéologique fort, mais la
puissance économique était organisée en un système diffus reposant sur le contrôle
local de l'irrigation. Le concept d'une interaction étatique limitée autorise à suggér
er une nouvelle interprétation du développement agricole à la période ptolé-
maïque (332-30 avant J.-C), moment où l'État passe pour avoir atteint le degré
maximal de ses capacités d'intervention dans les économies locales3.
1 - Sur le modèle néoclassique, voir Douglas C. North, Structure and Change in Economie
History, New York, Norton, 1981, pp. 20-32 ; Eirik G. Furubotn et Rudolph Richter,
Institutions and Economie Theory. The Contribution of the New Institutional Economies, Ann
Arbor, University of Michigan Press, 2000, pp. 254-257, renvoient aux ouvrages cités ici.
2 - Kirti N. Chaudhuri, Asia Before Europe. Economy and Civilization of the Indian Ocean
from the Rise of Islam to 1750, Cambridge, Cambridge University Press, 1990, p. 261.
3 - On trouvera de bonnes analyses des documents dans Karl W. Butzer, Early Hydraul
ic Civilization in Egypt. A Study in Cultural Ecology, Chicago, The University of Chicago
Press, 1976; Christopher J. Eyre, «The Water Regime for Orchards and Plantations
in Pharaonic Egypt », Journal of Egyptian Archaeology, 80, pp. 57-80 ; Bernadette Menu __
Annales HSS, mai-juin 2002, n°3, pp. 611-623. JOSEPH G. MANNING
Le régime de l'eau
De vives discussions se sont déroulées autour de la question de l'organisation et
de la concentration du pouvoir dans les sociétés irriguées. De longue date, les
études sur l'Asie et le Proche-Orient ont souvent relevé des liens de causalité entre
l'agriculture « hydraulique » et le pouvoir centralisé. La nécessité de contrôler les
réseaux d'irrigation aurait, supposait-on, directement induit des formes de gouver
nement « despotique ». Ce modèle du développement de l'Etat en Asie — pauvreté
rurale, concentration de la richesse entre les mains des élites politiques - s'est
construit en opposition à un Occident démocratique et décentralisé. La liste est
illustre de ses commentateurs, d'Aristote, Engels, Marx, jusqu'à Weber et l'étude
influente de Karl Wittfogel4. La théorie, explicitement admise ou non, a joué un
rôle crucial dans les débats sur les origines de la démocratie5 et sur le rôle de la
propriété privée, particulièrement à propos des économies antiques. L'« hypothèse
hydraulique » a également été un élément important, et implicite, de la compré
hension de l'histoire de l'Egypte antique et du pouvoir du monarque jusqu'à la
période ptolémaïque.
Les recherches plus récentes ont toutefois réfuté sans ambages ces théories
« hydrauliques », et les chercheurs ont commencé à examiner avec davantage d'at
tention l'organisation du pouvoir social dans les États les plus anciens6. L'Egypte
fournit des sources importantes pour comprendre le rôle du pouvoir idéologique
ou cérémoniel dans les sociétés irriguées7, l'organisation de la production agricole,
la répartition de la terre entre familles ou gens de métiers, tels les bergers, ainsi
que les dynamiques qui liaient les pouvoirs centraux et locaux. Au cours des der
nières années, il est devenu de plus en plus manifeste que, sur le plan de l'agricul
ture hydraulique, non seulement en Egypte mais aussi en Grèce, en Afrique du
Nord et ailleurs, le moteur fondamental de la création, de l'entretien et du perfe
ctionnement de ces systèmes était plus à rechercher du côté des initiatives locales
(dir.), Les problèmes institutionnels de Veau en Egypte ancienne et dans l'antiquité méditerra
néenne (Actes du Colloque AIDEA Vogué 1992), Le Caire, Institut français d'archéologie
orientale, «Bibliothèque d'étude-110», 1994.
4 -Karl Wittfogel, Oriental Despotism, New Haven, Yale University Press, 1957.
5 - Patricia Springborg, Western Republicanism and the Oriental Prince, Austin, University
of Texas Press, 1992.
6 - Sur la réfutation de cette théorie, voir Karl W. Butzer, « Irrigation, Raised Fields <

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents