Jalons pour l anthropologie urbaine - article ; n°4 ; vol.22, pg 5-23
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Jalons pour l'anthropologie urbaine - article ; n°4 ; vol.22, pg 5-23

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Description

L'Homme - Année 1982 - Volume 22 - Numéro 4 - Pages 5-23
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacques Gutwirth
Jalons pour l'anthropologie urbaine
In: L'Homme, 1982, tome 22 n°4. pp. 5-23.
Citer ce document / Cite this document :
Gutwirth Jacques. Jalons pour l'anthropologie urbaine. In: L'Homme, 1982, tome 22 n°4. pp. 5-23.
doi : 10.3406/hom.1982.368321
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1982_num_22_4_368321JALONS POUR L'ANTHROPOLOGIE URBAINE
par
JACQUES GUTWIRTH
Introduction1
Alors que l'anthropologie urbaine s'est développée avec dynamisme depuis
une quinzaine d'années, principalement aux États-Unis, elle commence à peine
à être reconnue en France. Cependant, pour des motifs divers — impossibilité
d'enquêter dans certains pays, au demeurant peu urbanisés, mais peut-être aussi
prise de conscience de l'urbanisation accélérée du monde — , les recherches
d'anthropologues français dans la ville se sont multipliées, notamment au cours
de la dernière décennie.
Cette pratique n'allait certes pas sans rencontrer des problèmes méthodol
ogiques spécifiques et, pour leur apporter des éléments de réponse, il était bien
normal de se référer aux travaux de ceux qui, à l'étranger, avaient déjà amorcé
une réflexion dans ce domaine. Or, outre quelques articles ponctuels, il existe,
surtout depuis 1973, une série d'ouvrages consacrés à l'anthropologie urbaine,
tous publiés en anglais (voir la bibliographie chronologique). La France ou les
pays francophones offrant peu d'informations sur la question, il m'a semblé utile,
à partir de trois publications de portée générale parues aux États-Unis2, de poser
quelques jalons pour l'anthropologie urbaine. Cette étude doit donc beaucoup à
1. L'ensemble des articles présentés dans ce numéro est issu des travaux de l'atelier
« Sociétés urbaines et industrielles » du colloque international « La Pratique de l'anthropol
ogie aujourd'hui », organisé par l'Association française des Anthropologues, qui s'est tenu à
Sèvres du 19 au 21 novembre 1981.
2. Il s'agit de Richard Basham, Urban Anthropology. The Cross-Cultural Study of Complex
Societies, Palo Alto, Ca., Mayfield Publishing Cy, 1978, 353 p., bibliographie par chapitre,
index, ph. ; Edwin Eames & Judith Granich Goode, Anthropology of the City. An Intro
duction to Urban Anthropology, Englewood Cliffs, NJ, Prentice-Hall, 1977, 344 p., bibl.,
index par auteurs et par thèmes ; Ulf Hannerz, Exploring the City. Inquiries toward an Urban
Anthropology, New York, Columbia University Press, 1980, 378 p., bibl., index. [Traduit de
l'américain par I. Joseph sous le titre Explorer la ville. Éléments d'anthropologie urbaine,
Paris, Éd. de Minuit, 1983.]
L'Homme, oct.-déc. 1982, XXII (4), pp. 5-23. 6 JACQUES GUTWIRTH
ces trois livres, même si je ne mentionne pas explicitement leur contribution sur
tel ou tel point. Toutefois, mes réflexions constituent déjà une réinterprétation
de ces ouvrages qui, de plus, n'épuisent pas tous les problèmes auxquels un anthro
pologue urbain, notamment en France, est confronté. Aussi est-ce sous mon entière
responsabilité que j'aborde quelques thèmes particuliers, ma préoccupation
majeure étant de faire ressortir que l'anthropologie urbaine appartient à l'anthro
pologie « tout court ». C'est d'ailleurs ce qui fait son originalité, sa spécificité, ce
qui lui permet aussi d'enrichir la panoplie pluridisciplinaire des recherches sur
la ville.
Questions préalables
Une telle anthropologie est-elle légitime ? Que veut-on dire par « urbain » et
par « ville » ? L'approche anthropologique de la ville exige-t-elle des méthodes
spécifiques ?
L'anthropologue n'a pas seulement à se faire le mémorialiste, le conservateur
de modes de vie disparus ou en voie de disparition ; il dispose, grâce aux techniques,
concepts, problématiques qu'il élabore, d'excellents outils pour l'examen de faits
socio-culturels bien vivants. Si l'anthropologie a forgé ses méthodes dans l'étude
des sociétés dites primitives, l'histoire même de la discipline montre qu'elle tend
à s'appliquer à des objets de recherche fort différents de ceux de ses débuts. Les
travaux de Robert Redfield (1955, i960) constituent un exemple révélateur de
cette évolution. En choisissant pour objet d'étude la communauté rurale villa
geoise — ce qui marquait déjà une étape nouvelle dans l'histoire de l'anthropol
ogie — , l'auteur a fait œuvre de précurseur et de théoricien. Mais la communauté
villageoise, même relativement isolée, vit en symbiose avec la société urbaine.
Ceci l'amena, avec d'autres anthropologues ruraux, à constater que la « petite
communauté » subissait des modifications du fait de l'exode rural et des retombées
multiples de l'urbanisation, et, partant, à s'intéresser à ces phénomènes eux-
mêmes.
Mais le déplacement de l'objet n'explique pas tout. L'épistémologie et les
optiques théoriques de l'anthropologie ont considérablement évolué depuis les
classiques collectes d'outils ou de mythes d'une tribu de chasseurs-cueilleurs, en
passant par la monographie d'un village d'agriculteurs sédentaires d'Afrique,
jusqu'à l'étude d'un quartier urbain ou suburbain, en France par exemple. Au
xixe siècle, l'anthropologie s'est développée dans le contexte de l'évomtionnisme :
l'anthropologue cherchait les sources « inférieures », « primitives » de notre civi
lisation complexe et « supérieure ». Cependant, les perspectives comparatistes qui
soutiennent nécessairement toute science de l'homme se renforcèrent, se concré
tisèrent au fur et à mesure que les recherches « sur le terrain » se multipliaient.
Ce comparatisme, s'il s'exerça d'abord entre les divers « autres », put difficilement JALONS POUR L ANTHROPOLOGIE URBAINE 7
éviter la comparaison avec les « nous » (à commencer par l'observateur lui-même,
l'anthropologue). La prise en compte par celui-ci de « sa » propre société, grâce à
l'ethnologie de communautés rurales bien vivantes (il ne s'agit pas d'étudier
seulement des vestiges traditionnels), puis à la recherche dans et sur la ville,
apparaît non seulement comme un ajustement épistémologique, mais comme une
remise en question idéologique, un décentrement qui donne plus de poids au
relativisme culturel que les anthropologues ont pour la plupart affirmé, sinon
véritablement pratiqué.
On peut encore aller plus loin dans cette voie car jusqu'à présent l'anthropo
logie urbaine a principalement (mais pas uniquement) étudié des groupes apparte
nant aux couches sociales modestes — ruraux déracinés, ouvriers et emigrants de
bidonvilles, déviants, marginaux... Le choix d'un thème de recherche n'est jamais
innocent. Cependant, un des grands atouts de la démarche anthropologique,
que conserve l'anthropologue urbain, est de fournir des dossiers documentés, ce
qui prémunit dans une certaine mesure contre l'ethnocentrisme, les préjugés, les
jugements de valeur de l'observateur. Certes, l'anthropologie urbaine n'est pas à
l'abri des difficultés d'objectivation inhérentes à toute approche du social ;
néanmoins, cette richesse ethnographique la distingue de nombreuses disciplines
appliquées au monde urbain. De plus, les anthropologues ont toujours eu pour
souci scientifique de présenter la vision propre — « émique » — , la compréhension
du vécu et du monde qu'ont les groupes qu'ils étudient.
L'anthropologue urbain maintient aussi la nécessité de l'observation directe,
« sur le terrain ». Toutefois, sa démarche a souvent peu en commun avec la longue
immersion maximale, à la Malinowski dans son île lointaine. Les conditions de
recherche sont différentes : la nécessité ou l'opportunité de résider parmi les
enquêtes n'est pas toujours évidente ; les enquêtes peuvent être réparties sur des
périodes plus ou moins brèves, etc.
La monographie classique et l'étude à tendance totalisante, holistique font
davantage problème. On peut se limiter à la monographie d'un groupe, d'une
co

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