Jeunes musulmans de France : l intégration par la prière ? - article ; n°1 ; vol.60, pg 21-32
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Description

Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique - Année 1998 - Volume 60 - Numéro 1 - Pages 21-32
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 63
Langue Français

Extrait

Maria Lafitte
Jeunes musulmans de France : l'intégration par la prière ?
In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°60, 1998. pp. 21-32.
Citer ce document / Cite this document :
Lafitte Maria. Jeunes musulmans de France : l'intégration par la prière ?. In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et
politique. N°60, 1998. pp. 21-32.
doi : 10.3406/chris.1998.2082
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1998_num_60_1_2082Jeunes musulmans
de France : l'intégration
par la prière ?
Maria Lafitte
Tandis que la société peine à définir les modalités de sa gestion du
multiculturalisme, les sciences-sociales renouvellent leurs efforts en
vue de la construction de ce nouvel objet de recherche qu'est l'islam
des « nouvelles générations », socialisées voire nées en France.
Chacun avec son outil conceptuel spécifique, Leila Babes' et Fahrad
Khosrokavar2 proposent des approches complémentaires plus que
s' inscrivant dans des terrains en adéquation avec leur contradictoires,
discipline : la théologienne veut saisir la signification du croire et les
formes de son expression chez les jeunes musulmans rencontrés dans
les lieux du dialogue islamo-chrétien ; le sociologue privilégie les caus
alités et les conséquences sociales de l'adhésion religieuse dans les
banlieues.
En dépit de la similitude de leur propos - étudier « l'islam des
jeunes », la divergence de leurs objectifs répond à celle de leurs
objets. Aussi une analyse comparative prend-elle tout son sens, pas
seulement pour mettre en relief des analogies, mais pour comprendre
comment les dissemblances entre ces nouvelles religiosités - obser
vées sur des terrains différents, et même opposés, l'espace du dialogue
islamo-chrétien dans le cas de L. Babès, l'espace des cités dans celui
de F. Khosrokhavar - peuvent avoir des implications identiques. À
l'issue de cinq années d'observation sur leurs terrains respectifs, ils
aboutissent en effet à un constat globalement similaire, celui d'une
religion en cours de sécularisation, produit d'une recomposition de
l'islam en France et non plus d'une transplantation.
Maria Lafitte est étudiante en thèse de sociologie.
21 Les vives critiques adressées par la théologienne au sociologue ne
justifient que davantage la mise en perspective de leurs travaux, moins
pour répondre en son nom que pour dissiper un malentendu, révéla
teur d'une querelle méthodologique plutôt que de réelles dissensions
sur le fond : alors que F. Khosrokhavar interprète la foi juvénile par le
biais d'une phénoménologie de l'expérience religieuse, elle veut en
atteindre l'intériorité profonde. Contestant à la sociologie sa tendance
à envisager la présence de l'islam sous l'aspect d'une insertion
conflictuelle dans la société, elle veut nous faire découvrir un islam
« invisible », loin de ses manifestations les plus ostentatoires et des
signes de son instrumentalisation idéologique. Cette démarche la
conduit à minimiser la spécificité du religieux dans les espaces de
« relégation » : or, si une étude théologique peut - à la rigueur -
ignorer les déterminants sociaux, comment une recherche sociologique
pourrait-elle en faire l'économie, a fortiori dans nos banlieues ?
« Islam de l'intégration »/« islam de l'exclusion »
Dans les deux cas cependant, le choix épistémologique est iden
tique, renvoyant à l'étude d'un groupe social dans ses interactions
avec l'environnement. C'est alors dans la modalité du rapport à l'autre
que réside la différence fondamentale entre l'objet des deux auteurs.
L. Babès décèle dans les rencontres islamo-chrétiennes les signes
d'une volonté d'ouverture des jeunes musulmans français : l'autre est
appréhendé à travers la figure du Chrétien vu avec bienveillance. Plus
^ sugencore, construit dans la relation au christianisme, l'islam positif
gère l'acceptation du pluralisme - trait de la sécularisation - comme
gage d'intégration. Ainsi, la forme de religion décrite par la théolo
gienne ressemble-t-elle à ce que le sociologue nomme « islam de
l'intégration », par lequel les jeunes des classes moyennes tentent de
s'insérer dans la nation. Il considère cette forme intériorisée de croire
comme l'envers de « l'islam de l'exclusion », expression d'un
« racisme inversé » par lequel les jeunes défavorisés assument leur
différence, et plus encore, la revendiquent : forgé dans l'écart par rap
port à la République, Y islam néo-communautaire est porté par le sen
timent d'injustice engendré par l'exclusion - au point que la tentation
est grande de le nommer « islam négatif » en référence aux conditions
de son émergence. F. Khosrokhavar l'analyse donc dans un sens pro
testataire : l'autre est identifié au Français, à la société et à l'État
(police, institutions, médias), perçu comme hostile et appréhendé en
terme de confrontation.
C'est pourquoi, alors que dans le dialogue interreligieux le besoin
22 de dire son expérience spirituelle tend à remplacer le discours sur
l'appartenance, fondé sur un sentiment purement affectif et émotionn
el, c'est la seconde tendance qui semble se dégager dans les ban
lieues. Ce clivage est significatif de l'opposition entre religieux
d'attestation et de contestation, essentiellement inhérente à des fac
teurs environnementaux — social et géographique, en l'occurrence des
conditions économiques défavorables et à la force du particularisme
local - « effet distordu de l'exclusion » (p.83) - qui, dans les banl
ieues, se conjugue avec l'identité religieuse. Les réactions suscitées
par la guerre du Golfe en fournissent l'illustration : L. Babès y voit le
catalyseur d'un rapprochement spontané entre croyants et humanistes
qui aurait mené à la cristallisation d'une « mémoire de l'échange » ;
F. Khosrokhavar l'interprète au contraire comme un catalyseur de ran
cœurs contre la société, ancrées dans une mémoire de la persécution et
parfois traduites en violence.
Resocialisation par l'islam
Mais qu'elles se jouent dans l'échange ou dans l'affrontement, les
formes de (re) composition de l'islam en France viennent combler les
mêmes attentes. Elles répondent d'abord à un besoin de reconnais
sance sociale des jeunes à travers la prise en compte de leurs
problèmes quotidiens et la revalorisation de leur identité. Le « dia
logue de vie » engagé dans les rencontres interreligieuses comme le
regroupement « néo-communautaire » au sein des associations satis
font à la fois une demande de prise en charge et un besoin de lien
social en reliant le jeune à ses pairs. Que ce soit dans l'interaction
avec le Chrétien ou dans le repli sur le réseau associatif, ils fonction
nent comme des entreprises de socialisation, favorisant la relation
entre individus (plutôt qu'entre communautés).
Dans le dialogue islamo-chrétien, les valeurs de justice sociale, de
dévotion et de tolérance incarnées par le prêtre - valorisé en tant que
« religieux qui fait du social » - se concilient bien avec les attentes des
jeunes musulmans : ils trouvent en lui un modèle d'identification en
même temps qu'un « agent de socialisation islamique », au point que
L. Babès s'interroge sur sa perception comme « substitut au "prêtre"
musulman » (p.92). Dans les cités, non seulement l'islam peut per
mettre au jeune de s'inscrire dans un nouveau réseau de sociabilité
remplaçant la « sociabilité déviante », mais il peut l'aider à se réap
proprier une dignité et à valoriser son rôle dans le quartier : reconnu
dans ses aspirations identitaires, l'individu sort de sa solitude en
même temps qu'il compense sa non-reconnaissance par le corps social
23 par la reconnaissance de Dieu. Substituant à son sentiment d'inutilité
dans la société celui d'être indispensable à l'islam, il parvient par la
religion à transfigurer son infériorité sociale en une «

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