L Acculturation des Espagnols dans le Mexique colonial : déchéance ou dynamisme culturel ? - article ; n°122 ; vol.32, pg 149-164
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L'Acculturation des Espagnols dans le Mexique colonial : déchéance ou dynamisme culturel ? - article ; n°122 ; vol.32, pg 149-164

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L'Homme - Année 1992 - Volume 32 - Numéro 122 - Pages 149-164
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 33
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Solange Alberro
L'Acculturation des Espagnols dans le Mexique colonial :
déchéance ou dynamisme culturel ?
In: L'Homme, 1992, tome 32 n°122-124. pp. 149-164.
Citer ce document / Cite this document :
Alberro Solange. L'Acculturation des Espagnols dans le Mexique colonial : déchéance ou dynamisme culturel ?. In: L'Homme,
1992, tome 32 n°122-124. pp. 149-164.
doi : 10.3406/hom.1992.369530
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1992_num_32_122_369530Solange Alberro
L'Acculturation des Espagnols dans le Mexique
colonial : déchéance ou dynamisme culturel ?
ou Solange « encore vaincus dynamisme fort Alberro, » peu ou culturel les retenu L'Acculturation « colonisés l'attention ? — L'acculturation ». des C'est Espagnols chercheurs, pourtant des Espagnols dans un plus phénomène le soucieux Mexique dans le de colonial d'une Mexique se pencher ampleur : déchéance colonial sur non les a
négligeable, qu'on observe aussi bien dans des cas exceptionnels, voire limites, qu'au sein
de complexes socio- et psycho-culturels. Les pratiques et les conduites exogènes adoptées
par les Espagnols et les dérives qu'elles induisent révèlent la mesure de l'acculturation
des envahisseurs dans des domaines aussi divers que l'alimentation, l'éducation des enfants
ou le rapport au corps. Il reste à déterminer si cette acculturation correspond à une
« perte », une « dégénérescence », ou si elle exprime une modalité particulière du modèle
occidental.
Depuis Durkheim et Boas, les problèmes de diffusion et d'adaptation de traits
culturels constituent un défi permanent pour l'anthropologie. Mais, conséquence
naturelle des grands mouvements colonisateurs des nations européennes, c'est
toujours le « colonisé », assimilé d'une certaine façon au « primitif » — Noirs
d'Afrique et d'Amérique, Indiens du Nouveau Monde, ce laboratoire idéal des
pratiques et des aménagements conceptuels — , qui a attiré l'attention des spé
cialistes. Les naturels de l'Inde, tout autant colonisés et ceux qui en Chine le
furent partiellement n'ont pas, quant à eux, fait l'objet d'études systématiques
en ce sens, sans doute parce que les Européens n'ont pas voulu ni pu prétendre
à l'assimilation des autochtones ; peut-être aussi parce qu'ils ont eu le sentiment
d'être confrontés à des cultures qu'ils percevaient globalement comme étant égales
à la leur, ainsi que le suggèrent les stratégies déployées par les jésuites en Chine.
L'intérêt des sociologues et des anthropologues ne s'est pas davantage porté sur
les nombreux et complexes échanges culturels qui depuis la préhistoire n'ont cessé
de s'effectuer dans le monde occidental ; la notion de diffusion d'un trait parti
culier, concernant le plus souvent la vie matérielle, tient généralement lieu d'exa
men du problème tout entier, quand celui-ci n'est pas simplement abandonné
aux interprétations mecanistes traditionnelles qui l'intègrent alors dans le cadre
des « conquêtes », avec leur cortège d'« influences », etc.
L'Homme 122-124, avr.-déc. 1992, XXXII (2-3-4), pp. 149-164. 150 SOLANGE ALBERRO
Dans les travaux parus à ce jour, dus pour la plupart à Herskovits et à
son école, c'est toujours le vaincu, colonisé, esclave, déporté ou émigré qui
subit et se débrouille pour accepter, rejeter, adapter et accommoder ce que l'Occi
dental lui impose par la force, la persuasion ou la simple relation de dominat
ion. Si l'idée selon laquelle « un peuple qui en conquiert un autre peut se l'ass
imiler, mais alors lui-même devient un autre peuple »* semble évidente, elle n'a
pas donné lieu à des études sur ce qu'il faut bien appeler l'acculturation des
dominants.
Or le Mexique colonial, privilégié par la quantité et la qualité des expé
riences et des processus qui s'y développèrent et celles des sources qui en
témoignent, peut de nouveau servir de champ d'exploration pour une enquête
à ce sujet. Il va sans dire qu'en l'absence d'autres tentatives de ce genre, la
nôtre ne saurait avoir qu'un caractère préliminaire dépourvu de toute préten
tion à la généralisation et, moins encore, à l'établissement d'un modèle quel
conque. Les situations où dominés/dominants se trouvent engagés dans des
processus culturels qui les concernent tous sont trop différents pour qu'on y
songe actuellement. Notons toutefois que si les dominants minoritaires et expat
riés — ce qu'étaient les Ibériques en Amérique — furent aux prises avec des
phénomènes d'acculturation, un beau film comme Le thé au harem d'Archi-
mède nous confirme, dans la scène où l'on voit un petit Français se prosterner
sur un tapis de prière avec la famille musulmane qui l'accueille, que même
lorsqu'ils sont majoritaires et sur leur propre terrain géographique et culturel,
ces mêmes dominants n'échappent pas dans certains cas au processus qui nous
intéresse ici. Qu'il nous suffise donc pour l'instant et à l'aide d'exemples précis
de poser le problème de l'acculturation des Européens, malgré les réticences
inconscientes et/ou implicites que cette idée peut éveiller en nous, qui sommes
finalement les petits-enfants de la colonisation et les enfants de la décolonisation.
Pour ce qui est de la Nouvelle-Espagne, l'impression et le soupçon que les
Espagnols y subissent d'étranges et de négatives transformations psychologiques
affleurent dès la fin du XVIe siècle, et un Sahagun écrit à propos des défauts
et aberrations (tachas y dislates) affectant les Indiens que « les Espagnols qui
y habitent, et surtout ceux qui y naissent, acquièrent ces mauvaises inclina
tions ; ceux qui y naissent, exactement comme les Indiens, paraissent espagnols
par leur aspect, mais ne le sont pas par le caractère ; ceux qui sont nés en Espa
gne, s'ils n'y veillent pas avec le plus grand soin, deviennent différents quelques
années après leur arrivée ici... » ; il constate ainsi, avec sa perspicacité habi
tuelle, les glissements significatifs qui s'opèrent entre indigènes et Européens2.
Mais c'est au XVIIIe siècle qu'éclate la véritable « affaire » que constitue le pro
blème de l'identité des créoles.
Jusque-là, les créoles s'étaient définis non seulement comme des Espagnols
en tout point semblables à ceux de la péninsule, mais encore comme des nobles,
puisqu'en dépit des caractéristiques réelles de l'émigration métropolitaine, tous
prétendaient pratiquement descendre des conquérants3. Or à la faveur de ci
rconstances sociohistoriques particulières que nous ne pouvons développer ici Acculturation des Espagnols 151
et qui sont d'ailleurs assez connues, les Espagnols péninsulaires de l'époque
des Lumières, par la bouche ou la plume des fonctionnaires civils et religieux
essentiellement, leur renvoient d'eux une image qui d'abord les révolte et qu'ils
finiront par accepter comme unique matrice d'identité spécifique, celle
revendiquent leur étant refusée : en gros, ils ne sont plus semblables aux Espa
gnols d'Europe et leurs défauts et qualités sont désormais à peu de choses près,
ceux des Indiens. Il s'agit là d'un constat irrémédiable, douloureux et final
ement salutaire pour les créoles, en tant qu'ils constituent un secteur appelé à
exercer les fonctions dirigeantes d'une nation nouvelle, constat qui constitue
pour nous la preuve et le résultat d'un processus involontaire, inconscient et
aussi peu désiré qu'il fut inévitable.
On le sait, malgré les sentiments puissants d'étrangeté qui s'emparèrent des
Espagnols lorsqu'ils découvrirent la civilisation aztèque, et en dépit de certains
de ses aspects tels que le sacrifice humain et le cannibalisme rituel qui leur ins
pirèrent une horreur et une répulsion insurmontables, ils ne cessèrent, dès les
premiers contacts, de tenter d'exprimer la réalité nouvelle à travers leur propre
grille, c'est-à-dire de la ramener à du connu4. C'est donc en la comparant avec
les éléments de leur propre c

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